Guide pratique de vulgarisation scientifique à l’attention du complotiste et anti-complotiste

Complotistes et anti-complotistes, une nécessité de trouver un langage commun : la science

On vous a traité de » complotiste » sur twitter.  Sur facebook, on vous a qualifié d’ignare parce que vous avez liké le dernier message de Michel Onfray. Sur youtube, vous voyez bien que les messages agacés de prétendus « experts » qui commentent votre vidéo sur les dangers des vaccins ne font pas preuve de tendresse à votre égard. Pourtant, vous cherchez à savoir, doutez de la version officielle et, très probablement, n’aimez pas ce qualificatif de « complotiste ».

Ou vous êtes de l’autre côté de la barrière, vous définissant vous-même comme « anti-complotiste », vous arpentez chevaleresquement les forums de QAnon, désespéré par toutes ces personnes qui ne veulent pas entendre vos « arguments », voulant faire entendre raison à l’autre bord. Vous vous fendez de temps en temps d’un « espèce d’ignare », frustré par ne pas réussir à faire mouche. En réalité, vous ne maîtrisez pas vous-même le sujet, mais souhaitez rallier à votre cause un « complotiste » qui soutient des thèses que vous savez fausses.

La volonté de ce guide est de pouvoir transmettre à tous, le plus simplement possible, les principaux éléments permettant de faire les pas suivants en direction de la libération

Ce guide est destiné à introduire le langage universel permettant aux deux profils de coexister, de parler la même langue. Car être critique est le premier pas vers la liberté, mais il ne s’agit que d’un pas. Et je n’ai jamais rencontré, au cours de ma vie, de personne ne souhaitant pas être libre. Jamais. A la place, j’ai croisé des individus qui, par paresse intellectuelle, ne lisent pas d’avis contraires qui pourrait pourtant les sortir de leur zone confort. Cela est vrai aussi bien des intellectuels retranscrivant ce qu’ils ont appris lors de le cours universitaires, que d’autres avec moins d’éducation. Tous restent sur le seuil de la liberté, refusant d’avancer dans une direction leur garantissant une liberté et autonomie intellectuelle plus avancée. La volonté de ce guide est de pouvoir transmettre à tous, le plus simplement possible, les principaux éléments permettant de faire les pas suivants en direction de la libération : comprendre comment la science, dans la vie de tous les jours, nous permet de mieux vivre, mieux s’écouter les uns les autres. Et de se libérer de ses croyances, les mensonges induits par nos sens, qui nous enchaînent dans une incompréhension mutuelle.

Car beaucoup « d’anti-complotistes » n’ont pas les connaissances pour prétendre à convaincre les complotistes qu’ils sont dans l’erreur. Ils s’inscrivent dans la tradition intellectuelle millénaire scientifique, soit, mais ne répètent à la manière d’un perroquet que des bouts acquis ici et là, incapables de voir l’ensemble et de comprendre la raison qui est au coeur de la construction de la pensée scientifique : définir une méthode de compréhension et de dialogue universelle. A la place, on utilise ce que l’on appelle en rhétorique « l’argument d’autorité », soit citer un philosophe, un scientifique, une loi sans même la comprendre. Nous sommes tous sujets à ce biais, qui n’a pour but que de s’imposer dans une discussion. Lorsque l’interlocuteur ne connaît pas la référence que vous citez, il lui est impossible d’adhérer à vos propos. Et comme vous ne pouvez soutenir vos propos, vous provoquez un rejet au lieu de convaincre. Mais la science n’a que faire d’un nom fameux, bien des noms fameux disparaissent du jour au lendemain, jetés dans les poubelles de l’histoire car leur théorie s’est révélée erronée. En science, ce qui compte, c’est la méthode suivie.Mais la science est un

Le doute caractérise la science, mais il a des devoirs : douter de ses sens

Les « complotistes » souhaitent questionner le réel. C’est l’envie de tous les scientifiques. Sans le doute, il n’y a pas de science, pas d’avancée politique, pas de cafetière italienne ni de voiture à explosion. Soit, il est noble de vouloir douter. Mais le doute méthodologique cartésien (du philosophe Descartes) consiste à douter de ses propres sens. Ainsi, avoir l’impression que les vaccins sont inefficaces n’est pas grave en soi; c’est même plutôt une bonne idée de remettre en question la pensée dominante.

Lorsque je m’assieds sur ma chaise, il n’y a pas de probabilité que je m’envole vers le ciel. Et pourtant…

Toutefois, cette remise en question a pour conséquence de devoir douter de ce doute. Donc de faire des études approfondies pour comprendre l’histoire du vaccin, la méthodologie utilisée par Louis Pasteur. Rechercher ce qu’est un virus et comment il affecte l’organisme. Car ce n’est que lorsque l’homme a commencé à douter de ses instincts et de ses sens – qu’il a abandonné ses impressions – que la méthode scientifique a fait son apparition. Si vous êtes sur internet lisant cet article, c’est grâce à Max Planck et Niels Bohr qui, au début du XXe siècle, ont élaborés la théorie des quantas (la physique quantique), postulant notamment que les parcours des électrons sont des probabilités et non des certitudes. Cette explication est non seulement incompréhensible, mais elle contredit tout ce que nos sens nous prouvent quotidiennement. Lorsque je m’assieds sur ma chaise, il n’y a pas de probabilité que je m’envole vers le ciel. Et pourtant, la découverte de ces deux physiciens tient compte de cette possibilité. Aussi absurde que cela paraisse, cette théorie a donné naissance aux transistors, la radio, la télévision, les ordinateurs, votre smartphone et l’intelligence artificielle.

[L]a science […] n’est rien d’autre qu’une méthode pour s’approcher du réel

Les sens nous sont personnels, et nous permettent de communiquer avec quelques personnes qui ont des sens qui tendent à décrire un monde similaire aux nôtre. Ils permettent une communication avec des gens de notre tribu, mais pas ceux de la tribu voisine. Pour communiquer avec cette dernière, seule la science qui, comme nous allons le voir, n’est rien d’autre qu’une méthode pour s’approcher du réel, est efficace.

Vous ne pouvez pas éviter d’apprendre une nouvelle langue, la langue scientifique, afin de pouvoir communiquer votre dégoût pour la presse « mainstream » inféodé à la pensée dominante, car la bonne presse parle cette langue. Tous les journalistes que vous lisez ne parlent pas la langue scientifique, comme nous le verrons plus tard : vous pouvez, vous devez même exiger d’eux qu’ils augmentent leur niveau, et qu’ils réalisent des recherches poussées avant de vous livrer l’information. C’est la moindre des choses, vous les payer pour vous informer. Mais il vous incombe également la responsabilité de vous mettre au niveau que vous demandez à autrui d’atteindre, et comprendre pourquoi on parle de fact-checking, pourquoi sur tel ou tel point le journaliste prétend qu’il n’existe pas de complot mondial de pédophiles pour asservir l’humanité avec des puces 5G. Pourquoi les scientifiques, à qui il donne la parole, émettent des doutes sur la nocivité de la 5G, ou au contraire pensent que la 5G est nocive, mais qu’aucune étude scientifique ne soutienne que la 5G soit une technologie destinée à contrôler les citoyens.

Si le doute caractérise la science, c’est que la science n’a que faire des certitudes

Le doute est nécessaire, soit. Il est nécessaire toutefois de s’informer (c’est difficile, cela prend du temps) et d’apprendre à se détacher de ses sens. Tout aussi important est de comprendre pourquoi les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux. Pourquoi, par exemple, l’Organisation Mondiale de la Santé déclare un jour que le masque facial est inutile pour combattre la Covid-19, et le lendemain prétend le contraire. Ces changements sont intrinsèques à la méthode scientifique : on cherche, on pense avoir trouvé, mais on se trompe. Des collègues infectiologues nous rappellent à l’ordre, démontrent que notre méthode ne tenait pas compte de la mutabilité du virus, de l’aération de pièce, ou tout autre variable oublié.

[N]ous avons toujours le devoir [de] douter

La science ne détient pas la vérité, ce qui a pour conséquence que nous ayons toujours le devoir d’en douter. C’est notre responsabilité de citoyen habitant une démocratie. Le fondement d’une démocratie repose sur la nécessité d’avoir des citoyens rationnels, donc qui doutent. Toutefois, ce doute, comme nous l’avons vu, n’est que le premier pas. Le deuxième et les suivants consistent à acquérir les outils pour affirmer ou infirmer ce doute.

La science ne prend jamais position de manière définitive sur le réel

Méfiez-vous donc des intitulés « la science dit que.. ». La science ne prend jamais position de manière définitive sur le réel. Les scientifiques peuvent être d’accord entre eux, former un consensus scientifique sur un sujet. Mais la science est un protocole à suivre, elle est muette sur le vrai et le faux en tant que résultat, elle est une méthode pour se diriger vers le vraisemblable. Pour autant que l’on veuille forcer la science à parler, elle marmonnerait que le réel se recherche avec une logique théorique et expérimentale. La science est neutre, elle ne prend aucun parti, au contraire des scientifiques qui sont régulièrement en désaccord entre eux.

Les systèmes politiques et économiques se protègent par des mensonges à répétition

chez les anti-complotistes, il y ait une tendance naturelle à faire confiance à l’ordre établi […] les « complotistes » sont les déçus de ce monde. Ils ont vu les mensonges à répétition des hommes politiques

On ne peut pas considérer les deux « camps » comme étant équivalents, certes, mais il est difficile de nier que même chez les anti-complotistes, il y ait une tendance naturelle à faire confiance à l’ordre établi. Certains grâce à leurs études, d’autres parce que le monde leur convient, peu importe les raisons. Toujours est-il, les « complotistes » sont les déçus de ce monde. Ils ont vu les mensonges à répétition des hommes politiques qui disent qu’il y a des armes de destructions de massive en Irak (« j’en ai la preuve », dixit Colin Powell).

Notre monde est habité par des menteurs visant les gains de court-terme

Notre monde est habité par des menteurs visant les gains de court-terme, acceptons-le. Les « complotistes » en ont assez de ces boniments. Ils contestent l’ordre établi, car le système ne cesse de mentir pour se protéger. Et les « anti-complotistes » voudraient les qualifier d’idiots ? Certainement pas ! Les « complotistes » ont commencé la démarche du doute. Ce sont des citoyens. Mais il leur manque l’apprentissage à la pensée rationnelle, ce langage permettant d’accéder à l’universel. Cette connaissance (et pas sagesse, puisqu’elle est apprise et n’a rien d’intuitive) qui nous permet d’établir les liens entre les phénomènes qui nous entourent.

une approche non-scientifique […] freine le dialogue

Est-ce que Powell, lorsqu’il utilisa la tribune du Conseil de Sécurité des Nations Unis pour déverser sa litanie de mensonges, répondait à son inconscient qui lui dictait de prendre sa revanche sur Mohammed, un musulman irakien qui le maltraitait dans son enfance ? Nous ne pouvons pas répondre à cette question. Elle n’est pas falsifiable (nous verrons ce que cela signifie plus loin). L’inconscient n’est pas une théorie à laquelle la science peut répondre. Est-ce que Powell agissait sous les ordres de compagnies pétrolières étasuniennes ? Je ne peux pas répondre à cette question, et bien que la méthode scientifique puisse apporter une réponse, il serait nécessaire d’apporter des éléments de preuve à cette accusation (fardeau de la preuve, voir ci-dessous). On voit se dessiner ici les reproches faits aux complotistes, utilisant une approche non scientifique qui freine le dialogue : aborder des sujets dont il est impossible de parler (mon instinct me dit que…), pour lesquels on ne fournit aucune preuve (j’ai entendu dire que l’hydroxychloroquine fonctionne), ou dont les liens laissent à désirer (l’objectif de rendre obligatoire le port de masques de protection est de contrôler la population).

L’ego, une langue personnelle que l’on fait passer pour universelle

nous souhaitons tous avoir raison

Avant d’entrer dans le vif du sujet, clarifions une autre source d’incompréhension, une limitation due à la nature-même de l’humain : nous souhaitons tous avoir raison. Nous sommes persuadés de la pauvreté argumentative, cognitive de l’adversaire. Aristote pensait que l’homme était un animal politique en raison de sa faculté à parler. L’ego nous assure que nous avons raison et notre capacité à nous exprimer nous pousse à vouloir convaincre l’adversaire. Il nous faut combattre nos instincts (et donc notre ego, une langue personnelle), si l’on souhaite atteindre le langage universel permettant la conversation avec un autre que nous-même.  Les sentiments permettent de communiquer avec ceux qui nous ressemblent, dont le langage est proche du nôtre, mais pas avec ceux qui nous sont différents, avec une langue différente.

la science ne clôt pas le débat, mais lui assure la prospérité

Que vous soyez « complotiste » ou « anti-complotiste », gardez ceci à l’esprit : la méthode scientifique est une langue universelle qu’il faut apprendre pour éviter de ne pas se faire comprendre. Si vous avez fait l’expérience de vivre dans un pays où l’on parle une langue différente de la vôtre, vous savez qu’aucune communication ne sera vraiment possible à moins d’apprendre l’idiome local. La science permet non seulement à deux étrangers de s’entendre dans la même langue, mais à tous les peuples de se mettre d’accord sur la façon de s’empoigner. Car encore une fois, la science ne vous assure pas d’avoir raison : lorsque la méthode est scientifique, elle assure que l’on se rapproche du réel et que l’on puisse communiquer universellement sur cette réalité. La science ne clôt pas le débat, elle lui assure au contraire la prospérité.

Les éléments qui vont être développés plus loin sont regroupés en trois différentes parties :

  1. Quelles sont les caractéristiques de la science ? Partie théorique agrémentée de nombreux exemples, il s’agit de s’initier au début du vocabulaire scientifique, pour pouvoir parler cette nouvelle langue.
  2. Comment la science peut-elle m’aider dans vie de tous les jours ? Ce guide ne vise pas à être un exposé théorique, mais à transmettre des pistes pour pouvoir se libérer de ses erreurs naturelles. Comme nous le verrons, la méthode scientifique offre des outils très concrets pour mieux vivre son quotidien.
  3. La science m’aide-t-elle à mieux comprendre le travail du journalisme ? Ce cas pratique est central, car le journalisme permet au citoyen de chercher à comprendre le réel, et est aujourd’hui très critiqué.

Ce guide limite au strict nécessaire les notions théoriques, mais ne peut les éviter. Toute langue a sa grammaire, son vocabulaire avec lesquels nous devons devenir complices avant d’être en mesure d’échanger dans cette langue. Mais ensuite, quelle libération de se comprendre mutuellement !

Qu’est-ce que la science ?

L’objectif de cette partie est de présenter la pensée rationnelle, très brièvement, avec forcément quelques largesses et raccourcis pris pour des raisons pédagogiques. Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire de la science [1], mais de l’approcher de manière pragmatique, rappelant ce qu’est la pensée scientifique en quelques points essentiels.

Science et vérité

La science n’est pas la vérité, mais la recherche de la vérité. L’exemple le plus frappant est la théorie de la gravité de Newton: elle fonctionne encore aujourd’hui. Malgré la théorie fondamentalement différente que lui a opposé Einstein avec la relativité générale, les équations de Newton restent valides sur Terre. C’est lorsqu’on s’éloigne de celle-ci que les choses se compliquent, et que les lois de Newton sont prises en défaut: dans l’espace, avec des distances bien plus grandes, il nous faut faire appel aux équations d’Einstein pour comprendre ce qu’il s’y passe. Einstein a donc élaboré une théorie qui nous rapproche de la réalité, sans être la vérité, et plus important encore, sans invalider Newton lorsque les distances sont réduites. Pour calculer la chute d’une pomme, les équations newtoniennes fonctionnent des siècles après sa mort, et malgré le génie d’Einstein. Pour envoyer un vaisseau sur Neptune, à moins d’être prêt à se suicider, Einstein sera notre compagnon de route préféré, et nous oublierons bien vite Newton.

Pourquoi ? Comment est-il possible que des lois scientifiques ne se détruisent pas mutuellement ?

La question mérite qu’on s’y attarde quelques instants. Si le projet scientifique dans son ensemble est de décrire la réalité, il ne peut, qu’au mieux, s’en rapprocher. Certains scientifiques pensent que nous pourrons, à force de progrès, expliquer la totalité. C’était un courant très en vogue au XIXe siècle, que l’on nomme le scientisme. Une partie des scientifiques est moins ambitieuse aujourd’hui et pense que nos capacités intellectuelles sont insuffisantes pour un tel projet, que nous n’atteindrons jamais le niveau nécessaire pour décrire la réalité telle qu’elle est. La mode de nos jours serait même de penser que nous ne sommes que des hologrammes projetés par les fonds de l’univers, une thèse qui rencontre peu de soutien au sein de la communauté scientifique toutefois.

Les dangers des sens

la science clame haut et fort: nos sens sont insuffisants pour comprendre le réel

Mais nous avons ici un début d’explication sur ce qu’est la science : elle n’est pas la certitude. Elle démarre même avec le doute cartésien, qui mènera à remettre en question notre relation au monde à travers nos sens, ce que la philosophie faisait déjà depuis deux mille ans. Ce doute accouche de technologies permettant l’observation du monde bactériologique avec des microscopes électroniques (nos yeux nous mentent), ou réussissant à capter des ultrasons avec des détecteurs (nos oreilles nous mentent). Nos yeux ne voient ni l’infrarouge, l’ultraviolet, ou les ondes électromagnétiques de courte longueur. Et pourtant, tout cela existe, et bien que « le sens commun » consiste à s’en remettre à ses sens, la science clame haut et fort: nos sens sont insuffisants pour comprendre le réel, ils sont trompeurs. Nous, humains, ne possédons pas les outils sensoriels pour agripper la réalité. Il nous faut des outils intellectuels et technologiques pour la découper : c’est l’analyse.

L’analyse et la comparaison : découper pour mieux rassembler

Les outils technologiques nous permettent d’approcher une partie du réel dans un spectre très précis. Par exemple, un microscope permet de voir le petit, mais il est inefficace pour observer Neptune; pour admirer la dernière planète du système solaire, il faudra s’équiper d’un télescope, qui lui est inutile pour voir les microbes. La science et technologie découpent donc le réel pour l’étudier par portions, et ne permettent pas d’approcher le réel dans sa globalité. Les rayons gamma, observés dans les années 1960 au moyen de ballons sondes, ont une fréquence de 3 × 1016 HZ. Heureux le scientifique qui parvient à démontrer leur existence grâce à ses outils. Mais en quoi cette information est-elle utile ?

L’analyse scientifique, qui morcelle le réel, ne serait rien sans la comparaison. On compare le rayon gamma, obtenus par l’analyse, aux autres champs électromagnétiques, comme la lumière ou les ondes radios. Le scientifique teste les rayons gamma sur la matière, aussi bien un bout de papier qu’une vache. Et peu à peu, des applications émergent, comme la gammagraphie qui permet aux archéologues d’étudier un artefact ancien sans le détériorerLes sentiments permettent . Donc le travail du scientifique consiste à :

  1. Découvrir des propriétés du réel;
  2. Comprendre comment ces propriétés interagissent avec d’autres propriétés du réel;
  3. Si possible, trouver une utilisation à tout cela, mais les ingénieurs sont parfois bien utiles sur ce point.

Le pourquoi et le comment du réel

la science explique le comment, pas le pourquoi

Le scientifique n’est pas à la recherche de la vérité comme d’une réponse définitive. Ce n’est pas et n’a jamais été son travail. Même s’il est guidé par des questionnements universels (pourquoi la lune est en forme de croissant un jour, et pleine 10 jours plus tard), ses recherches l’amèneront à répondre que c’est parce que la rotation de la Lune autour de la Terre reflète la lumière du soleil différemment selon sa position relativement à Terre. Mais c’est un abus de langage, ou plutôt une limitation de nos langues, que de répondre parce que la Lune effectue une rotation autour de la Terre. Ce parce que donne l’impression que la matière lunaire est possédée d’une volonté propre, ou que les photons envoyés par le Soleil peuvent prendre des décisions de bombarder une partie ou la totalité de notre satellite. Ce parce que est terrible en science; la science explique le comment, pas le pourquoi. Aussi bien en physique qu’en science politique, le pourquoi est une damnation à laquelle tous les scientifiques s’adonnent, mais qui est source de toutes les incompréhensions.

Les biologistes qui expliquent que la nature a doté les hiboux de grands yeux pour qu’ils voient mieux la nuit renversent littéralement Darwin

Car la science a vocation à s’approcher du réel et de le comprendre, voire de le manipuler. On peut comprendre la gravité. On peut la manipuler avec nos muscles en sautant, ou avec un fusée en s’éloignant d’une source de gravité. Mais pourquoi existe-t-elle ? Un religieux vous répondra que dieu l’a créé. Un vrai scientifique devrait se cantonner à vous dire « c’est une propriété de notre univers ». Au lieu de cela, la plupart répondront « parce qu’une masse déforme la trame de l’espace-temps ». Le parce que devrait être banni des explications scientifiques. Les biologistes qui expliquent que la nature a doté les hiboux de grands yeux pour qu’ils voient mieux la nuit renversent littéralement Darwin : c’est d’avoir muté avec des grands yeux qui a permis aux hiboux de voir la nuit. En d’autres termes, ce n’est pas la nature qui décide de créer un nouveau produit, c’est le hasard de la mutation qui est utilisé par ses mutants selon le contexte – ou pas. Après tout, les chats sont de redoutables chasseurs et leur version sauvage s’en sort très bien. Mais le chat domestique s’en sort encore mieux, malgré qu’il utilise ses griffes pour nous pétrir le dos ou les jambes au lieu de déchiqueter des oiseaux. Il ne viendrait à l’idée de personne de dire que les griffes des chats ont été créées par la nature pour que votre petit fauve préféré puisse vous lacérer avec tendresse le corps, n’est-pas ? Mais la Terre atteindra le centre d’un trou noir avant que nous cessions d’avoir recours au parce que en science.

La science comme méthode

Nous sommes maintenant équipés pour comprendre mieux la phase suivante. La science recherche le réel, avec des outils, en comparant ses multiples propriétés entre elles. Elle n’a pas vocation à expliquer le pourquoi, mais le comment. C’est donc que la science est une méthode, un processus. La science est elle-même un outil universel pour communiquer entre humains avec l’univers. La pomme est attirée par le sol aussi bien à Kinshasa qu’à Oulan-Bator, et l’on retranscrit ce phénomène avec une langue, le plus souvent des mathématiques – mais pas seulement – pour parler des pommes qui tombent. On décrit sa vitesse, une propriété que l’on soumet à toutes sortes d’expérience. On s’aperçoit que sa couleur ne change rien à la vitesse de sa chute. La longueur de son trognon non plus. Son poids oui [2], pour autant que la pomme tombe d’une distance élevée. Bref, on découvre la pomme, comment elle interagit avec son contexte, on définit son contexte, on reproduit l’expérience…

C’est cela la méthode scientifique. Décrire un phénomène observable, qui puisse être reproduit dans un contexte similaire. Sur la Lune, mes observations de la pomme qui tombe ne correspondront pas au même contexte. Ma pomme lancée à l’autre bout du cratère pourrait même quitter l’orbite, alors que le scientifique suffisamment musclé pour faire voler dans les étoiles une pomme depuis la Terre reste encore à trouver.

Pour reproduire une expérience, le scientifique doit retranscrire tous les paramètres, toutes les propriétés du protocole qu’il a suivi pour réaliser ses observations et expériences. Quels outils, quel processus pour s’assurer que d’autres variables n’aient pas interférées, un peu comme le médecin qui vous met à jeun avant une prise de sang pour un check-up: il faut limiter les variables (on analyse), les consigner, et les comparer avec nos connaissances déjà acquises. Mais pourquoi toute cette méthode ? Nous sommes maintenant suffisamment avancés pour y répondre : la méthode scientifique doit être non seulement reproductible, mais aussi falsifiable.

Sans falsifiabilité, point de salut

La méthode scientifique n’a pas vocation à répondre au pourquoi, nous le savons déjà. Il y a une raison intrinsèque à cela : on ne peut pas prouver qu’un pourquoi soit faux.  Ou disons-le scientifiquement [3] : on ne peut par prouver, par l’expérience, que le pourquoi soit faux. Pourquoi dieu a-t-il créé l’univers ? Pourquoi ai-je les yeux bleus ? La science peut répondre au comment mes yeux sont-ils devenus bleus à travers la théorie des gènes. Mais certainement pas pourquoi le spermatozoïde et l’ovule qui se sont répliqués ont décidé de muter ou de garder les gènes spécifiques des chromosomes 15 et 19 qui seraient responsable de la couleur des yeux. La science peut hypothétiser le big bang pour dérouler le gonflement de l’univers, mais n’est pas outillée pour expliquer les décisions d’un créateur.

La science doit pouvoir prouver qu’une théorie soit vraie ou fausse, sinon [la théorie sort] du champ de la science

Si la science ne peut pas répondre à une question sans pouvoir l’invalider par l’expérience, c’est que la question n’est pas scientifique, et n’est donc pas non plus universelle. C’est peut-être contre-intuitif au premier abord, mais souvenez-vous que l’intuition peut être votre ennemie en science. La science doit pouvoir prouver qu’une théorie soit vraie ou fausse, sinon elle est réputée infalsifiable, et sortant par conséquent du champ de la science. Les équations d’Einstein sont soumises à l’épreuve de falsification depuis un siècle – et il faut reconnaître qu’elles passent tous les tests pratiques haut la main. Mais les équations d’Einstein doivent pouvoir être contredites par l’expérience, sinon on ne pourrait dire si la théorie de la relativité générale restreinte fonctionne ou non dans notre univers. Prenons une question plus proche de nos préoccupations quotidiennes, à l’origine de 50’000 morts annuelles : l’affirmation que « le vaccin contre la rage chez l’homme est efficace à presque 100% ». Il est facile de répondre à cette question par l’expérimentation, et nous aurons soit un « oui » soit un « non » après l’avoir soumise à des tests de falsification tout simple. On prend 100 êtres humains, on leur administre le vaccin contre la rage, puis le virus. Si les 100 personnes n’ont pas la rage, c’est gagné. Mais répétez une dizaine de fois l’opération en Pologne et en Argentine, afin d’augmenter les chances de certitudes. Notez dans votre protocole d’exécution si certains sujets étaient malades, leur âge et leur poids. Et surtout, continuez à douter malgré vos réussites, mais avec méthode.

Nous adhérons aux théories infalsifiables, nous ne sommes pas convaincus de les accepter

Une question non scientifique, donc à laquelle la science ne peut répondre, serait par exemple la psychanalyse freudienne. Freud, dans son immense créativité, sans même parcourir le monde, a souverainement décidé que tous les êtres humains sont amoureux de leur maman. Pour élaborer le complexe d’Œdipe, le psychanalyste a dépoussiéré une tragédie grecque de Sophocle vieille de 2500 ans. Sans aucune preuve et ne suivant que son intuition, il a inventé le mythe de l’inconscient. Ce dernier, qui est le socle sur lequel repose toute la psychanalyse freudienne, n’est pas falsifiable. Il est impossible à un scientifique de prouver par l’expérience que l’inconscient n’existe pas. Il n’est pas de test, à ce jour, nous permettant d’inclure ou d’exclure un monde auquel notre cerveau n’aurait pas accès, mais qui, tapis dans notre cerveau, nous ferait faire toutes sortes de choses par frustration de ne pas avoir pu posséder notre mère dans notre enfance. Nous pouvons par contre vérifier si l’hypothalamus, une glande de notre cerveau, régule effectivement la faim et le sexe chez l’animal et l’humain en triturant cette glande chez la souris. Mais l’inconscient est un domaine qui résiste à toute analyse scientifique, car il est infalsifiable. Je ne peux ni prouver que dieu ou que l’inconscient sont des théories erronées. La science est muette sur ces questions car il s’agit de croyances, destinées à répondre à pourquoi l’univers existe et pourquoi je dois trépasser, ou pourquoi ma voisine qui ressemble à ma mère m’attire autant.

Nous adhérons aux théories infalsifiables, nous ne sommes pas convaincus de les accepter. Ce n’est pas un crime en soit, après tout l’humanité se demande pourquoi elle existe depuis son aube. Mais, parce que nos questions sur ces sujets sont infalsifiables, nous ne pouvons pas partager avec toute l’humanité nos réponses. Ce n’est pas un hasard si l’humain s’écharpe sur ces questions, et trouve des réponses très différentes : les hindous assassinent des musulmans parce qu’ils refusent de reconnaître l’existence de Shiva le créateur et destructeur de mondes, les chrétiens ont commis des génocides parce que les populations étrangères ne savaient pas que Jésus Christ était un dieu d’amour, et les musulmans ont réduit en esclavage tout le Sahel africain au nom d’Allah le miséricordieux.

Pas besoin de faire la guerre pour faire valoir ses arguments, une expérience de falsification est suffisante

La science est une langue universelle car elle ne répond pas au pourquoi des choses. Elle est donc, en théorie, sans idéologie ni croyance. Elle permet à tous de parler la même langue, car elle dit en substance : est-ce que ta théorie, je peux la mettre à l’épreuve des faits ? Si tu me dis que les vaccins fonctionnent, est-ce que je peux en faire l’expérience ? Nous pouvons convaincre notre interlocuteur que nous avons raison, sans lui demander de nous croire. Pas besoin de faire la guerre pour faire valoir ses arguments, une expérience de falsification est suffisante.

La science est un sport de combat

Il n’y a pas de guerre scientifiques, mais les luttes sont malgré tout âpres. La falsifiabilité de la science n’évite pas les empoignades entre scientifiques, qui s’affrontent dans des combats argumentatifs tels titans en blouses blanches dans des luttes pouvant durer des décennies. La théorie du big bang n’a par exemple rien d’universellement accepté. Celles de Darwin et d’Einstein, du changement climatique à cause anthropique (humaine donc) et de l’efficacité de la vaccination font l’objet d’un consensus scientifique : c’est le degré le plus élevé de certitude existant. La majorité des scientifiques ne remettent plus en cause ces théories, mais les utilisent comme présupposés dans leurs recherches. Ce qui ne veut pas dire que demain, un petit génie cherchant à se démarquer, choisisse comme sujet de thèse « Démonstration des multiples erreurs des équations de la relativité générale restreinte » et parvienne à déclencher une révolution, car ses nouvelles équations, permettant de mieux décrire le réel, seraient confirmées par une ribambelle de scientifiques…

Une théorie scientifique peut durer une éternité, comme les théorèmes géométriques de la Grèce Antique ou de la Mésopotamie [4], ou ne durer que le temps d’un battement de cil. La mise à l’épreuve d’une théorie scientifique est constante, surtout lorsqu’on s’éloigne des mathématiques et la géométrie, qui sont des mondes en soi créés par l’homme, coupés de la réalité et donc facile à reproduire en laboratoire. La physique et l’astrophysique ressemblent à un patchwork pour un mathématicien, des disciplines imprécises en comparaison avec les mathématiques. Que dire de la biologie pour un mathématicien, discipline contenant encore moins d’outils pour reproduire les théories et prouver qu’elles sont vraies ou fausses. Reproduire l’explosion d’une étoile suffisamment massive pour en faire un trou noir, la disparition des dinosaures ou l’évolution des grands singes vers l’homme sont en effet délicats à falsifier en comparaison de théorèmes géométriques. Les outils pour les théoriser, les observer et les valider (ou falsifier) sont réduits, disputés, même si certains d’entre eux l’objet de consensus scientifique.

La force de la méthode scientifique est de pouvoir traverser les époques et les croyances

Malgré les consensus, les théories précitées sont régulièrement revisitées, peaufinées, et parfois entièrement critiquées. Une théorie faisant l’objet d’un consensus scientifique est plus souvent peaufinée qu’entièrement invalidée, raison pour laquelle nous nous appuyons sur les consensus scientifiques; des exemples comme celui du remplacement de la théorie de Newton, soutenue pendant près de deux siècles par les physiciens, sont rares dans l’histoire de la science depuis un siècle. [5] La force de la méthode scientifique est de pouvoir traverser les époques et les croyances, et de s’adapter en un instant aux nouvelles découvertes. Parce qu’elle est un langage universel, la méthode scientifique n’est pas remise en cause : seules ses découvertes et théories sont attaquées à coups de poignards argumentatifs.

On évolue par essai, erreur et correction dans le domaine scientifique

Résumons : la science est une méthode de la recherche du réel, qui doit être reproductible et falsifiable. La science a pour vocation d’être contredite, peut être remise en cause, doit être soumise à des tests constants. Parfois une théorie s’effondre et est remplacée par une nouvelle au pouvoir explicatif plus puissant, résistant mieux à l’épreuve du réel. Il est donc normal de voir les scientifiques lutter, qualifier une théorie à laquelle ils s’opposent de farfelue, crier sur un plateau télé que les chiffres fournis par un collègue d’une université concurrente sont ridicules. Ce fonctionnement est naturel et sain. On évolue par essai, erreur et correction dans le domaine scientifique depuis la nuit des temps.

Le fardeau de la preuve, fondation de la rationalité

[L]a base de la pensée rationnelle, sans lequel toute méthode scientifique est vouée à l’échec [est] le fardeau de la preuve

Puisque la science ne détient pas la vérité, comment reconnaître ce qui n’est pas scientifiques ? En vérifiant quelle méthode a été suivie. Comme déjà vu, une théorie scientifique visant à expliquer le pourquoi (pourquoi les virus existent-ils), ou qui n’est pas falsifiable (l’astrologie [6] ) sortent du champ de l’explication scientifique pour entre dans le domaine de la croyance. Mais la méthode scientifique nécessite des preuves également, sans quoi elle échouerait dans sa puissance explicative. Il convient d’introduire ici la base de la pensée rationnelle, sans lequel toute méthode scientifique est vouée à l’échec : le fardeau de la preuve. Si j’affirme que les champignons hallucinogènes font entrer ceux qui consomment dans un univers parallèle, il m’incombe de démontrer la disparition du corps ou de l’esprit du voyageur ingurgitant les fongus. Voire même de prouver l’existence d’un univers parallèle. Sans le fardeau de la preuve, il serait possible d’argumenter qu’une substance comme la nicotine est efficace pour guérir le cancer lorsque prise à hautes doses, et vendre mon produit miracle par internet sans être inquiété par les services de santé. Parce que nos sociétés sont rationnelles, soumise à l’axiome du fardeau de la preuve, une institution publique me demandera de fournir, à moi qui affirme que la nicotine guérit le cancer, toute une série de tests prouvant mes dires.

[le fardeau de la preuve] nous protège contre les abus aussi bien en droit qu’en science

Le fardeau de la preuve est un socle sans lequel une société démocratique est impossible. Il façonne la science et le droit. Ainsi, cet axiome vous prémunit d’une arrestation malveillante ourdie par votre voisin, qui convoite votre femme ressemblant étrangement à votre mère, et décide de vous dénoncer pour escroquerie organisée pour éliminer le concurrent de ses fantasmes. Avant même que vous n’ayez la tâche de vous défendre devant des tribunaux, votre voisin aura l’obligation légale de prouver vos supposées malversations. La pensée rationnelle et la méthode scientifique ne seraient rien sans le fardeau de la preuve. Le fardeau de la preuve est à la source du droit romain, dont les juristes européens continentaux s’inspirent largement encore aujourd’hui. Il nous protège contre les abus aussi bien en droit qu’en science.

Histoires de cause et d’effets

on confond causalité (un phénomène qui très probablement engendre le suivant, prouvé et validé) et la corrélation (un lien que nos sens voient entre deux phénomènes)

Il nous reste un point à aborder, et il s’agit peut-être du plus complexe, car encore très débattu : la causalité scientifique, soit le lien que l’on peut établir entre le phénomène observé (la pomme qui tombe) et l’explication de ce phénomène (la gravité). De plus, on confond causalité (un phénomène qui très probablement engendre le suivant, prouvé et validé) et la corrélation (un lien que nos sens perçoivent entre deux phénomènes). De nombreux ouvrages existent sur le sujet, et l’histoire est parsemée de débats houleux et homériques de scientifiques et philosophes qui se sont attelés à définir la causalité : est-ce la pomme tombe en raison d’une loi divine de l’univers, vraie en tout temps ? Ou est-ce une propriété de l’univers ? En d’autre termes, y a-t-il une raison à ce que la pomme tombe ?

Le problème que provoque la causalité tient au fait que l’on aborde le pourquoi des phénomènes. Pourquoi la pomme tombe-t-elle ? Parce que la gravité lui dit de le faire. Nous savons combien répondre au pourquoi est une gageure pour le scientifique, bien content d’habitude de s’en tenir au comment. Et pourtant, le voilà sommé d’établir des liens de causalité entre les phénomènes. De répondre au pourquoi la pomme tombe. Et d’expliquer que le phénomène est provoqué par la gravité, alors qu’il peut s’agir d’une autre force, restant à découvrir par la science. La causalité est peut-être le domaine le plus flou de la méthode scientifique, car il ne s’agit que d’une probabilité d’approche du réel. Il est donc très (très très) probable que la pomme tombe en raison de la gravité, qui n’est autre qu’une propriété intrinsèque à notre univers. Mais il est possible que cela ne soit pas le cas.

Que faire alors ? Si la science n’était pas explicative, elle serait frustrante. Nous attendons des scientifiques qu’ils répondent à la question de la causalité. Lorsque nous leur demandons pourquoi est-ce que les vaccins fonctionnent dans notre corps, ils s’attèlent avec beaucoup de bonne volonté à répondre que les anticorps mémorisent l’ennemi viral à combattre, et lorsqu’injecté en petite quantité, notre corps fabrique des armes de guerre qui seront utiles lorsque l’ennemi envahira en grand nombre le corps. Mais qu’en savons-nous réellement ? Ne serait-il pas possible que tout cela ne puisses être provoqué par l’éloignement progressif de Lune vis-à-vis de la Terre et que, tout comme notre satellite influence nos marées, il influence notre corps par la même occasion ? Le scientifique vous démontrera que la Lune s’éloigne pour tout le monde, et que tout le monde n’est pas immunisé contre la rage. Or, un pourcentage élevé de sujets à qui on a injecté une version minimale du vaccin ont développé une résistance à la maladie. Il est donc bien plus probable, si l’on s’en tient au monde réel, que le vaccin soit la raison de l’immunité et non la Lune. On doit approcher le 100% de probabilité dans ce cas. Si le 100% de certitudes est hors de portée du scientifique, un 99.99994% (soit le niveau de probabilité le plus élevé en science, appelé « Sigma-5 ») est assez certain.

la science est la pire des méthodes pour s’approcher du réel, à l’exception de toutes les autres

La causalité entre un phénomène et sa cause et donc toujours une probabilité. La cause attribuée par les scientifiques à un phénomène est la plus vraisemblable, mais n’est pas forcément une description définitive du réel. Cela tombe bien, puisque nous savons que la science a vocation à s’approcher du réel, sans jamais pouvoir s’en saisir totalement. Oui, nous le savons également, la science est une méthode, pas une vérité. Mais sans cette méthode, il est impossible de s’approcher de la réalité. Pour paraphraser honteusement Churchill, la science est la pire des méthodes pour s’approcher du réel, à l’exception de toutes les autres.

la causalité efface le facteur de décision du phénomène observé, elle se borne à commenter les règles mécaniques de l’univers

La causalité est une probabilité, soit, mais il faut définitivement la séparer du pourquoi dans une douloureuse opération chirurgicale. Nous ne pouvons-nous contenter d’introduire les probabilités pour saisir la différence entre les frères siamois nommés « pourquoi » et « causalité ». Si nous réfléchissons bien, le « pourquoi » fait appel à des facteurs externes. J’ai les yeux bleus parce qu’un ovule en a décidé ainsi. Il est grotesque de prêter des intentions à une cellule. Car si nous le faisons, tout composant de l’univers, même le plus infime, est doué de pouvoir de décision, il n’existe plus de pouvoir explicatif de la science et plus de volonté humaine : nous ne sommes plus que des vaisseaux soumis à la volonté de nos électrons qui décident de tourner à droite plutôt qu’à gauche. Or, la causalité efface le facteur de décision du phénomène observé, elle se borne à commenter les règles mécaniques de l’univers. Pourquoi ces règles existent-elles ? Demandez à un homme d’église, pas à un scientifique. Comment ces règles opèrent-elles les unes sur les autres ? Là, le scientifique se régalera en vous prouvant la causalité entre les phénomènes observables, falsifiables, reproductibles et hautement probables, que vos yeux bleus proviennent des chromosomes 15 et 19.

Ce que vous serez libre d’invalider, usant des mêmes méthodes que lui-même a utilisé. La science est un débat mené avec des outils universels, après tout.

La méthode scientifique dans ma vie

[la science] nous libère, efface les tabous, bâtit des ponts pour échanger avec nos semblables

Comment la méthode scientifique peut-elle vous rendre plus heureux, plus libre dans votre vie ? C’est, à vrai dire, la seule question qui compte. Si vous avez assimilé quelques bribes du chapitre précédent, vous comprenez maintenant que la science ne vous jette que quelques miettes du réel. Votre faim reste vivace, et vos questionnements ne sont que partiellement répondus. La science est frustrante, et même un professeur d’université avec 20 ans de recherches sur les chromosomes 15 et 19 expliquant la raison menant nos yeux à prendre une teinte bleue aura des doutes sur la véracité de sa théorie. Il est rageant de savoir que l’on entre dans la science par la porte doute, et l’on reste bloqué dans la salle des doutes. La science est une voie dans laquelle on s’engage pour trouver des réponses, mais qui nous fournit encore plus de questionnements sur le chemin de la recherche. La science remet en cause nos sens et notre expérience. Elle nous dépouille de nos certitudes et nos croyances. Mais en échange, pas totalement ingrate tout de même, la science nous fournit des possibilités de nous approcher du réel et de communiquer avec des personnes en désaccord avec nos thèses. Elle nous libère, efface les tabous, bâtit des ponts pour échanger avec nos semblables. Cela n’a pas de prix.

Les vaccins

Prétendre que le corps s’auto-guérit, contient tous les anticorps nécessaires pour combattre la polio n’est pas absurde

Rappelons que malgré son indétermination, son penchant pour les probabilités, la science nous offre un moyen de nous rapprocher du réel. Il est vraisemblable que jamais nous ne remettions en question l’efficacité de la vaccination, mais probable que tel ou tel vaccin puisse faire l’objet de nouvelles découvertes, précautions, et frappé d’obsolescence. Que nous puissions découvrir une méthode de vaccination plus efficace, moins dommageable pour l’organisme, cela reste du domaine possible. Mais tout comme Einstein n’a pas effacé l’efficacité de Newton pour expliquer la gravité dans un monde réduit, la vaccination selon Pasteur a prouvé qu’elle est efficace pour nous protéger contre les virus. Une nouvelle méthode pour combattre les virus ne remettrait certainement pas en question sa propre probabilité d’efficacité de protection. Ce haut degré de certitude ne met pas la vaccination à l’abri de toute contestation; mais la contestation requiert qu’elle passe les tests scientifiques, et surtout qu’elle offre une meilleure explication du monde, donc qu’elle ait une plus forte probabilité de se rapprocher du réel. Prétendre que le corps s’auto-guérit, contient tous les anticorps nécessaires pour combattre la polio n’est pas absurde. Il s’agit même d’une thèse scientifique à laquelle on peut faire passer la méthode de falsifiabilité. Le problème de cette thèse c’est qu’elle est contredite par la recherche : si l’on injecte le virus de la poliomyélite à des patients sans préalablement les vacciner, le pourcentage de personnes qui développent des symptômes de paralysie des membres ou des organes sera plus élevé que ceux qui auront eu la chance de recevoir un vaccin préliminaire. Les chances donc d’être plus proche du réel avec la théorie de l’auto-régénération du corps sont plus réduites (bien plus réduites) que celle de la théorie des vaccins.

J’ai un ami à qui cela est arrivé

Il est donc impossible de convaincre un défenseur des vaccins que votre méthode fonctionne. Dans votre argumentation, vous allez vous résoudre à mentionner que votre voisin a expérimenté cette méthode, et qu’il s’en est trouvé guérit. Que votre acuponcteur traditionnel vous a fait un bien fou en vous plantant ses aiguilles, et que vous vous sentez d’attaque pour combattre un lion, alors un petit virus de rien du tout ne vous angoisse aucunement. Ce faisant, vous entrez de plein pied dans votre expérience personnelle, et vous écartez de l’universel. Les possibilités de discussion communes se raréfient, à moins que moi aussi je ne sois un adepte des médecines alternatives (l’esprit de tribu fonctionne dans ce cas à plein pot). Mais si je suis dans une catégorie plutôt encline à écouter les scientifiques, nous ne parlerons pas avec les mêmes mots. Vous parlerez de ressenti, là où moi je parlerai de pourcentage. Vous vous focalisez sur les 0.00001%, là où j’ai une préférence pour les 99.99999%. Ce qui ne signifie pas que j’ai raison : mais j’ai probablement plus raison que vous.

Alors voilà, ce guide a la prétention de viser l’honnêteté : le monde est si complexe, l’ego si puissant, que tous sortent tout le temps de leur champ de compétence. On s’improvise infectiologue sur twitter en temps de pandémie et politologue sur facebook lorsque le Conseil de Sécurité des Nations Unies décide d’autoriser une nouvelle mission d’opération de maintien de la paix en Asie ou en Amérique Latine. Ce phénomène est moqué, mais comme nous allons le voir il peut aussi être vu comme la manifestation d’individus voulant se renseigner, cherchant à devenir plus informés et rationnels.

Le consensus scientifique et sous-traitement de la connaissance

Nos échanges scientifiques sont nourris par les réseaux sociaux. Nous sommes virologue un jour, spécialiste des bananes plantain colombiennes le lendemain. Ce n’est pas forcément un mal, pour autant que l’on fasse l’effort, au cours du débat, de s’informer et lire des études sur le sujet. Nous n’avons pas, pour la plupart d’entre nous, le génie de Newton qui a pu développer de nouvelles mathématiques, créer une nouvelle discipline (la physique classique), écrire des ouvrages philosophiques tout en faisant une pause sur pour réfléchir sur l’alchimie. Il s’agissait aussi, dirons-nous pour nous rassurer face à la stature de ces êtres hors du commun, d’une époque où la spécialisation scientifique était moindre et l’on passait du coq à l’âne avec plus de facilité, sans avoir à étudier durant 10 ans la médecine pour commencer à comprendre qu’il nous reste un long parcours avant de devenir un neurochirurgien émérite.

Nous devons appliquer une hiérarchie de la connaissance dans nos échanges

Ce défaut de spécialisation a pour conséquence que nous nous prononçons sans cesse sur des sujets que nous ne maîtrisons pas. Mais nous pouvons tendre à le maîtriser, tout comme les scientifiques tendent à décrire le réel. Nous devons appliquer une hiérarchie de la connaissance dans nos échanges, et reconnaître qu’une étude n’est pas un argument décisif, ni même une méta-analyse (une étude qui réalise un état des lieux des études sur un sujet). Le plus haut degré d’argumentation en science, qui contient donc le plus de chances que la théorie soit vraisemblable, est le consensus scientifique. Le changement climatique à cause anthropique fait l’objet d’un consensus scientifique, ce qui signifie que les méta-analyses de météorologues, paléontologues, glaciologues, archéologues, biologistes, physiciens prennent majoritairement le même micro pour dire d’une seule voix : « le climat se modifie à grande vitesse en raison des activités humaines ».

Comme nous ne sommes pas, comme nous ne pouvons pas être experts de tous les domaines, dans un débat nous sommes forcés de sous-traiter nos connaissances à un panel d’experts, qui n’ont pas nécessairement raison mais ont étudié la question bien plus longuement que nous. Et lorsque ces experts sont presque tous d’accord entre eux, il paraît raisonnable d’accepter l’argument fourni par votre interlocuteur affirmant qu’il existe un consensus scientifique sur le sujet débattu. Il ne serait pas scientifique de dire « le débat est clôt pour toujours », mais il serait encore moins scientifique de dire « j’ai l’impression que tous les experts ont tort, j’ai vu une vidéo montrant que les ours polaires se portent très bien », tout comme « je connais ce consensus, mais il existe une étude qui le contredit ». Vous ramasser les grains argumentatifs avec une petite cuillère là où votre interlocuteur possède une pelle mécanique.

pourquoi est-ce que je sous-traite ma connaissance du monde aux physiciens, qui m’apportent voitures et smartphones, et refuse de le faire avec les médecins qui appellent à la vaccination ?

Pour terminer cette partie, une question piège : vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous êtes prêt à vous improviser détracteur d’un consensus sur les vaccins, sans vouloir faire l’effort de me renseigner sur la virologie ? Pourquoi ne vous improvisez-vous pas plutôt pas physicien quantique, une discipline qui par ailleurs aurait bien besoin de personnes capables de l’expliquer ? En d’autres termes, pourquoi est-ce que vous sous-traitez votre connaissance du monde aux physiciens, qui vous apportent voitures et smartphones, et refusez d’en faire de même avec des médecins qui vous abjurent de vous vacciner ? Il existe beaucoup de réponse à cette question, comme par exemple la nécessité impérieuse d’apprendre des mathématiques avancées pour la physique quantique. Il vous revient de répondre à ce pourquoi vous faites confiance à l’un et pas l’autre de manière personnelle, cette question sortant du domaine scientifique. Toutefois, vous poser cette question vous permettrait d’atteindre un niveau de cohérence interne plus élevé.

Les liens causals et cas pratique

Douter est utile à votre vie. Bravo, vous êtes sur la voie de la libération. Mais vous l’avez compris, douter est une méthode, et comme toute méthode, elle s’apprend, elle n’a rien d’innée. Nous allons voir avec précision comment douter.

[S]i le doute se suffisait à lui-même, tout deviendrait possible par la simple existence de ce doute

Nous commettons en effet régulièrement l’erreur de nous parer du doute sans chercher à lui apporter une réponse méthodique. Or, si le doute se suffisait à lui-même, tout deviendrait possible par la simple existence de ce doute. Un homme politique a menti sur un thème précis ? Tout ce qu’il a pu précédemment dire ou faire est jeté aux orties. Nous n’arrivons plus à établir des liens logiques, probables, entre les phénomènes, parce que nous avons perdu confiance, nous rejetons les médias et les dirigeants. Lorsque le doute nous obscurcit la vision, l’observation périphérique remplace la vision centrale, on se concentre sur les anecdotes et non sur les règles. Tout devient chaotique, et la discussion universelle devient un brouhaha digne de la tour de Babel.

Le crash d’un avion ne remet pas en question la sûreté statistique de ce mode de transport; mais nos sens nous suggèrent de rejeter les statistiques

Powell a menti le 5 février 2003, nous avons abordé le sujet. Mais est-ce que cet acte signifie que tout n’est que mensonge dans les précédentes déclarations de l’ancien secrétaire à la défense ? Non, chaque déclaration doit être isolée, analysée, soumise à la recherche d’une causalité. Le crash d’un avion ne remet pas en question la sûreté statistique de ce mode de transport; mais nos sens nous suggèrent de rejeter les statistiques. A la suite d’une catastrophe, nous aurons un comportement irrationnel et émotif, mettant en veilleuse notre esprit critique.

L’anecdote devient ainsi explicative de tous les problèmes du monde

Les mensonges et les catastrophes nous écartent de la pensée rationnelle de sorte que nous nous concentrons sur les anecdotes pour les transformer en généralité. Pire, nous nous mettons à tisser toutes sortes de liens corrélatifs, oubliant de chercher la causalité entre les phénomènes. L’anecdote devient ainsi explicative de tous les problèmes du monde, nous devenons incapable d’analyse et comparer en toute bonne foi. Le crash d’un avion devient prétexte non seulement pour affirmer que le voyage par la voie des airs est périlleux, mais devient également une opportunité que ce crash était commandité par la compagnie aérienne pour éviter la faillite, par les assureurs pour pousser les compagnies aériennes à s’assurer car eux-mêmes sont au bord de la banqueroute, et par les contrôleurs aériens qui sont surchargés de travail. Tout ceci ne peut pas être possible à la fois et, dans tous les cas, requiert preuves et causalité.

Prenons un cas pratique et observons comment la méthode scientifique peut nous aider à poser une réflexion. L’échec apparent de la molécule oseltamivir (également appelée Tamiflu, utilisée dans la deuxième moitié des années 2000 pour combattre le virus H5N1, la grippe aviaire), pour lequel on s’accorde à penser qu’il fut inefficace, a été utilisé pour prétendre que Roche, le fabriquant pharmaceutique suisse de la molécule, était de mèche avec les hommes politiques. La France a poussé pour l’utilisation de ce produit, qui s’est révélé peu efficace pour prévenir la maladie, et aux effets secondaires inquiétants. Certains non experts en ont conclu qu’un partenariat occulte avait été établi entre l’OMS, l’Etat français et la multinationale Roche pour vendre des millions de vaccins aux Français. Pour nous aider à réfléchir sur le sujet, passons par une série d’étapes méthodiques :

  • Si l’on analyse, on réduit tout d’abord aux acteurs les entreprises pharmaceutiques, Etat français et l’OMS; y a-t-il un lien de causalité établi qui démontrerait une connivence machiavélique à des fins financières ? Un autre acteur de poids, le peuple français : pressait-il son gouvernement de trouver une solution ? Est-ce que les leaders politiques d’opposition critiquaient l’hésitation du gouvernement, pouvant pousser celui-ci à des réactions précipitées ?
  • Si l’on compare, quels autres scandales de ce type ont frappé la France ou l’OMS ? Combien de fois, pour quelles autres molécules cela s’est-il produit dans le passé ? Peut-on établir un modèle, un patron qui nous aiderait à déterminer une régularité ?
  • Fardeau de la preuve: Les non experts ont-ils apporté des preuves de complicité entre les acteurs, ou partagent-ils seulement des impressions?
  • Contexte analytique: comment fonctionne l’OMS ? Quand a-t-elle été fondée, quelle est son histoire et ses règlements ? Comment s’opère la prise de décision ? Qui finance l’organisation ? Quelles ont été ses réactions au cœur de l’épidémie ? Même chose pour Roche et l’Etat français.
  • Falsifiabilité: Est-ce que je peux accéder à la convention qui a établi l’OMS ? Aux preuves de collusion avancées par les non experts, ou du moins est-ce que des journalistes ont pu le faire ? Puis-je démontrer que le modèle de collusion Etat-entreprises pharmaceutiques est faux ? Ce point est rarement appliqué dans la réflexion, mais c’est pourtant le plus important. Affirmer que « c’est bien connu, la France mange dans la main de Roche, tous des pourris » n’aidera personne, je ne peux pas valider ou invalider une telle hypothèse. « Il existe trois occurrences entre 2001 et 2004 d’échange d’argent entre l’homme politique X et le représentant Y de Roche », m’autorisera à vérifier l’hypothèse de l’existence d’un modèle généralisé de corruption.

Cette mise en application de quelques outils est toute personnelle. Pire, elle est même issue des opinions de l’auteur sur le sujet, des questions qu’il se pose en raison de son parcours personnel. Toutefois, parce que ces questions sont posées avec méthode, vous remarquerez qu’à la lecture de ces points vous ne serez pas tentés de fournir votre opinion immédiate, mais d’aller trouver une réponse sur Wikipédia, une étude juridique de l’OMS, un article du Monde parlant du l’oseltamivir, les minutes de l’assemblée d’actionnaires de Roche à l’époque et des déclarations des hommes politiques de la deuxième moitié des années 2000, ou encore d’ouvrir un livre sur le sujet. Si vous ressentez cet effet, c’est parce que le langage méthodique est universel, et encourage au débat avec des armes acceptées par tous.

C’est un défaut de raisonnement que de tirer des conclusions à partir d’anecdotes

Une exception n’engendre pas une règle. Un menteur étasunien ne signifie pas que tous les Etasuniens sont menteurs. C’est un défaut de raisonnement que de tirer des conclusions à partir d’anecdotes, un défaut appelé erreur syllogistique. Si vous parvenez à éviter cet écueil et suivez avec méthode vos questionnements, le sentiment de liberté ne vous quittera jamais.

Parler le scientifique et ne plus se faire manipuler

La distorsion de nos échanges provient donc de l’affrontement entre une langue locale (la vôtre) et une langue universelle (la méthode scientifique, de tous). Notre incompréhension mutuelle est induite par l’incapacité de l’un ou les deux débatteurs à dépasser ce que lui murmurent ses sens à l’oreille. Il sait pourtant que c’est le refus de suivre ses sens qui lui offre la possibilité d’aller sur internet écrire sur son blog qu’il faut suivre ses sens. C’est hypocrite, certes, mais en vérité, pardon, vraisemblablement, c’est le reflet d’un monde si complexe et spécialisé que l’on peut utiliser un ordinateur sans en comprendre son fonctionnement ni établir un lien entre ses positions idéologiques et son activité quotidienne. Toutefois, comprendre la langue scientifique ne signifie pas parler le français comme Molière ou Voltaire. Nous pouvons nous limiter à un apprentissage propre à apprécier les rimes et le chant de la langue, pouvant ainsi les partager les émotions qu’elle nous procure avec notre entourage. Celui-ci ne sera peut-être pas d’accord avec notre goût pour l’Avare de Molière, mais nous aurons une chance de pouvoir en débattre. Et, en fin de compte, de nous respecter l’un l’autre.

Vous pouvez être facilement manipulé par quelqu’un qui voit quelle est votre langue personnelle

Car il est important de conclure avec ceci : nous fier à nos sens dans nos rapports avec autrui est dangereux. Vous pouvez être facilement manipulé par quelqu’un qui détecte votre langue personnelle et l’utilise à ses propres fins. Pour infiltrer un réseau de narcotrafiquants, on utilise leurs codes, leur culture tribale, pour se faire passer pour l’un d’entre eux. On apprend à connaître les mots-clés à utiliser pour simuler notre appartenance à leur tribu. C’est ainsi qu’un documentaire consacré à l’homéopathie (réputée dangereuse par son manque de résultat scientifique) construit sa manipulation en s’appuyant sur des bribes de connaissances acquises lorsque vous avez commencé à vous intéresser à la question de la résistance des bactéries aux antibiotiques (question légitime qui agite les médecins et les chercheurs). Le documentaire ne « parlera pas le scientifique », mais utilisera des mots -clés que vous avez déjà entendus au cours de votre recherche sur la résistance aux antibiotiques : vous reconnaissez des passages sur le « danger pour le corps de s’habituer aux antibiotiques », et prêtez plus d’attention au « maladies résistantes ». C’est mécanique, ce phénomène nous arrive à tous. Nous sommes faits pour reconnaître ceux qui nous ressemblent, ceux de notre tribu : notre survie peut dépendre de notre aptitude à reconnaître notre clan, comme dans le cas des narcotrafiquants. Nous tombons tête baissée dans ces pièges destinés à nous manipuler sans que nous nous en rendions compte. Un universitaire qui écoute un autre universitaire parler avec des mots qui lui sont familiers se sent automatiquement complice et proche de lui : les sens nous trompent, mais nous pouvons au moins nous rendre compte de cette erreur. Nous rendre compte que, par exemple, il n’y a aucun lien causal entre le fait que les maladies deviennent résistantes aux antibiotiques et que l’homéopathie soit efficace. L’homéopathie est efficace ou ne l’est pas (falsifiabilité), doit être prouvée par l’expérience (fardeau de la preuve), doit s’inscrire dans une explication générale (causalité). Si l’homéopathie un jour passe ces épreuves, elle finira peut-être par atteindre le niveau de confiance sigma-5 du consensus scientifique. Mais en deux siècles d’études, l’homéopathie n’a jamais pu passer les tests requis par la méthode scientifique.

Seule la langue universelle scientifique nous prémunit contre ces manipulations. Il nous arrive à tous d’être manipulés, mais il convient de savoir si nous avons l’impression d’être manipulés ou si nous le sommes vraiment. Pour cela, il nous est obligatoire de faire un sursaut d’effort pour découvrir la méthode scientifique, qui ne détient pas la liberté en tant que telle, mais un chemin vers celle-ci. Elle nous protège des manipulateurs. Et parce que notre époque regarde avec tant de suspicion les « rapporteurs du réel » –  les journalistes – mérite que l’on se pose la question : le journalisme nous libère-t-il ou nous emprisonne-t-il ?

Le journalisme, une longue tradition de fake-news

Nous n’avons dorénavant plus aucun scrupule à nous attaquer de front et sans corde à cette chaîne montagneuse qui divise tant : les journaux et l’information. Car le journalisme n’est pas une science, mais son rôle de passe-plat entre le réel et les citoyens qu’il opère avec méthode l’en rapproche. Son objet, qui consiste à rapporter le réel (des élections, une guerre, un assassinat, des décisions économiques et politiques) l’a obligé, au fil des siècles, de se doter d’outils méthodologiques qui poussent le journaliste à penser et relater les faits de manière rationnelle. Le journalisme tend à se comparer à une science humaine [7], développant ses propres outils et buts.

Mais commençons par les critiques adressées parfois à cette discipline : le journalisme court derrière la publicité, le « clic » sur internet, il choisit des sujets parfois racoleurs pour atteindre ce but. L’argent est la motivation ultime d’une rédaction. Une idéologie guide ceux qui prennent la plume pour vous informer (bien souvent le socialisme), et ils commettent des erreurs et doivent se rétracter.

Soit, il faudrait être totalement aveugle pour dire que tout ce qui précède est faux. Mais cherchons à comparer tout cela avec le monde de la recherche : la recherche ne sait se passer des derniers outils à la mode. Le temps du papier et crayon pour élaborer une nouvelle formule mathématique a vécu et bien vécu. Les physiciens ont besoin d’un collisionneur à hadrons au CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire, en Suisse) pour découvrir que le boson de Higgs [8] existe bel et bien. Un collisionneur à hadron ne se trouve pas chez l’épicier du coin, et il aurait coûté 5.2 milliards d’euros. Le CERN a donc des bailleurs de fonds, des spécialistes de la levée de fonds, des spécialistes en communication qui persuadent les donateurs que leur argent a été bien investi car quand même, le boson de Higgs, tout de même, c’est « la particule de Dieu » – ce terme n’ayant d’autre but que de plaire aux journalistes et aux lecteurs par le pouvoir de sa métaphore. Sans argent en science – et donc en journalisme – on ne paie ni les salariés, ni les voyages sur les zones de guerre, ni le journalisme d’enquête sous couverture au sein de milieux de narcotrafiquants. On ne pourrait pas débourser 5.2 milliards pour un accélérateur à particules qui a pour seul but de lancer une particule de matière pour qu’elle éclate contre une autre et voir le résultat de la déflagration. Oui, la science est chère, et le journalisme l’est un peu moins. Mais tous deux ont ce défaut de devoir financer leur course à dénuder le réel.

On accuse le journalisme d’être gangréné par l’idéologie. Et on ne peut ignorer les conséquences d’une idéologie sur les articles d’opinion. Néanmoins, le journaliste qui rédige un article d’opinion – un éditorial – vous prévient qu’il s’agit d’une opinion. Ce faisant, il s’extrait du domaine scientifique pour celui du monde personnel, individuel. C’est normal que cela énerve le lecteur qui ne partage pas les mêmes valeurs, ne parle pas le même langage émotionnel que le journaliste qui sort du langage universel. Le lecteur est en droit de s’en offusquer : après tout, le premier à avoir commencé à parler une langue étrangère, c’est le journaliste. Que celui-ci en assume les conséquences, c’est bien normal. Toutefois, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : les opinions sont identifiées en tant que telles car les articles factuels font l’objet d’une méthode quasi-scientifique : au moins deux sources doivent vous confirmer les faits que vous n’avez pas constaté vous-même, vous devez critiquer ces sources, mettre en contexte des faits (donc la comparaison scientifique est ici mise en perspective), rechercher la causalité des faits, vous rétracter en cas d’erreur…

Alors, me direz-vous, ce fonctionnement est dans un idéal. Dans la réalité, les journaux sont moins méthodiques, et se laissent aller à des fautes, tel qu’inventer des sources. Certes, mais dans la réalité, les scientifiques aussi commettent des erreurs malveillantes. Ils truquent leurs résultats. Ils sont aveuglés par leurs certitudes idéologiques et leur ego. Ils ne lisent que des articles scientifiques qui vont dans leur sens, ne se remettent plus en question. Pouvons-nous, malgré tout, continuer à faire confiance aux journalistes et aux scientifiques ? Certainement, car ils sont soumis à l’épreuve scientifique. D’autres journalistes, d’autres scientifiques vont les contredire, des personnes qui lisent d’autres revues, possèdent des idéologies contraires, et ne se laissent pas prendre au piège de l’autosatisfaction. Lorsque le Washington Post, l’un des journaux les plus sérieux de la planète, a fait face à deux ans de critiques soutenues par ses confrères journalistes sur l’inexistence d’armes de destructions massives en Irak, il a fini par se rendre à la raison : il s’était trompé, et il le proclame à la face du monde dans un éditorial. Toute comme une revue scientifique qui retirerait un article publié par erreur, le Washington Post, admettant sa faute, reconnaît ainsi sa capacité à évoluer et s’améliorer.

Depuis le début des années 2010, nous avons assisté à l’éclosion d’un nouveau travail dans le journalisme : le fact-checker

L’objectif de ces quelques paragraphes est de convaincre tout d’abord le lecteur que les défauts du journalisme sont humains, et donc identiques aux problèmes englobant la science, et certainement êtes-vous affecté par ces mêmes maux. Pour guérir la science de ses maladies, il faut lui administrer plus de méthode; la réponse aux maux journalistiques est analogue, il doit s’élever et incorporer plus de science, donc de s’armer avec plus d’outils méthodologiques. Depuis le début des années 2010, nous avons assisté à l’éclosion d’un nouveau travail dans le journalisme : le fact-checker, chargé de comparer les informations publiées à l’état scientifiques de nos connaissances. Un homme politique déclare avoir gagné les élections, ainsi que son opposant ? Le journaliste fact-checker va vérifier l’état juridique (la constitution), les précédents (l’histoire), ou les interviews des responsables du dépouillement des votes (l’actualité, les déclarations des détenteurs de pouvoir et de connaissances). Ses outils ici commencent à ressembler diablement à ceux du scientifique, puisqu’il étudie un phénomène avec méthode. Ses questionnements et ses résultats sont falsifiables. On se rapproche progressivement d’une discipline scientifique, et c’est un pas positif à saluer. Le journalisme cherche à mieux retranscrire le réel, on ne peut que féliciter la discipline.

Considérer que tous les journalistes sont des menteurs et de diaboliques pourvoyeurs de fausses nouvelles, c’est abdiquer devant le pouvoir

Le deuxième objectif de cette analyse du journalisme et de vous décourager à qualifier le journalisme mainstream de producteur de fausses informations – de fake news – car nos démocraties ne survivraient pas à de telles attaques. Le journalisme coule naturellement dans les veines de la démocratie, il est un globule blanc qui attaque les parasites du pouvoir. Historiquement, le journalisme s’est imposé comme quatrième pouvoir démocratique car il s’opposait aux trois premiers. Les journalistes sont tués ou emprisonnés dans le monde non-démocratique car un autocrate ne peut s’accommoder d’une opposition qui voudrait transmettre le réel au lieu des fantasmes du régime autoritaire. Le travail d’un autocrate est d’inventer un monde où son pouvoir est illimité; si les journalistes disent que dans le réel, ce dictateur n’a rien de divin, mais n’est qu’un homme banal commettant des erreurs, la légitimité du pouvoir autoritaire s’effrite. Pourquoi suivre un homme du commun et lui donner les pleins pouvoirs, se demanderait la population. Il n’y a pas de presse libre en Chine ou en Russie car la presse pousse mécaniquement un pays vers la démocratie, en raison de la transparence apportée par la profession. La chute de Richard Nixon a été provoquée par le Watergate, une affaire révélée par le même Washington Post précité. Le scandale du Watergate révéla que Richard Nixon, président des Etats-Unis dans les années 70, avait écouté et cambriolé les locaux du parti politique adverse. Le Washington Post révéla l’affaire et dut, lors d’une lutte féroce l’opposant aux pouvoirs exécutif et législatif, démontrer la crédibilité de ses informations.

Les journalistes se méfient du pouvoir, ils doutent de sa sincérité, et pour mettre fin à ce doute, ils cherchent des preuves. Le fardeau de la preuve repose sur leurs épaules, il leur revient de démontrer que les affirmations du gouvernement soit fausses. Mais attention, vous savez déjà que toute affirmation n’est pas valide : « nous avons sauvé la vie d’un million de citoyens en fournissant le vaccin X en Lorraine » peut être vérifié et soumis à la méthode scientifique. Alors que « nous avons sauvé la vie d’un million de citoyens, croyez-moi » est invalide. Le journaliste ne devrait même pas à vérifier une telle allégation. Dans notre monde malheureusement, qui valorise pour plusieurs raisons l’expérience personnelle au détriment de la méthode scientifique, le journaliste doit tout de même vérifier des affirmations infalsifiables. C’est un défaut de nos démocraties, qui ont vu pendant des décennies les mensonges politiques se multiplier et déconnecter la politique du réel. C’est un processus long et profond, qui pousse aujourd’hui certains citoyens à rejeter toute vraisemblance : comme lors d’une catastrophe, tout est mensonge et l’on rejette tout ce qui ne va pas dans le sens de nos émotions. Considérer que tous les journalistes sont des menteurs et de diaboliques pourvoyeurs de fausses nouvelles, c’est abdiquer devant le pouvoir. C’est perdre le contrepoids le plus populaire, le plus citoyen que puisse posséder une démocratie. C’est perdre une liberté qu’il devient difficile de récupérer, car le pouvoir n’abandonne pas son pouvoir, les citoyens le lui arrachent.

Sans réflexion scientifique ni journalistes, le citoyen est la proie de tout ce qu’il pense combattre. Il tombe en pâmoison devant le médecin qui use d’artifices rhétoriques tel que l’argument d’autorité (croyez-moi, je suis professeur), s’amourache de l’invité d’un plateau qui prétend que nous sommes à l’aube de l’ère du verseau (croyez-moi, j’en ai l’intuition), est réduit à esclavage mental par le politicien affirmant que l’économie s’est renforcée (vous le voyez bien, j’ai fait monter la bourse). Dans tous ces exemples, la causalité, la falsifiabilité, le fardeau de la preuve doivent être exigés par le journaliste. Et s’il ne fait pas son travail, regardez une autre émission, lisez un journal qui s’astreint à cette méthode. Notez que la réaction la plus néfaste serait de ne plus consulter que des informations destinées à confirmer ce que votre intuition vous commande. Votre intuition vous ment sur le réel, et vous devez douter de vos croyances. Un journalisme intransigeant sur sa qualité vous offrira des réponses vraisemblables à vos questions. Si possible, les plus vraisemblables.

Tous les journalistes sont tributaires d’une idéologie. Car derrière chaque homme de média, il y a une histoire : un enfant fusillé devant ses yeux, des amis qui ont perdu un travail, une formation universitaire formatée. Cependant, le journalisme en tant que profession et quasi-discipline scientifique, est l’un des meilleurs vaccins contre l’autocratie, car il a vocation à informer le citoyen pour qu’il glisse, en toute connaissance de cause, son bulletin dans l’urne.

Parlons la même langue et continuons à nous empoigner

Vous avez trouvé long cet article ? Je n’ai même pas développé le syllogisme et sa déclinaison entre généralité, faits et conclusion. Ni même parlé de Laplace, un mathématicien, physicien et homme politique français du XIXe siècle qui postulait que, un jour, grâce aux mathématiques, on pourrait expliquer chaque mouvement humain. J’ai évité lâchement de présenter le conflit entre déterminisme et libre arbitre. Ou même le principe d’incertitude d’Heisenberg. Je n’ai fait qu’effleurer superficiellement la surface de milliers d’années d’histoire des sciences et de la philosophie. Mais ce guide n’a pas pour but de vous donner toutes les clés : il est destiné à vous montrer que des clés existent, et que si vous souhaitez remettre en question tout ce qui figure ci-dessus, il vous est loisible de le faire. Pour autant que vous utilisiez les mêmes méthodes universelles que j’ai utilisé, libre à vous de réfuter n’importe lequel de mes arguments ou liens de causalité développés.

Pour terminer, j’insiste sur une idée qui est rarement mise en avant dans la science, transversale dans tout ce guide, et développé par le philosophe néerlandais Baruch Spinoza : la connaissance en général, et ici l’apprentissage scientifique, permet de se libérer. Or, la liberté est précisément ce que recherchent les « complotistes ». S’affranchir de la pensée prédigérée. Ne pas être un mouton. C’est une quête respectable, la seule qui à mon sens mérite d’être entreprise. Toutefois, gardez à l’esprit que vous n’êtes pas le premier à entreprendre cette quête. Et tout comme on écoute l’ancien dans un village nous conter ses propres aventures de jeunesses avant de nous mettre en route nous-mêmes pour vivre les nôtres, il peut s’avérer utile de connaître les erreurs commises par nos ancêtres, qui étaient loin d’être idiots. La liberté a toujours animé le coeur et l’esprit humains, et nous avons à apprendre des générations passées pour ne pas briser la chaîne des connaissances.

Références

  1. J’invite les curieux à lire La structure des révolutions scientifiques de Thomas Kuhn, puis de lire les critiques de Karl Popper[]
  2. Le poids en réalité n’a d’influence qu’en raison de la résistance de l’air, dans le vide tout tombe à la même vitesse.[]
  3. La théorie de la falsifiabilité, aussi appelée réfutabilité, est une élaboration récente dans la méthode scientifique, due aux travaux de Karl Popper[]
  4. On attend par exemple le surdoué prouvant que « le carré de la longueur de l’hypoténuse, n’est pas égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés », contrairement aux affirmations de Pythagore[]
  5. Ces révolutions engendrent bien souvent une nouvelle discipline : Newton a offert au monde la physique moderne, dite classique, Planck et Bohr (et d’autres) nous ont fait cadeau de la physique quantique. Ces révolutions scientifiques accouchent de nouveaux outils pour préciser notre analyse (nouvelles mathématiques, nouveaux instruments techniques), mais très rarement de nouveaux outils méthodologiques pour comprendre le monde. Les équations de Newton ont été remplacées par celles d’Einstein, mais les mathématiques en tant que méthode sont les même aujourd’hui qu’au temps de Newton.[]
  6. L’astrologie n’est pas uniforme quant aux caractères que devrait avoir chaque individu selon son signe, son heure de naissance, son lieu de naissance. Il n’existe pas d’astrologie, mais des astrologies se contredisant. Il est donc impossible de falsifier cette pseudo-science.[]
  7. Un fossé méthodologique sépare les sciences dures des sciences humaines, car ces dernières n’ont pas accès aux mêmes outils que les sciences dures. Les sciences humaines ne peuvent reproduire les expériences, un politologue ne pouvant reproduire la Révolution française pour vérifier ses théories sur la lutte des classes. Toutefois, les sciences humaines adoptent la plupart des outils des sciences dures, comme les mathématiques, et se sont développées leurs propres outils. Les sciences humaines devraient être vues comme une science au pourcentage de vraisemblance plus bas que les sciences dures, de la même manière que la physique est moins certaine que les mathématiques.[]
  8. Une particule pouvant être à l’origine de la masse des particules, donc il s’agirait de la particule à l’origine de l’Univers et de notre existence.[]

Cet article a 8 commentaires

  1. Dominik UT.

    Salut Jean-Claude, merci pour tes infos, je suis en accord avec les démarches rationnelles qui peuvent démontrer un phénomène, ce que je retiens et que je partage. Si Spinoza parlait du Dieu nature, c’est sans aucun doute pour éviter le bûcher.
    Je ne te savais pas défenseur de la science. Sapere aude. Très heureux de t’avoir lu.
    Dominik

    1. Ahaha, merci pour ton message mon cher Dominik.

      Tout n’est que partage dans la vie, qu’il s’agisse de science ici ou d’amour ailleurs. Mais sans science, je crois que nous n’atteignons pas le véritable amour, celui du vrai et bien.

      Je ne suis pas suffisament expert de Spinoza pour te soutenir ou te contredire, Mais je crois que Spinoza était un grand contemplatif. Il ne paraît pas invraissemblable qu’il ait été panthéiste!

      Prends soin de toi, au plaisir de te revoir un jour, très cher Dominik! Et partage ce texte au besoin, je cherche d’ailleurs à l’éditer en ce moment.

  2. Anonyme

    « J’ai croisé des individus qui, par paresse intellectuelle, ne lisent pas de philosophie, d’épistémologie (connaissance de la science, donc comment la science se forme, ses défis, son histoire)
    La volonté de ce guide est de pouvoir transmettre à tous, le plus simplement possible, les principaux éléments permettant de faire les pas suivants en direction de la libération : comprendre comment la science, dans la vie de tous les jours, nous permet de mieux vivre »
    Oulaaaaa ça commence fort et mal. Dans le genre « je vais t’apprendre la vie petit parce que t’es qu’une *** qu’a jamais ouvert un bouquin de philo » c’est très fort.
    Pour moi la science est déjà catégorisé comme une grosse machine élitiste qui va nous conduire dans le mur. Ici on a clairement un jugement et un partie pris. Belle tentative mais c’est une échec. Je nirai pas allé plus loin.

    1. C’est une remarque valide.
      J’ai modifié cette partie, car elle ne représente pas les conclusions auxquelles je suis moi-même arrivé en rédigeant ce guide.
      Cela dit, ne juge pas la méthode scientifique parce que je suis maladroit dans ma manière d’introduire le sujet. Après tout, tu as utilisé un ordinateur pour écrire ton commentaire, aussi la science t’arrange bien quand tu en as besoin.
      La science est élitiste car elle demande des efforts pour dépasser ses impressions. Elle a pour conséquence que, parfois, les scientifiques rejettent hautainement ceux qui refusent de faire des efforts. Je ne suis pas suis immunisé contre ce biais, mais j’y travaille.

      1. Anonyme

        « Après tout, tu as utilisé un ordinateur pour écrire ton commentaire, aussi la science t’arrange bien quand tu en as besoin. »
        CQFD tu es dans le jugement et tu cherche à me rabaisser une fois de plus. C’est ta motivation principale je pense, c’est ce qui t’a poussé à écrire ce texte. Pourquoi? A partir de quel moment tu as voué cette haine envers « les complotistes » et ce besoin de redresser leurs supposés tords? Il y a des tas de gens mal intentionnés qui font énormément de mal sur cette planet, plus qu’eux. Pourquoi s’être arrêté sur eux spécifiquement?

      2. Jean-Claude Vignoli

        Tu te focalises sur un point, cherches à trouver comment il peut te convenir dans une réponse, et le généralises. Ce qui t’empêche de voir que je mets en exergue un défaut de ta pensée (la science nous mène droit dans le mur) alors même que tu utilises une technologie issue de la science.
        Tu devrais vraiment faire l’effort de lire ce texte. Ne serait-ce que pour mieux faire la différence entre science, un outil neutre, et scientifiques, des humains avec plein de travers.

  3. Eric

    le dernier paragraphe aurait sans doute suffit, mais je salue l’idée.

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