Cube

Un homme apparaît dans une salle, apeuré, et nous fait comprendre que l’endroit dans lequel il se trouve n’est pas aussi reposant qu’une semaine balnéaire. D’ailleurs, ça ne manque pas, il va se faire hacher menu dans la seconde qui suit, une centaine de fils à couper le beurre le réduisant en apéricubes pas exactement appétissants. J’ai jamais aimé les rouges, d’ailleurs, et maintenant je sais pourquoi.

Les dés sont jetés, le décor se met en place. Dans un nouveau cube, des personnages vont commencer à se rassembler, certains se demandant si l’alcool n’a pas des vertus plus hallucinatoires qu’ils ne voulaient bien croire jusque-là. D’autres se seront simplement assoupis, et réveillés dans cet espace grand comme un cagibi. Chaque cube étant relié à un autre par le biais d’une porte coulissante, ce sont 5 protagonistes qui vont tenter de comprendre ce qui leur arrive. Ils seront poussés en avant par celui que l’on présente comme le Houdini contemporain, évadé 7 fois de taule. Malheureusement pour lui, il va très vite se révéler comme le Garcimore de la survie, aspergé par un acide plus caustique que l’haleine d’un lendemain de cuite.

C’est là que va intervenir celle qu’on ne pense être qu’une étudiante complexée, alors qu’en réalité elle sera la mathématicienne seule capable de démêler l’énigme du lieu. Un cinquième larron va se joindre à eux, un autiste qui ne semble qu’être qu’un poids inutile. Ce que la société pense justement des personnes inadaptées, semble-t-il. Tout va s’enchaîner alors rapidement, et de salles bleues en salles rouges, les protagonistes vont se révéler, affirmer leur craintes, péter les plombs et devenir totalement paranos. Le flic noir, qui a tenté de prendre les choses en mains à la mort du Houdini d’opérette, va faire montre de peu de sang-froid, et distribuer des rations de coup-de-poings à ses coéquipiers, manquant de vivres et d’eau. Quelques révélations et dialogues très intéressants viendront pimenter ce huis-clos à forme hexagonal, jusqu’à ne voir que l’autiste, qui s’est révélé être un génie du rubbik’s cube, euh, enfin, des mathématiques, s’échapper du guet-apens.

Le point fort du film est sans conteste l’atmosphère oppressante, la communication d’une angoisse quasi-permanente. La terreur est palpable, et à chaque porte qui s’ouvre on se penche pour tenter de voir ce qui se trouve dans la pièce suivante. On voit les chaussures atterrir en retenant son souffle, on écoute le son des portes se refermant avec soulagement. Avec trois fois rien pour décor, Natali réussi le pari de nous faire autant flipper que la visite d’une belle-mère. Dommage qu’on ait à supporter quelques clichés très mal foutus, comme le méchant qui se relève et qui revient tuer une dernière fois (erreur du réalisateur, d’ailleurs : l’architecte aurait dû le voir arriver, il était en face).

Le film en lui-même, même si l’interprétation est très ouverte, semble être une parabole sur le monstre qu’est devenue notre société. Une société sans buts réels (les personnages du film en cherchent désespérément, ne trouvant que « l’instinct de survie), un mastodonte qu’on ne comprend plus, dirigé par on ne sait qui. Chaque individu n’est plus qu’un rouage d’une immense machine, l’un des numéros d’un dé à six faces (comme les six protagonistes, lâchés ensemble dans le labyrinthe). Le dé est le symbole du hasard, et le hasard semble être le moteur de cette mécanique grinçante. Les rats de laboratoire seront choisis au hasard. On croit parfois saisir la vue d’ensemble, mais tout tourne, et nous ramène à notre point de départ.

La déresponsabilisation, maux chronique aux sociétés de masses, est avant tout incarné en la personne de Worth (David Hewlett), l’un des architectes de Cube mortel. Il ne se préoccupe pas de son ouvrage, ne s’interroge même pas sur son travail, n’est qu’un exécutant de personnes plus « haut placées ». Qui sont-elles ? Aussi insaisissables que dans la réalité, où les pouvoirs sont dilués entre l’économique, le politique, les médias, etc. Il est résigné, toute volonté propre annihilée, ne se meut que par habitude. Perdu dans une situation sortant de l’ordinaire, le cube est prêt à l’engloutir, comme il absorbe tous ceux qui ne s’adaptent pas.

L’adaptation, clé de la survie; notre société, qui se dessine de plus en plus comme reproduction artificielle de la loi darwinienne, ne laisse que s’en sortir les meilleurs. D’ailleurs, Quentin le flic (Maurice Wint) veut immédiatement abandonner Kazan l’autiste (Andrew Miller), qu’il considère comme inutile, inadapté, compromettant ses chances de survie. Pourtant, l’humanité est, dira le Dr Hellen (Nicky Guadagni), d’accorder l’aide au plus faible. C’est l’un des buts inaliénable d’une société, protéger ses membres les plus démunis.

On a dû l’oublier en cours, dit le film de Natali.

(message original du 17-10-2003 @ 04:04:35, j’étais bien jeune)

Cet article a 2 commentaires

  1. acheter peluche

    tres bon film le premier car cube 2 est une pale copie
    du premier et bonne critique

  2. Critique de la critique 😉

    Ben elle est très bien, je suis assez d’accord avec ce que tu dis (mais faudrait peut-être avertir que tu racontes la fin du film). Il y a juste les comparaisons rigolotes qui me font un peu tiquer (p.ex. « aussi flippant qu’une visite de belle-mère ») dans la mesure où elles ne servent pas toujours le propos (en l’occurence, on a l’impression que tu tournes l’angoisse du film en dérision).

    Voili voilou.

    (message original du 21-10-2003)

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