Coronavirus, le monde d’après : La liberté des uns passe par la liberté des autres

Il est temps de réfléchir. Pour tous les pays où l’Etat d’urgence ou de nécessité a été déclaré, nous n’avons plus que ça à faire. Penser le monde, nous penser nous-même.

On nous enlève le bien le plus précieux qui soit – au nom du bien commun – notre liberté chérie. Notre droit de profiter du soleil radieux, de l’échange impromptu avec un voisin, et de rire de l’enfant qui pose une question brute et déplacée dans la rue. Jouïr du plaisir quotidien de ces petites choses qui font la vie nous est dorénavant refusé. Nous sommes dans une prison physique faite de barrières sociales. La société, pour se protéger, nous enferme dans ses barreaux froids, les policiers rôdent à la recherche de tout comportement anti-social. L’individu qui veut malgré tout rester libre, soit vivre pleinement son état naturel et divin, est vouée aux gémonies, ostracisé, ridiculisé dans les réseaux sociaux, banni en prison. La pression du collectif s’exerce de tout son plein sur l’homme qui rage de ne pouvoir être lui-même. Le groupe prévaut sur l’individu comme si la génitrice accouchait de tribus entières et non d’une seule créature. Notre liberté personnelle est mise en suspens, car elle s’est soumise à une plus grande liberté, artificielle, celle de la communauté. L’homme est fait pour explorer de nouveaux horizons, pour satisfaire sa curiosité et son bonheur, l’asservissement social est par conséquent la violence la plus terrible qui puisse être administrée à un homme.

Réfléchir et penser. Cette liberté ne m’a pas encore été ôtée. J’en fais donc usage, ce qui me conduit à me rappeler de mes frères africains qui vont en Europe et qu’on enferme parce qu’ils veulent un autre type de vie que ce que leur société leur offre. Mes frères syriens qui fuient le feu de leur gouvernement et que les Allemands extrémistes cherchent à brûler vifs. Mes frères Ouïgours lobotimosés et esclavagisés par millions en Chine. Mes frères blogueurs pakistanais ou saoudiens qui, parce qu’ils réclament plus de libertés, sont enfermés et torturés. Ces enfants mexicains qui, avant même de savoir écrire le mot liberté, sont jetés dans des geôles et sont séparés de leurs parents. Cette liste mériterait d’être plus longue, malheureusement.

La liberté est notre raison de vivre. Nous retirer notre liberté équivaut à nous retirer notre âme. Le coronavirus nous rendra notre âme. La question qui me hante, c’est qu’en ferons-nous ? Comment regarderons-nous ceux à qui leur âme n’a pas été rendue ? Car si, aujourd’hui, nous nous sacrifions pour ceux qui par le fruit du hasard ont un passeport similaire au nôtre, demain oublierons-nous ceux qui ont un bout de papier de couleur différente mais continuent à endurer les sévices qui nous frappent en ce moment ?

Nous retirer notre liberté pour cause de pandémie suit une logique valide. Elle est cruelle, et je ne peux m’empêcher de plaindre celles et ceux qui ne ressentent pas les affres du manque. Mais pensons un instant à ces millions d’invidus que l’on jette en prison, sans autre raison prétextée que celle d’avoir ou de chercher à avoir une vie différente de celle qui est prévue par les normes sociales. Mettons à profit ce temps qui nous est donné pour comprendre les mécanismes de notre monde liberticide et anxiogène. En créant nos sociétés, nous avons oublié la réalité de l’individu et ses rouages.

Je ne serai jamais libre tant que tous nous ne serons pas libre. La sécurité des uns passe par celle des autres; il en est de même pour la liberté.

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