J.O. chinois : médaille d’or de répression, lot de consolation pour la censure

Le battage médiatique, à quatre mois du rendez-vous olympique, est quotidien. Dans une autre situation, l’organisateur des J.O. aurait donc eu de quoi se réjouir; difficile pourtant de croire que cette publicité, très négative, est une aubaine. Difficile de croire aussi qu’elle pourra se renverser et que, au mois d’août prochain, tout ne sera que sourire et bonne humeur. Non, l’évènement est déjà entâché, et il le restera. Tout au plus pourra-t-on éclaircir la couleur de la salissure, mais le mal est déjà fait. Partant de cette hypothèse, il est très instructif d’observer comment la Chine, pays qui n’est plus communiste mais reste une dictature de parti unique, se démène pour amoindrir le terrible choc porté à son empire et son prestige. Comment le pays de Lao Tseu gère-t-il la levée de boucliers des journalistes, des citoyens et même des Etats ?

Il faut reconnaître un amateurisme infantile dans l’établissement de sa propagande : l’Empire du Milieu a beau se tortiller, il n’y a (pour l’instant) aucune créativité dans ses contre-attaques. La censure et la propagande sont utilisées sans retenues, et le People’s daily – journal officiel – ouvre les vannes de la manipulation comme jamais. Lorsque l’information est trop subversive et difficile à réécrire, le People’s daily fait l’impasse et renonce à la traiter; lorsqu’au contraire, l’information semble plus plastique, on s’engouffre avec délice dans la mythomanie : ainsi, partant du fait que les Tibétains se laissent aller à des meurtres de Chinois (une réalité factuelle), le People’s daily explique que Dalaï-Lama et sa « clique » seraient à l’origine des troubles au Tibet (le mensonge). Censure et manipulation sont servies comme les deux faces d’une même pièce, destinées à acheter l’opinion publique chinoise; malheureusement, cette pièce est l’un trente deniers pris dans la bourse de Judas Iscariote, et finira par se retourner contre celui qui s’est servi.

En premier lieu, la censure des évènements du Tibet est matériellement intenable; le black out imposé sur le moteur de recherche « google » (sur le mot « tibet » notamment) est facilement contournable. Mot mal orthographié (quid d’une recherche sur « tibét », renvoyant 57 millions de pages ?), utilisation d’autres moteurs de recherche, vidéos à la demande sur youtube ou dailymotion, communication sur d’autres outils internet que le web (email, chat, réseaux sociaux, etc) voue à l’échec une telle stratégie. Au contraire, cacher de manière aussi ostentatoire ne fait qu’aviver la curiosité; en entrant dans l’arène de la communication électronique, la Chine s’est condamnée à en accepter les règles libertaires numériques. C’est pourquoi elle a récemment lâché du lest, en proposant l’envoi d’une dizaine de journalistes internationaux au Tibet. Des journalistes qui seront aussi libres au pays du Dalaï-Lama qu’ils ne le sont en Irak, soit; mais qui rapporteront, à n’en pas douter, entre les lignes, des évènements contradictoires avec le discours officiel. Une balle dans le pied, mais que Beijing était obligé de se tirer.
(suite…)

0
0

2 commentaires

Si les Russes veulent l’autocratie, qu’ils l’aient – entre stéréotypes et réalités

A un journaliste français qui lui demanda si en éradiquant le terrorisme tchétchène, il ne risquait pas d'éradiquer la population tchétchène elle-même, Vladimir Poutine répondit "si vous voulez devenir un islamiste radical et êtes prêt à vous faire circoncire, je vous invite à Moscou. Nous avons un pays multi-confessionnel, nous avons des spécialistes de cette question et je vous recommande de pratiquer cette opération de façon à ce que rien ne repousse". Cela se passait lors d'un sommet Union européenne-Russie…

3 commentaires

La Chine tombe dans le piège des droits de l’homme

Les Etats-Unis viennent, bien malgré eux, de tendre un piège magistral à la Chine. Condolezza Rice, en abaissant d'un niveau la catégorie de violeur des droits de l'homme de l'Empire du Milieu, a provoqué une réaction de ce dernier en deux temps : ce fut d'abord sur la défensive que la Chine rétorqua ne pas commettre de violations, puis il fit place à l'attaque : les USA seraient eux-mêmes des violeurs de ces mêmes droits. Alors que la naissance du…

1 commentaire

La montée du populisme en Europe : la gauche s’autocongratule

Pour ouvrir le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH), et prolongeant la diffusion du film La machine populiste (Jean-Pierre Krief, 2007), un débat était organisé ce vendredi 7 mars autour de la montée des populismes sur le Vieux continent. Une semaine de films consacrés aux droits de l’homme, le festival est résolument engagé, et contient une affiche des plus prometteuses : Carmen Castillo, Oskana Chelysheva, Aye Chang Naing, pour ne présenter que la devanture. Alléchant, car la qualité est épaulée par la quantité de courts, moyens et longs métrages, de films et de documentaires. On se dit, au moins sur le papier, qu’on va apprendre bien des choses. Mais est-ce le cas ?

fifdh01

Ca commence mal. Le documentaire La machine populiste est un affront fait à l’intelligence des spectateurs. Un pamphlet sans créativité qui, sous prétexte de dénoncer les idées populistes de l’extrême droite, a une forme insupportable et un fond inexistant. Durant 52 minutes, on attend un argument. Une enquête. Une information. Autre chose que des gros plans suggestifs et subjectifs des leaders honnis par une assemblée soucieuse des droits humains, des images baignant dans une musique suffisamment noire pour bien faire comprendre au spectateur que c’est le mal incarné qui est à l’écran. Ralentis, discours coupés à la seconde près, aucun recul, on se croirait pris dans la tourmente d’un quelconque film de propagande de l’ancienne RDA. Le rideau se ferme, le calvaire prend fin, la prise d’otage est terminée : le public est enfin libre de penser ce qu’il veut, la chape de plomb se lève. Le sens critique refait surface.
(suite…)

0
0

3 commentaires

Révérien Rurangwa reste en attente d’une décision

Seul souvenir qu'il lui reste, une photo datant de 1977, une période bénie pour sa famille; à cette époque, il n'est pas encore venu au monde. Aujourd'hui, les rôles ont été inversés : il tient dans ses mains cette photo, et tous ceux qui y figurent qui ont disparus. Dans un triste retournement de situation, le bonheur familial ainsi que les personnages sur la photo ont été effacés en 1994, lors du génocide au Rwanda. En moins de 3 mois,…

10 commentaires

Rwanda, un génocide déjà oublié

Dans l'indifférence romande la plus totale, la 13ème commémoration du génocide rwandais a eu lieu en Suisse. Aucun des grands journaux de la partie francophone de l'Helvétie n'a à ma connaissance accordé la moindre ligne au terrible souvenir du massacre qui a vu 800'000 Tutsis et 200'000 Hutus périr dans un bain de sang au Rwanda, en 1994. Le soir du 6 avril de cette année, l'avion du président Juvénal Habyarimana était abattu, entraînant le pays dans le chaos. Dans…

9 commentaires

Tête de turque – Ankara, génocide et liberté d’expression

La position extrêmement stratégique que possède la Turquie l'amène à être régulièrement sous le feu de l'actualité. Parce qu'elle est à la croisée des chemins, tout comme l'Égypte, entre Orient et Occident, elle est amenée à faire des choix qui, parfois sont tellement difficiles à assumer, qu'elle proclame officiellement une chose et fait exactement son contraire. Et de se souvenir de l'affaire du passage des militaires étasuniens, où Oncle Sam en échange d'espèces sonnantes et trébuchantes, avait obtenu pour ses…

3 commentaires