La liberté de la presse s’arrête là où commence le pot-de-vin

L’International Herald Tribune (IHT) révélait – rappelait, faudrait-il dire – dans ce qui semble la plus grande indifférence que les journalistes de chaque pays membre de l’Union européenne (UE) peuvent bénéficier du remboursement de leurs frais de déplacement lorsqu’ils se rendent à Bruxelles. Cela a été repris ensuite par le Monde Diplomatique, comme il se doit.

Pourquoi est-ce grave ? La liberté de la presse, et la déontologie propre au métier de journaliste, implique que les journalistes ne soient pas incités à couvrir un événement plutôt qu’un autre. Si Bruxelles rembourse les frais de déplacement (y compris 100 € d’hôtel), notre bon journaliste aura tendance à couvrir plus régulièrement les actualités européennes. Ce n’est évidemment pas un mal en soit, on ne parle jamais trop d’Europe; mais le procédé est lui inacceptable, pouvant être sans raccourci assimilé à un pot-de-vin. L’UE, révèle le IHT, verse au grand jour – on ne saurait parler de « dessous de table » – une prime à l’information.

Il est d’autant plus choquant de prendre connaissance de cette pratique après l’épisode récent des caricatures danoises – et européennes – de Mahomet : le déchaînement jusqu’au-boutiste des journalistes, revendiquant avec une ferveur parfois illuminée leur droit à l’indépendance, a marqué les esprits. Ils veulent être libre de pouvoir publier et parler de ce qu’ils souhaitent; soit, c’est le principe de la liberté d’expression.

Mais encore une fois, rappelons que la liberté d’expression n’est pas illimitée, et que ce droit s’accompagne immanquablement d’une série de devoirs avec lesquels on ne saurait transiger. Que ce soit l’UE qui subvienne aux faux frais des reporters est certes moins préoccupant que s’il s’agissait d’une aide provenant du Groupe Dassault. Mais il n’empêche que les réactions parfois extrémistes affichées il y a deux mois par nos informateurs devraient les pousser à vouloir être au-dessus de tout soupçons. Et à condamner avec le même zèle les largesses bruxelloises.

A quand la première page des quotidiens des semaines durant, l’ouverture des journaux télévisés sur la déontologie dans le journalisme ?

Cet article a 2 commentaires

  1. Tonio

    Je suis bien d’accord que l’éthique de nos journalistes laisse parfois à désirer mais je me demande si tout ceci est nouveau. En général pour qu’ils s’intéressent à quelque chose il faut les inviter (à moins que cela soit vraiment sensationnel, genre Bush qui s’étouffe avec un bretzel). On peut le voir dans le monde de la musique, les disques qui bénéficie de bonne critique sont souvent accompagné d’une pub a grand budget, où on invite les journalistes au concert, en VIP. etc
    En politique c’est un peu la même chose, les journalistes couvrent les événements où ils sont invités, avec l’hotel, la bouffe etc … moi cela ne choque pas tant, et le monde diplo fait pareil … Notre cher amis Lemoine, spécialiste du cas colombien, ne vis pas dans la simplicité lorsqu’il est à Bogotá.
    Ce qui ne veut pas dire qu’il n’esiste pas des journalistes avec éthiques et géniaux, mais je crois qu’il faut arrêter de voir le monde de la presse comme un monde tout beau tout joli… je crois vraiment qu’on a tendance à l’idéaliser car il est censé dénoncer les méchant et faire contre-poids.
    Mais comme le reste, il dépend des finances…

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