Cygnis, le danger du 25 mars 2010 – NE LISEZ PAS CE QUI SUIT !

Les histoires de malédictions et de fin du monde vous font rire aux éclats ? Moi aussi. Mais autrefois. Jadis, j’étais comme vous : déceler le signe de la fin des temps dans des chiffres, dans des malformations infantiles me fendait le visage d’un sourire invraisemblable. Plus maintenant.

Peut-être qu’une telle histoire va paraître chimérique à certains d’entre vous. Dans mon cas, c’est d’ailleurs avec peine qu’elle a pu déchirer le voile quotidien de rationalité dont je me drape. Et pourtant. Rien qu’à relire mes notes et les témoignages que j’ai pu recueillir, seul un fou les remettrait en cause. Je ne suis peut-être moi-même plus très loin de l’asile, à force de recherches et documentation. Mes doutes faiblissent en proportion inverse à l’augmentation de mon insanité; je sais, je sais, mais le monde se trouble, ma pensée s’égare, mes neurones se noircissent de tout ce savoir.

Mais aucune mise en garde ne saura vous faire vaciller, n’est-ce pas ? Vous n’avez peur de rien, c’est ça ? Des histoires du genre, vous les collectionnez et les rangez toutes dans le même tiroir ? Pour vous convaincre que cette histoire est spéciale, et que lire « Cygnis », un ouvrage qui est sur le point de me réduire à l’état de mort-vivant, il va pourtant bien falloir me lire. Une fois lue, cette histoire fera parti de vous comme un gant confortable qui une fois mis s’ajustera si bien à vos doigts qu’il sera impossible de le retirer. Vous atteindrez un niveau de compréhension, une étape dans la connaissance du monde qui vous permettra de lire « Cygnis »; dans la foulée, l’obscurité s’éclaircira, les ténèbres auront une odeur, les mouvements du ciel vous paraîtront suspects. C’est votre dernière chance; vous riez ? Qu’il en soit ainsi.

Depuis plusieurs mois est prévue la sortie d’un ouvrage mystérieux, première publication d’un non moins mystérieux auteur : Cygnis, écrit par Vincent Gessler. Un nom qui immédiatement attira mon attention, comme pour tout Suisse qui se respecte. Guillaume Tell, héros de légende de mon petit pays, fut amené à tirer une flèche sur une pomme posée sur la tête de son fils parce qu’il n’avait pas salué le bailli autrichien Hermann Gessler. Le premier finit par tirer vengeance du second, l’assassinant d’un carreau d’arbalète envoyé en plein coeur. Ce que l’histoire officielle n’enseigne pas, c’est les circonstances entourant la mort de Gessler.

En qualité de chercheur en histoire médiévale, il m’arrive d’entrer en possession de documents inconnus du grand public. J’ai l’habitude de parcourir des parchemins, des écrits aussi rébarbatifs que la comptabilité de villages valaisans au XIIe siècle. Des lectures enchaînées de pages et de pages calligraphiées en latin ou en ancien français, rien de très sexy là-dedans. Il y a peu de surprises dans mon métier, seulement des ajustements, des précisions, une netteté plus prononcée apportée au déjà exploré. Je suis un technicien, pas un inventeur. J’applique des techniques éprouvées, j’utilise des règle inventées par d’autres. Sauf dans le cas d’Hermann Gessler, ce qui m’a valu l’ire – le mépris – de la communauté scientifique, qui m’a banni, ostracisé à l’unanimité. C’est également, accessoirement, la raison pour laquelle mon nom ne vous fera que légèrement lever les sourcils, dans un intérêt à peine poli. Gessler, c’est ma chute. Gessler, c’est un feu brûlant qui m’attire moi, le papillon inconscient. Il m’a flambé, incendié, grillé. Etais-je un Icare ? Le 25 mars, entre grandeur et insignifiance, fou ou visionnaire, le sort tranchera.

Car Herman Gessler a trépassé un 25 mars. Date anodine ? Certainement pas. Si l’on se penche plus attentivement sur celle-ci, on constate que l’addition des deux chiffres (25 + 3) nous donne un total de 28. Et qu’est-ce que 28, si ce n’est le nombre de jours d’un mois de février, lors d’une année non bissextile ? Cette découverte m’a permis d’orienter mes recherches. Une fois que j’ai su où chercher, soit dans des évènements qui ne se produiraient pas les années bissextiles, la réalité s’est imposée à moi. Le 25 mars des années non bissextiles, des évènements étranges se produisaient. Le 25 mars 2010, année non bissextile, Cygnis, ouvrage écrit par un « Gessler », sortira. Rien ne sera plus comme avant.

L’histoire nous enseigne ainsi que c’est un 25 mars que Kenneth III, roi d’Écosse, et que son fils furent assassinés. Ce dernier se prénommait « Gessleric », et avait des « talents de poète », selon les moines de l’époque, qui faisaient « chavirer jusqu’à mener à Hadès » ses compagnes.

C’est un 25 mars aussi que l’armée du roi de France, Louis XII, intervient à Gênes pour rétablir l’ordre. La troupe chargée de mettre fin aux troubles est menée par un certain « Gesslerino », qui fera avorter les velléités indépendantistes dans l’oeuf, laissant sur son passage des dizaines de morts. En sus de cette fidélité dont les populations italiennes firent souvent les frais, il laissa derrière lui une quantité faramineuse de manuscrits, dont certains auraient servis de base à Machiavel.

C’est un 25 mars encore qu’est fondée la Compagnie des Indes orientales – qui résulte de la fusion de huit compagnies commerciales néerlandaises -, une corporation dans la violence qu’elle répandra sur son passage en Asie n’égale que les bénéfices faramineux qu’elle encaissera. Le patron de la compagnie ? « Van Geessler ». Il aura écrit des ouvrages sans nombre sur la façon de mener une expédition coloniale. Quelques soient les coûts.

À New York, USA, un incendie à l’usine de Triangle Shirtwaist Company – qui sous couvert de fabriquer des blouses produisait du matériel de taxidermiste – tue 146 personnes un certain 25 mars. Le mafieux soupçonné d’avoir tenté de briser une grève, « Gesslerola », sera retrouvé à l’âge de plus de 94 ans, mort sur une pile de taies d’oreillers de collection – et entouré de chats empaillés aux positions dérangeantes. Il aura profité de sa contrebande jusqu’au bout, sans jamais avoir été inquiété durant toute sa longue existence. Gesslerola est connu dans le « milieu » pour avoir, le premier, établi et consolidé le parallèle entre la mafia et l’armée romaine.

C’est un 25 mars toujours qu’un psychiatre déclare après 3 jours de spectacle, que « le Rock and Roll est une maladie contagieuse causant l’insécurité des jeunes adolescents et incitant les plus vieux à faire des gestes bizarres. C’est une musique tribale relevant du cannibalisme ». Ce spectacle, dont les organisateurs avait pour nom « Gessler », a produit toute cette musique « jeune » à l’origine de suicides à répétition, et qui surtout a fini par donner la musique « pop ». On a retrouvé, bien des années plus tard, des partitions musicales qui, jouées à l’envers, ôtent toute raison aux auditeurs. Des signes bizarres, comme des étoiles à 8 branches, mais aussi des « G », ont été griffonnés sur les tablatures.

C’est un 25 mars enfin que le roi Fayçal d’Arabie saoudite est assassiné à Riyad. L’un de ses plus proches conseillers, « Ben Gessler », n’a jamais été retrouvé. La justification divine de la plus puissante pétromonarchie, ainsi que l’interdiction de la femme de conduire devaient leur naissance à ce conseiller disparu.

Ces dates, ces tragédies, vous pouvez les trouver très facilement. Vérifiez mes assertions. Je n’invente rien. Les noms des responsables, construits tous d’après un nom-mère « Gessler » méritent un peu plus de recherche, soit. En qualité de scientifique, acquis à la rationalité la plus haute, je vous encourage à vous documenter, et chercher à corroborer mes dires. Toutes ces dates sont des faits, tous ces évènements se sont produits. Les noms seront peut-être difficiles à trouver, et nécessiteront un investissement en temps plus conséquent, mais croyez-moi, je n’ai pas perdu l’esprit.

C’est terrifiant, j’en suis conscient. Mais la démonstration est implacable, elle ne respire aucune autre option. Je suis un scientifique, je l’ai dit. Et à ce titre, ce qui compte le plus ce sont les données, et non mes interprétations personnelles. Je suis ainsi athée; mais qu’est-ce qu’à l’athéisme à répondre à cela ? Ne faudrait-il pas chercher les réponses vers l’art parapsychologique, la religion, l’immatériel et l’incalculable ? Les angles non-euclidiens ne sont pas très loin, je le réalise maintenant. Miskatonic me tend les bras : y aurait-il une puissance malfaisante, condamnant tous les 25 mars d’années non bissextiles l’humanité à sombrer ? Une fois ce stade de conscience atteint, j’ai décidé d’alerter mon réseau de journalistes, de théologiens, de politiciens, de scientifiques; on m’a rit au nez. On m’a lu et immédiatement oublié. On m’a écouté, coupé la parole, et demandé de m’éclipser. On m’a refusé l’accès aux publications, aux journaux. Sans justification, cela va de soit. La population reste condamnée à l’ignorance, la vérité tuerait peut-être plus. Mais ne vaut-il pas mieux mourir de trop de vérité, que survivre grâce au mensonge ? Vous êtes de toute façon allé trop loin maintenant pour reprendre une vie basée sur des boniments. Vous faites partie de mes alliés. A moins de disparaître, comme d’autres de mon entourage proche. Car tel un poisson perdu en eau profonde, j’ai suivi la frêle lumière qui se dirigeait vers moi, naïf du sort qui m’attendait. La baudroie abyssale m’attirait de son appendice bio-luminescent et elle n’a fait qu’une bouchée de moi. Ce qui vous attend à votre tour.

Ma réputation brisée, je n’avais plus rien à perdre. Ma volonté de sauver s’est alors muée en besoin de comprendre. J’ai poursuivi mes recherches, enquêtant dans des contrées reculées et inhospitalières, tout comme dans des centres urbains modernes. J’ai rencontré ce que j’ai d’abord tenu pour des affabulateurs, héritiers d’un vocabulaire d’une époque où l’on faisait chauffer le bûcher pour de telles histoires. Avant d’avoir les poils se dresser sous l’effet d’une peur électrique, entrant dans un univers aux règles imprévisibles.

Constance Maugrid est une femme tout ce qu’il y a de respectable. J’en ai fait la connaissance sous un acacias, un soir dans les Pyrénées. Passionnée, elle avait coutume de se rendre chaque année à Nantes, une ville du nord-ouest de la France. Pourquoi cette précision ? Au détour d’une conversation sur ses malheurs, elle m’avoua avoir fait la connaissance de Vincent Gessler, homme au sourire enjôleur et à la démarche aguichante – selon ses propres mots. Un écrivain très apprécié dans le festival qu’elle fréquentait, et dont on s’arrachait les livres tels des poissons frais au marché. Pressée par mes suppliques insistantes de s’ouvrir sur cette rencontre – mon sang n’avait fait qu’un tour lorsqu’elle avait prononcé ce nom – elle m’expliqua combien elle abhorrait cet homme. Que par sa faute, sa vie s’était muée en un territoire stérile. Plus rien ne pousserait, dorénavant.

Comment Constance était parvenue à cette conclusion ? Un 25 mars, quelques jours avant d’accoucher, elle s’était mise à lire « Fractal ». Gracieusement offert par Gessler, il s’agissait d’une nouvelle ayant fait grand bruit à différents festivals. Sortant de l’ordinaire, une réputation sulfureuse la précédait : il n’existait pas deux personnes ayant la même compréhension de sa fin. Phénomène banal, je me suis quelque peu distancié; après tout, quoi de plus normal que d’avoir des interprétations divergentes d’une même histoire. C’est le propre de l’expression artistique : elle n’existe pas sans réceptacle interprétatif – le spectateur, le lecteur -, et parce qu’il n’existe pas deux réceptacles identiques, il n’existe pas deux expressions identiques. Telle étaient mes pensées en ce froid mois d’hiver dans les montagnes françaises, n’écoutant que d’une oreille un récit somme toute banal de la misère humaine. Mon hôte se perdait en conjectures, en trivialités, en tout ce qui d’habitude, rend plus humain.

Mes deux oreilles reprirent de l’activité lorsque Constance en arriva à la partie sur sa lecture du 25 mars. C’était LA partie d’intérêt. L’instant où elle se mit à évoquer une prophétie. L’instant où, transperçant son rideau de larmes, elle m’expliqua les circonstances étranges qui avaient entouré la naissance de son enfant, Patrick William Adama (j’imaginai en un éclair de moquerie ce que serait plus tard son acronyme indéfendable à l’école). Après avoir lu « Fractal », la nuit du 25 mars, elle n’avait pu fermer l’oeil de la nuit. Comme dans un mauvais rêve, elle avait vu son enfant à naître lui parler d’une bouche vieillie avant l’âge, des yeux globuleux scrutant le fond de son âme, habillé d’un corps ratatiné et odorant la pourriture, lui dire d’une voix sans timbre :
« Les tremblements de terre approchent. La folie consumériste se répand comme la maladie, une syphilis qui rongerait le cerveau. On verra mes légions jouer avec des jeux électroniques infantiles, prêcher la science et se moquer de l’amour déraisonnable. On me croyait chaud, mais c’est une froide rationalité que je déverserai sur l’arrogance humaine. La mère couchera avec son fils, les actrices porno seront chefs d’Etat, le pacifisme sera l’exception. »
A son réveil, Constance avait la nausée, un douleur cadençait son ventre comme des arcs électriques. Elle se rendit immédiatement chez son obstétricien, pour s’entendre rapporter un diagnostique mortifère : les poumons de son enfant avaient commencé à s’atrophier, une étrange branchie s’appropriait un espace corporel qui n’était pas le sien. Ses pieds étaient gelés, du liquide céphalo-rachidien suintait de ses oreilles. Elle fit le seul choix à faire dans ce cas, et renonça à être mère – définitivement.

Constance ne fut pas la seule à déstabiliser mon monde de croyances. Iduyan Jiyarin, de Rinchinlhümbe (un village au nord-ouest d’Ulan Bator), me raconta dans une yourte de banlieue comment sa lecture un 25 mars des « risques du métier », du même Vincent Gessler, s’était soldée par la mort de tous ses chevaux le soir-même. Dans des conditions abominables : ses quadrupèdes hongrois, de race Akhal-Téké, avaient eu les intestins dévorés de l’intérieur, les côtes avaient été arrachées et plantées dans les poumons comme s’il s’agissait d’apéricubes à prendre avec des cure-dents. Des bactéries jamais identifiées jusque-là furent trouvées au sein des villageois des environs, avec une densité si élevée qu’elle rappelle la bouche d’un dragon du Komodo. Que dire encore de Kenai Clarion, habitante de Soldotna, qui un 25 mars d’une année non bissextile lu « Au bord de l’abyme » ? Une personne sur deux fut brûlée. Au troisième degré. Son chat préféré, Gally, fut retrouvé carbonisé. Dans un petit village d’Alaska, où la température à cette période de l’année ne dépasse jamais – même en journée – le zéro degré.

Combien d’exemple de ce genre pourrais-je cumuler ? Autant que mes finances personnelles me permettraient d’investir dans de telles recherches, semble-t-il. Sans le sous aujourd’hui, méprisé par mes confrères, Gessler et son ascendance m’ont tout pris. Même si cela semble bien peu au regard de ce que cette famille maudite a déjà pris à l’humanité. Il existe une relation indéniable entre la faconde écrite de la lignée Gessler et des malheurs en cascade; persiste-t-il encore un doute ? Certes non. C’est à se demander si l’origine des catastrophes bibliques n’est pas à rechercher dans la généalogie Gessler…

Le 25 mars 2010 est une année non bissextile. A cette date, « Cygnis », un ouvrage de Vincent Gessler, sera mis en vente dans les bacs de toutes les librairies d’Europe. Parfois même en tête de gondole.
J’ai pu constater les drames de masses provoqués par la lecture de quelques pages, et par quelques individus isolés seulement. Le 25 mars prochain, c’est un roman entier qui risque d’être lu par des milliers de personnes potentielles. Combien de victimes probables ? Combien de naissances mal-formées, de combustions spontanées ou de plaies microbiennes vont résulter de la date fatidique ?

Vous savez tout. Evitez à vos amis d’acheter ce bouquin, je vous en supplie. Ou alors, acheter tous les exemplaires, et brûlez-les. Vous ne pouvez rester passif. Avec votre savoir, vient une grande responsabilité dorénavant. Jetez, déchirez Cygnis. Je vous en supplie !

NB suite à l’avalanche d’emails, de téléphones et questions par tous les moyens de communications possibles : ce message n’EST PAS l’oeuvre de Vincent Gessler. Comment cela se pourrait-il ? Ce dernier ne souhaite que voir son livre lu, en bon démon…

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