American Beauty

Beaucoup d’avis et de critiques ont déjà été fait sur ce long métrage. Mais tous passent, à mon avis, à côté de la vraie force du film. Un long-métrage qui me semblait trop américanisé, car porté aux nues par les critiques outre-Atlantique, qui raffolent en général plutôt des blockbusters dénués de sens. Mais dans les faits, rien à voir.

Film American Beauty dirigé par Sam MendesLe centre névralgique du film, sa pièce maîtresse, n’est en rien une critique de la société. Encore moins américaine. Ce n’est pas parce que les protagonistes principaux sont une petite famille bien installée aux Etats-Unis, qu’il faut y voir forcément une revendication anti-bourgeoise.

Ce dont traite le cinéaste, dont il s’agit là du premier film, c’est de la COMMUNICATION.

La difficulté que l’individu rencontre à partager ses angoisses, ses attentes et ses plaisirs. Le manque de compassion, l’égocentrisme dont on fait preuve à l’égard d’autrui.

Lester s’en rend compte le jour où, en voyant l’amie de sa fille, Angela, il retrouve les qualités (force, jeunesse, envie de vivre en d’autres mots) qui l’ont fait tomber amoureux de son épouse Carolyn. Cette dernière est devenue, avec le temps, conformiste, matérialiste et monotone.

Ce choc, il le prend en pleine figure; il réalise que ce qui constitue la saveur de la vie, c’est de la mordre à pleine dents. Bref, une belle crise de quadra en perspective…

Mais il n’en est rien. C’est un vrai problème de communication, qui empêche Lester de comprendre l’adolescente qu’est devenue sa fille Jane, qui l’empêche de dialoguer avec sa femme. C’est un homme frustré de tout qui, le jour où il ose enfin affirmer sa personnalité, revient à la vie.

Il n’existe qu’un seul personnage, un seul qui ait saisi l’importance du dialogue, du partage; c’est Ricky, un jeune adulte à enfance difficile. A travers une caméra au poing, il communique sincèrement, sans les barrières sociales ou culturelles que tout le monde se pose. Il voit la beauté de chacun sans artifice, parce que lui-même n’a pu naturellement la trouver de par son enfance.

Le père de Ricky, le colonel Fitts, un homosexuel refoulé, n’a jamais accepté son penchant et l’a caché au plus profond de son inconscient. Une scène magnifique que de voir ce pauvre homme visionner les scène de musculation qu’a filmé son fils. Alors qu’on croit au premier abord que c’est par dégoût qu’il regarde, on comprend par la suite qu’il s’agit en réalité d’excitation.

La mère de Ricky, Barbara, a une maladie qu’on a de la peine à identifier. Cela tient de l’alzheimer et de l’autisme à la fois. Elle ne communique presque plus, perdue qu’elle est dans ses pensées.

Jane quant à elle, n’arrive pas à parler avec qui que ce soit, puis progressivement, arrive à exprimer (mal peut-être) ses sentiments grâce au contact de Ricky. C’est son personnage, ainsi que celui de son père (mais il s’agit dans son cas alors d’un déclic, et non plus d’une avancée progressive) qui évoluent le plus.

Carolyn n’est devenue qu’un plot dans l’édifice, a perdu tout individualité, et recherche à se réaliser en s’investissant dans son travail. Mais ce n’est qu’une fuite pour oublier la réalité, à savoir l’échec de son mariage et l’insuccès de son rôle maternel. Elle n’exprime pas son désir, ses envies, si ce n’est à un type aussi paumé qu’elle, Buddy King. Le couple extra-conjugal ainsi formé croit trouver dans l’ambition et le pouvoir la solution à leur mal de vivre.

Angela, une adolescente superficielle, se veut la Carolyn jeune. Dès son départ dans la vie, elle connaît les même angoisses que son alter ego plus âgé, prête à tout pour réussir, et ne cherche qu’à renvoyer une image d’elle même qui ne lui correspond en rien. Tout comme Carolyn. Ce sont ces deux personnes qui représentent le mieux le conformisme usuel.

Au final, Lester représente la réussite. La prise de conscience salutaire, voire vitale lui permet de mener une vie propre. C’est lui qui se fixe ses limites, ses besoins, il retrouve tous les éléments constituant une personnalité, lui qui les a perdus au fil du temps. Ce n’est pas parce qu’il mène sa propre vie que forcément son entourage en pâtit, mais parce que les relations sont sclérosées dès le départ. Alors qu’il se révèle lui-même, les autres en sont encore à se chercher.

Le magistral final, se termine en totale apothéose. Lester, qui a enfin compris le sens de la vie, n’a plus rien à perdre. Il peut partir, le sourire sur les lèvres. Son meurtrier commet l’irréparable parce qu’il ne parvient pas à communiquer (encore !). Son éducation a érigé des barrières insurmontables pour cet homme, qui n’arrive toujours pas à accepter sa différence.

Un film à réalisation grandiose, le film de tous les superlatifs. Le thème relativement vaste et complexe, est ici développé avec légèreté. Attention, légèreté ne veut pas dire superficiel. Le film est profond, et va jusqu’au bout de ses ambitions. Le raisonnement de Sam Mendes est juste, et surtout sain. Sa réalisation du film est particulièrement originale du cinéaste très agréable. Le dénouement m’a semblé totalement novateur, et présage le meilleur pour ses prochaines réalisations. Quant aux acteurs, presque tous sont bluffants de talents. Kevin Spacey est un professionnel au sommet de son art, et quelques petites claques sont nécessaires pour se convaincre qu’il ne s’agit que d’un film. Le seul bémol à émettre concerne la prestation tout sauf convainquante de Thora Birch, qui incarne Jane. Manque de conviction, et son joli minois ne rattrape rien du tout.

A recommander fortement à tous les détracteurs de Schumacher ;-), car il se situe aux antipodes du genre d’approche de ce dernier. Sam Mendes donne toutes ses lettres de noblesses au 7ème art, et réussi véritablement un chef-d’oeuvre.

(message original du 15-02-2000 @ 01:00:00, j’étais bien jeune)

Cet article a 4 commentaires

  1. jcv

    Je sais que ma critique n’est pas extraordinaire, mais de là à prendre ce blog pour un chat…

    Heureusement, mon unsEEn veillait au grain.

  2. unsEEn

    salut

    Salut et bienvenue à toi sur ce chat.
    Tu remarqueras que les messages sont un peu lents à venir, mais sois patient et persévérant car l’ambiance est géniale ici !! 😀

  3. Student of War

    Contrairement au message précédant, je ne pense pas que la communication soit le thème central du film, je crois plutôt que c’est l’estime de soi. Ce que l’on voit, ce sont des personnages englués dans une routine qui détruit à petit feu leur estime d’eux-même en tuant à petit feu leurs rêves.

    D’ailleurs, les deux personnages qui semblent le plus heureux à la fin du film sont Lester et Ricky, les deux seuls qui cherchent avant tout à se plaire à eux-même, en dehors de tout conformisme. Contrairement à eux, Jane et sa mère ont besoin du regard admirateur de quelqu’un d’autre. Finalement, le message est que nous avons tous ce besoin de nous sentir exceptionnels, à nos yeux ou à ceux des gens qui nous sont le plus chers.

    Bref, c’est un film intelligent, subtil et beau qui est à conseiller pour sevrer les accros des productions Jerry Bruckheimer.

    (message original du 08-01-2004)

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