La victoire de la peur : la peur bonne conseillère ?

Le week end dernier les patriotes campagnards suisses ont encore décidé d’un coup d’éclat : les étrangers en Suisse auront droit à un traitement personnalisé sur leurs mauvaises actions. Abuser de l’aide sociale sera moins grave pour un Suisse que pour un étranger, être l’auteur de coups et blessures sera également moins réprimandé selon que l’on soit un ressortissant national ou non. La prochaine étape ? Elle est toute tracée : frapper un étranger, abuser d’un étranger sera toléré avec plus de bienveillance que si la victime est Suisse. Le deux poids, deux mesures sera d’ici peu inscrit dans la constitution helvétique, version light. Attendons-nous à voir arriver la version lourde un jour prochain.

Les victoires de l’extrême droite (parti de l’UDC, Union démocratique du centre) s’accumulent année après année dans notre montagneux pays. Il y a bien quelques échecs occasionnels (la votation sur la participation au fond de cohésion européen, où en pleine crise économique, les Suisses acceptent de participer à hauteur d’un milliard au développement européen), mais il est à noter que dans presque tous les débats politiques, l’UDC gagne SEULE. C’est un parti isolé qui fait la nique à tous ses rivaux. Avec un réservoir d’électeurs de grosso modo 30% (chiffre des élections parlementaires), il parvient à faire passer la rampe (donc, à convaincre plus de 50% des électeurs) de la justesse de ses propos. Un tour de force réitéré sans fin, jusqu’à ne plus parler que de criminalité et d’immigration en Suisse.

Or, la politique n’est pas gratuite : elle doit se traduire en actes. Nous sommes en droit de réclamer un bilan : quels sont les résultats de tant de votations durcissant le paysage politique suisse ? Les citoyens se sentent-ils plus rassurés ? Le pays est-il plus riche, plus heureux, moralement plus fort ? C’est évidemment ma vision très partisane que je partage ici, mais je ne vois pas comment soutenir que les thèmes sur lesquels se prononce le peuple sans cesse ont participé dans une quelconque mesure à renforcer le pacte social; car, n’en déplaise aux partisans de l’extrême droite (qu’ils soient engagés politiquement aux côtés de l’UDC ou non), c’est le seul objectif vers lequel doit tendre la politique : protéger la population et lui permettre de s’épanouir. Peut-on vraiment défendre que c’est une réussite ?

Soyons cyniques : l’immigration n’est en rien stoppée. Pour des raisons structurelles et conjoncturelles, mais tel n’est pas l’objet du débat; le but avoué de l’extrême droite, c’est bel et bien de circonscrire l’immigration. L’immigration légale et illégale poursuit son bonhomme de chemin : l’extrême droite a échoué.

Soyons encore cyniques : qu’en est-il de la délinquance ? Aucun résultat, et c’est peut-être l’échec le plus visible de la politique de l’extrême droite. La délinquance progresse. Malgré le durcissement des lois pénales, les statistiques sont têtues. C’est à se demander si faire preuve d’autant d’intransigeance était la bonne solution.

Soyons d’un cynisme sans bornes : l’Islam. L’extrême droite a-t-elle réussi à « endiguer » le flot de croyants ? En rien. Des associations structurent les musulmans suisses et, même si aucun chiffre vérifiable sur le sujet n’existe, il est de coutume de parler de 300’000 musulmans habitant le territoire helvétique. Un petit 5%, mais qui semblerait plutôt en croissance. Issus de l’immigration, Suisses se convertissant au prophète Mahomet, il semble à première vue que là aussi, un échec de l’UDC se profile.

On pourrait évidemment aborder l’isolationnisme de l’UDC, avec son refus d’adhérer aux structures internationales et de maintenir la « neutralité » si chère à une Suisse qui la confond parfois neutralité avec inaction. Et ici comme précédemment, on ne peut que constater un échec cuisant. Sommée par l’Union européenne d’adapter la législation suisse au droit européen, l’Helvétie ne fait qu’appliquer ce que d’autres décident. Pire, pour continuer à pérenniser ses échanges économiques, elle verse de l’argent (le fond de contribution précédemment évoqué) sans pouvoir décisionnel. Elle paye et obéit, elle met la main au porte-monnaie sans avoir son mot à dire. Comment parler encore de la Suisse comme d’un pays souverain, ce que l’extrême droite appelle de tous ses voeux ?

Il va de soit que les moyens auxquels je suis favorable pour répondre au pacte social suisse ne sont pas les mêmes que ceux de l’extrême droite. Cela tombe bien (ou mal, c’est selon) : le résultat dans les urnes n’est pas celui que je souhaiterais. Mais le peuple suisse dans son ensemble a le droit, a le devoir de mettre en relation aujourd’hui les promesses des politiciens d’extrême droite avec les résultats obtenus sur le terrain. Ce parti si puissant ne parvient pas à concrétiser ses solutions. Je dirais bien, pour ma part, que c’est parce que les solutions choisies sont erronées; mais pour un citoyen, qui vote avec constance pour les thèses de l’extrême droite, il y a de quoi être déçu.

Toute la question est de savoir si, obtenir des résultats, c’est vraiment ce qui compte pour les suiveurs de l’UDC. Ou si seule l’idéologie se suffit à elle-même, si la seule chose qui compte dans ce pays c’est d’exprimer son mécontentement – à n’importe quel prix.

Cet article a 3 commentaires

  1. jcv

    Peut-être… mais c’est une victoire des hommes politiques d’extrême droite, qui continueront à être adulés par le peuple. D’hommes politiques qui continueront à être élus; je vois d’ici le raz-de-marrée de la fin de l’année prochaine arriver.

    Le peuple, lui, continuera à se faire racketter, à subir les inégalités et les conséquence de l’agenda politique et des votations gagnées par l’UDC. Mais c’est vrai qu’à un tel niveau, on se demande si un tel consentement ne tient pas du masochisme.

    « Les Suisses masos », j’aurais dû titrer :/

  2. Tonio

    En fait t’aurais du mettre un titre du genre: l’échec de l’extrême droite en suisse ….

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