Eva Copa, le nouvel espoir d’El Alto

(une version remaniée de cet article est parue dans le Courrier du 26 avril 2021)

Eva Copa, ancienne travailleuse sociale bolivienne, a défié avec succès le poulain du parti d’Evo Morales – le Mouvement vers le socialisme, le MAS – Zacarías Maquera : près de 70 % des habitants d’El Alto, la deuxième ville la plus peuplée de Bolivie, lui a offert en mars le plus haut score enregistrés par les candidats dans tout le pays. Copa, 34 ans, issue d’une famille modeste, est parvenue à faire passer son message d’espoir aux électeurs d’une ville dont les défis seront à la mesure de sa croissance démographique annuelle de 11 % : en se concentrant sur les problèmes de santé, d’éducation, d’urbanisation et de violence à l’encontre des femmes entre autres, les priorité de son programme politique ont fait mouche. Mais plus encore que ses idées, son parcours et son caractère ont poussé les Alteños à lui faire confiance.

Eva Copa votations subrégionales boliviennes 2021
(c) Keystone

« Qu’elle soit membre de la formation Jallalla ou du MAS m’importait peu, j’aurais soutenu Eva Copa quel que soit son parti », commente une habitante d’El Alto. Les Alteños ont été impressionnés par les réussites d’une femme qui n’a pas froid aux yeux : sénatrice à 28 ans avec la formation du MAS, elle est élue présidente du Sénat en 2019 lors des troubles provoqués par l’élection puis la démission d’Evo Morales. Sa gestion de la crise la catapulte sur le devant de la scène politique, mais elle se fait exclure par sa famille politique lorsqu’elle se présente comme candidate à la course d’El Alto. En raison de son écartement par le MAS, elle se lance seule pour la course à la mairie avec sa nouvelle formation, Jallalla. « Le MAS ne voulait pas qu’une femme puisse faire de l’ombre aux ténors du parti. Copa est indépendante et ne suit pas aveuglement les consignes », suggère un responsable de la communication de Jallalla. L’affrontement politique est sordide, on voit circuler sur les réseaux sociaux une fausse vidéo de Copa dans des positions intimes. Mais aucun coup bas ne porte, et Jallalla rafle non seulement la mairie d’El Alto mais aussi le poste de gouverneur de La Paz avec Santos Quispe.

Graffiti pour Eva Copa à El Alto en Bolivie

El Alto est une ville composée dans sa grande majorité de l’ethnie aymara. Les habitants proviennent des villages de l’Altiplano attirés par les promesses d’une vie meilleure. Ils s’installent en majorité comme marchands, et les femmes sont vêtues de la « pollera » – une ample jupe traditionnelle. Des bazars parsèment une ville à l’urbanisation anarchique, et l’eau de pluie stagne sur les routes faute d’égouts. Lorsque le soleil se couche, l’aspect de la ville change du tout au tout et les rues grouillantes de vie durant la journée deviennent désertiques. Les commerçantes rentrent à la maison au pas de course et évitent de parler aux inconnus. « Avec Eva, les choses vont changer. Elle est différente. Elle est comme moi », s’enthousiasme une Alteña. « Il est temps que les femmes n’aient plus peur dans la rue et que l’on soit respectées. Elle est mère, elle a étudié à El Alto, elle est comme moi », répète-t-elle.

Rue d'El Alto avec transport public

« Lorsque ma ‘sœur’ Eva est venue me chercher, je n’avais pas envie de lâcher mon entreprise touristique d’escalade », confie Lidia Huayllas, conseillère pour le domaine sportif de la nouvelle mairesse d’El Alto. Huayllas est Aymara, porte la « pollera » et poursuit ses passions dussent-elles choquer contre les traditions de son ethnie. « Mais lorsque j’ai appris à la connaître, j’ai voulu participer à son rêve de changement. Le MAS est un parti machiste. Je veux que mes enfants grandissent dans un monde plus ouvert, il fallait que je me lance », justifie-t-elle.

La précédente mairesse d’El Alto, Soledad Chapetón, a été en 2015 la première femme élue à cette charge. Alors âgée de 34 ans – tout comme Copa – Chapetón représentait déjà les espoirs de progrès de citoyens fatigués par les affaires de corruption. « La ‘sœur’ Eva a été bien mieux élue que Soledad. Elle est sincère, et je sais qu’elle fera un meilleur travail », fait pleine d’espoir une vendeuse de la plus grande municipalité bolivienne.

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