In the Name of the King: A Dungeon Siege Tale

Peut-on être de mauvais goût et insipide à la fois ? Cela n’a aucun sens, pas vrai ? Ca tombe bien, car la dernière oeuvre d’Uwe Boll, défiant toute logique, réussit un tel exploit . Uwe qui ? Mais si, allons, Uwe Boll, c’est BloodRayne (1,2,3 et bientôt 36, pourquoi pas) Alone in the Dark, House of the Dead, Postal , ou encore Far Cry qui sort cette année 2008. Un réalisateur boulimique de travail, qui tourne avec la cadence d’un metteur en scène nippon. Il s’est spécialisé dans les adaptations de jeux vidéos, les enchaînant les unes derrière les autres, s’attirant les foudres de fans en désaccord avec sa « vision », respectant il vrai assez peu – voire pas du tout – la base de ses sources. De tout manière, la critique, le teuton n’en a cure : à ceux qui lui reprochent la mauvaise qualité de ses productions, il les défie de venir le rejoindre sur un ring de boxe. Infantile, le réalisateur allemand serait amusant s’il ne se prenait pas tant au sérieux. Et si, accumulant les films commerciaux, il n’avait pas obtenu un chèque de 60 millions de dollars pour adapter le jeux vidéo Dungeon siege. Ce qui lui a permit de réunir une belle brochette d’acteurs, à l’image de John Rhys-Davies (inoubliable Gimli du Seigneur des anneaux), Ron Perlman (Hellboy, Alien 4), Kristanna Loken (mauvaise déjà dans BloodRayne), Ray Liotta (Les Affranchis, Identity) ou Burt Reynolds. Un tel buget, de tels acteurs, et tout ça pour Boll, c’est une blague ?

Malheureusement, si blague il y a, elle se fait au détriment du spectateur. Car dès les premières minutes, l’univers « bolléen » s’impose dans tout sa splendeur : les dialogues, le jeux des acteurs, le montage, tout est à vomir. Avec en prime, l’une des signatures les plus distinctives de Boll : une incapacité patente à maîtriser le moindre montage, l’art de l’ellipse lui étant hermétique. Les plans se succèdent… mais pourquoi ?, se demande le spectateur lambda à la rechercher d’un soupçon de cohérence. Pourquoi passe-t-on avec tant de légerté d’une scène (se voulant) intense, à une autre aussi solennelle ? Pourquoi autant de temps passé à nous montrer le côté passif d’un paysan pas attachant pour deux sous, qui se transforme en guerrier ninja sans prévenir ? Et bon sang, c’est quoi ces espèces de driades/amazones du fond des bois qui entrent et sortent dans le film, sans s’embarrasser d’explication ?

Les personnages, Boll les exploite avec des gants de boxe. Il leur colle des dialogues stupéfiants de bêtise, d’entrée de jeu et sans vergogne aucune :

– Des poètes seraient prêts à mourir pour [l’amour].
– Tu serais prêt à le faire, toi ?
– Je serais prêt à faire… un poème !

L’effet Boll, qui consiste à faire sonner faux n’importe laquelle de ses scènes, a l’avantage de se jouer dès les premiers instants dans ses longs-métrages. Le décor est planté : c’est du carton-pâte, avec des prétentions de super-production. Ca brille, mais uniquement parce que des gigantesques projecteurs sont braqués sur une minuscule et terne pièce de monnaie. Ca tente la scénographie de Lord of the Rings, les combats de Matrix et de Crouching Tiger, Hidden Dragon (tigres et dragons), mais au final on se retrouve avec le Muppets Show munis de capes et d’épées.

A ces dialogues superbement niais, Boll développe une psychologie des personnages relevant de Oui-Oui chez grand-maman. Ils passent de l’amour fou à la haine la plus inextinguible en quelques passes maladroites, sans que le spectateur abasourdi ait la moindre chance de saisir les raisons d’un tel revirement. Impossible d’accepter que ce général méfiant (Brian J. White) devienne un loyal serviteur du nouveau roi (Jason Statham) qu’il toisait quelques secondes auparavant. Inacceptable cette scène de duel entre ce même général et le duc héritier du trône (Matthew Lillard), qui se solde par la victoire du premier, mais qui est prêt à mettre dans la foulée son épée au service du second – dans une scène au mieux superflue, n’apportant pas une once d’intérêt à l’histoire. Le réalisateur ne sait pas raconter les histoires, et encore moins les filmer : on se prend à bailler d’ennui. Les histoires secondaires deviennent des hématomes boursouflés chez Boll, prennant des proportions si pathologiques qu’elles en viennent à masquer le visage caché par les tuméfactions. Impossible de discerner le moindre enjeu.

Mais le manque de talent de Boll ne s’arrête pas là : le montage est lui aussi groggy. Coupant à la serpe les moments fondamentaux, basiques, ces passages qui donnent tout leur sens aux scènes (des hommes tombent dans une rivière, il faut les montrer entrant le liquide, une flèche part d’un arc, il faut la montrer se planter, etc), il n’a de cesse de casser le rythme, de rendre inféconde toute construction, de gâcher les ambiances – péniblement – instaurées. Le spectateur, éjecté de la narration, ne comprend rien aux enjeux développés.

Et que dire de ce mélange de genres nauséabond, avec des guerriers ninja sortis d’on ne sait où qui se mêlent aux combats médiévaux, ou de ces guerriers noirs dans un univers d’heroic fantasy, sans oublier les risibles combats au boomerang ? Aussi déplacés que des combinaisons spatiales en pleine guerre civile inca. Ce décalage incongru n’est pas sans rappeler le pire du pire de Luc Besson et certaines de ses scènes les plus manquées du 5ème élément, notamment lorsqu’une diva bleutée se met à chanter sans prévenir sur un fond de musique technoïde. Mais à la différence du réalisateur français, Boll ne sait pas provoquer l’émotion, vibrer avec subtilité au son de la bobine qui défile. Incapable de se battre à la loyale et de se plier aux règles du cinéma, il mort l’oreille de son adversaire, sentant bien qu’il a perdu d’avance son combat. Un Tyson du cinéma, à ceci près qu’il n’a jamais connu, au contraire de son alter ego de la savate, l’ivresse de la réussite.

Le cinéma est une langue, avec ses règles. Une langue vivante, certes, puisque constamment réinventée par ses talentueux réalisateurs, mais une langue tout de même, avec ses codes et sa grammaire propre. Boll est incapable de parler ce langage, il est incapable d’éviter les pièges les plus simples de sa conjugaison, de ses invariables. Peut-être cet inaptitude est-elle provoquée par un mépris pour ce mode d’expression; sinon, pourquoi cumuler les adaptations de jeux vidéos ? N’a-t-il rien à nous dire ? Aucune émotion à partager, hormis un infantilisme gâteux, un mauvais goût insipide, et gâcher des millions pour réaliser un très mauvais épisode de Xéna la guerrière ? Ed Wood était l’un plus mauvais cinéastes du XXème siècle, cela ne fait aucun doute. Mais tout dans ses films exhale une odeur d’amour, de passion pour le 7ème art. Tony Zarindast, son homologue iranien, a au moins le bon goût de ne commettre qu’un ou deux films par décennie. Uwe Boll, lui, sans aucun intérêt pour le cinéma, aligne 3 à 4 réalisations par an. C’est peut-être ce qui est le plus révoltant : pourquoi obtient-il encore des fonds ? Le personnage est tenace, il faut le lui reconnaître, sa volonté est à toute épreuve. Capable de réunir – mais non de diriger – des acteurs émérites, il ne s’arrête pas avant d’avoir obtenu le financement astronomique requis par son ambition. Mais à quoi bon autant crier, lorsqu’on a un protège-dents dans la bouche ? Personne ne comprend la diatribe d’Uwe Boll, en dehors de quelques vénaux investisseurs appâtés par des adaptations de jeux vidéos à succès, qui drainent par la force de l’inertie leurs cortèges de fidèles fans – ces derniers ont la mauvaise habitude de crier au scandale une fois le film ingurgité et la cotisation payée. Sauf que dans le cas présent, le film n’a pas été rentabilisé. Uwe Boll a ainsi promis d’ajouter 35 minutes de pellicule supplémentaire sur le Blue-Ray à sortir en décembre (soit une année après sa brève exploitation au cinéma !). La raison réclame un farouche boycott. Et pas seulement de ce film, mais pour tous ceux à venir… Pitié, n’en jetez plus, nous sommes K.O. d’avance.

M. Boll est pire que tout ce qu’on puisse imaginer; dans cette vidéo, regardez-le se congratuler lui-même sur la grandeur de son génie, qui est à des lieues d’épaves comme Michael Bay. Un artiste incompris, quoi.

Cette vidéo devrait vous convaincre de signer la pétition demandant à Uwe Boll de ne plus tourner.

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