L’Iran, un leader en devenir sur la scène internationale

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad occupe sans cesse une place d’importance dans les médias depuis son arrivée au pouvoir en 2005. Il est vrai que l’Iran est une préoccupation majeur de ce début de siècle, avec le développement de ses capacités nucléaires. D’autre part, son irrespect des principes fondamentaux liés aux droits humains est révoltant. Plus encore, ses crises économiques et alimentaires à répétition voue une partie de sa population à la pauvreté et la malnutrition. Il n’empêche : si l’on parle autant de l’Iran, et surtout en ce moment de rencontre internationale autour du racisme (« Durban II », à Genève), c’est que le président est en campagne électorale, mais aussi qu’une réorganisation des relations internationales est en marche.

Le 12 juin 2009 ont lieu des élections présidentielles; il est important pour Ahmadinejad, qui s’est toujours posé en champion du monde arabo-musulman contre l’Occident, de confirmer sa lutte. Poudre aux yeux dans un pays qui a autre chose à faire que de s’occuper d’acquérir des capacités nucléaires ou de faire face aux « impérialismes » occidentaux : le développement économique devrait être la priorité numéro un, on devrait l’entendre plus souvent s’exprimer sur ce sujet. Mais il est plus facile de mobiliser un électorat sur un thème de fierté nationale, plutôt que de parler de sacrifices, de handicaps ou de responsabilité. On l’a vu et on le verra aussi dans d’autres Etats. Le résultat est l’éviction des adversaires trop dangereux (Khatami, le réformateur qui a « retiré » sa candidature), et un débat politique éloigné des besoins immédiats du pays, bien que la sécurité (voir ci-dessous) soit une préoccupation compréhensible.

Sur le plan international, l’une des carences d’importance du monde arabo-musulman réside dans le manque d’un Etat leader. Si l’Egypte se profile lors des rencontres internationales, son gouvernement dictatorial n’a pas l’aval du Maghreb et Mashrek. L’Algérie, la Tunisie ou le Maroc (dont le roi Hussein VI est « commandeur des croyants ») n’ont pas l’envergure nécessaire à assumer un rôle de leader. Au contraire de l’Iran qui, de plus en plus, sous l’égide d’Ahmadinejad, se fait porte-parole des Musulmans. Loin des préoccupations intérieures perses de développement, Ahmadinejad est vu comme le seul leader politique osant défendre le peuple « humilié » musulman.

En somme, lorsque Ahmadinejad déclare qu’Israël est un « Etat raciste » (lors de « Durban II », il occupe un terrain désert. Il rappelle que si Israël a peur de son entourage, et que pour se protéger Tel-Aviv s’est doté de l’arme nucléaire, il en va de même pour ses voisins. Aucun leader musulman à l’échelon international ne mentionne avec autant de bagou cette évidence, et pourtant l’asymétrie militaire entre le Moyen-Orient et Israël ne peut pas être acceptée. Et il se trouve qu’Ahmadinejad est le seul à dénoncer cette asymétrie. Quoi de plus normal que l’écoute bienveillante apportée au président iranien ?

Ahmadinejad devrait assurément se préoccuper de situation économique de son pays. Mais parce qu’il est en campagne intérieure et internationale, et que sur la scène internationale il occupe une niche vide, le récent discours de « Durban II » allait de soit. Les mots utilisés par le président iranien sont inacceptables, mais force est de constater qu’il a une vision de sa fonction beaucoup pérenne que les explications données par les médias occidentaux ne le laisseraient envisager.

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