L’information en Birmanie, un pari de Claude Schauli

« En refusant l’assistance internationale en 2008 et pour imposer sa politique en Birmanie, la junte au pouvoir a peut-être tué 100’000 personnes ». Un constat froid que nous livre Claude Schauli, producteur et réalisateur, auteur de plus de 200 reportages, qui s’intéresse à la Birmanie depuis 34 ans, et lutte pour révéler les exactions du régime militaire. Fort de sa longue pratique, il réalise « Birmanie, de la révolte au chaos »; un documentaire dont la sortie n’allait pas de soi, bien que la situation du petit pays soit catastrophique.

En effet, en dehors d’évènements exceptionnels, comme le furent les protestations des moines en 2007 – la révolte du safran – ou le dévastateur cyclone Nargis de 2008, il est difficile d’informer sur la Birmanie. Au niveau international tout d’abord, parce que s’agissant d’une petite nation, les médias se font prier pour diffuser des reportages. Au niveau intérieur ensuite, car si l’utilisation d’internet et des téléphones portables a connu un grand succès en 2007, la junte militaire au pouvoir verrouille l’information beaucoup mieux aujourd’hui; difficile pour le Birman moyen de suivre l’actualité de son pays.

Nargis change quelque peu la donne, du moins en ce qui concerne l’intérêt international porté à la Birmanie. Mais pas question pour un journaliste blanc de tourner dans la jungle, il serait immédiatement repéré : « on peut entrer illégalement en Birmanie, au moyen d’un faux passeport; mais si on se fait attraper, le régime vous liquide », regrette Schauli. Condamné à tourner depuis l’étranger, il s’établit pour la réalisation de son reportage à Mae Sot, une ville frontière thaïe où atterrissent de nombreux réfugiés fuyant l’oppression. « Je voulais raconter la terrible histoire du peuple birman, vue à travers ses émigrés », commente le réalisateur. Et d’évoquer cette institutrice de 22 ans, qui n’a jamais connu autre chose que le camp de réfugiés : elle y est née, elle y a grandit, elle y fait sa vie.

Grâce à un fidèle interprète, qui se trouve être un ancien leader des émeutes de 1988 – celles qui amenèrent les élections de 1990 qui virent notablement l’élection de Aung San Suu Kyi – et parce que les années lui ont permis de nouer des relations de confiance, il visite les leaders birmans pour les besoins du reportage. Mais beaucoup sont en prison, ont été tués, ou sont trop jeunes; l’opposition est exsangue. Il faut dire que les militaires ont fait le ménage depuis 2007, lorsqu’« ils [ont] été pris de court par les protestations ».

Informer est malaisé, la relève politique est hasardeuse, et étonnamment le réalisateur avoue faire reposer beaucoup d’espoirs sur la Chine, pays peu cité en matière de respect des droits humains. Mais « en 1988, la Chine était le premier pays à soutenir les étudiants, à soutenir des gens comme Aung San Suu Kyi » descendus la rue. « Aucune junte n’est immuable; le monde change, et peut-être que la Chine va se réveiller ». On ne peut qu’espérer aux côtés de Claude Schauli, et souhaiter que les futures élections de 2010 donneront un peu d’air à un peuple birman pris en otage par ses dirigeants.

(la diffusion du documentaire était prévue à l’origine pour le 9 août prochain, mais il a été avancé au… 22 mai passé !)

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