Signe ostentatoire de bonté

Les premiers autocollants à m’avoir énervé ont été ceux affichés avec fierté sur des voitures de jacky. Sûrement parce que jusqu’au milieu de mon adolescence je les collectionnais moi-même, rangés au fond d’un tiroir.

Une fois passé cet agacement inutile, j’ai commencé à découvrir un autre type d’autocollant, ceux évoquant l’appartenance à un groupe bénévole, humanitaire, bienfaiteur. Y passe MSF, WWF, Attac, partis politiques, etc.

Si pour la plupart il ne s’agit que d’une publicité à bon marché, il y a en a un nouveau que j’ai récemment découvert : « protégeons nos enfants, non à la pédophilie ».

Analyse de gare de ce type d’individu, suffisament idiot pour coller cet autocollant sur la vitre de sa voiture :

1/ Il est particulièrement stupide, et naïf. Bien que ce ne soit pas une certitude mathématique (faut que je revoies mes calculs), mais je recherche la probabilité pour qu’un pédophile ait une révélation mystique en découvrant ces mots sur le véhicule. Là où des thérapeutes tentent de guérir l’individu pathologiquement atteint, le stickers à 2 balles fera-t-il mieux ?

Bien évidemment, le faire remarquer au possesseur du véhicule ne nous attirerait qu’un regard outré, courroucé devant une telle remise en question. Les sentiments, ça ne se discute pas, ça part du coeur, c’est bien connu.

Demain, je poserai un autocollant sur ma propre voiture : « non à la pauvreté ». Et me voilà qui passerai pour un extrêmiste de gauche, aveuglé par mon idéologie. Deux poids, deux mesures.

Décidément, il faut trouver un moyen pour empêcher les médias d’imposer leur diktat.

2/ Il est hypocrite et bien-pensant. En recherchant ainsi le regard des autres, tentant d’attirer compassion et admiration. Compassion, car beaucoup vont penser que lui-même a subi ce type de comportement, ou pis, totalement inimaginable et inacceptable, le crime suprême surpassant Hiroshima : son enfant a été victime d’un prêtre diabolique, qu’on ne peut dépeindre qu’armé d’un trident infernal. (Il est de très pratique, le bouc-émissaire curé, ajourd’hui).

3/ Enfin, il est exhibitionniste. Dans des pays occidentaux envahis par la télévision, par la real-tv, il devient très important d’exposer ses émotions, d’étaler sa vie, d’informer le quartier sur ce que l’on endure. Bien que très souvent, ce soit faux. La véracité des émotions n’est de toute façon pas ce qui compte, le but étant de pleurer sur le sort du monde, même si l’on ne fait rien pour le changer.

La sensiblerie dépasse la vérité, car lorsque vérité il y a, on ne souhaite la partager qu’avec les gens capables de nous comprendre, capables de savoir qui nous sommes. On ne connaît pas son voisin, mais on veut l’asphyxier de notre pathos, l’envahir de notre douleur.

La société a besoin de parler des maux qui l’habitent, qui la phagocytent; mais à trop vouloir rechercher l’arbre, on oublie la forêt. On ne parle en France, depuis le décès de Marie Trintignant, que des violences conjugales. 72 femmes meurent chaque années sous les coups d’un conjoint violent; par rapport à une population de 60 millions d’habitants, il est ridicule d’y consacrer autant de temps, d’énergie. Qu’on soit bien d’accord, c’est 72 femmes de trop, mais je crois que le suicide, la faim, la dépression, la violence symbolique sont des sujets autrement plus important.

Mais voilà, les médias décident de ce qui est important à notre place. Car nous sommes rarement outillés pour les combattre, égo mis à part.

Cet article a 5 commentaires

  1. Student of War

    Je n’interprétais pas ta pensée, je donnais mon opinion. Quel nombrilisme!

  2. jcv

    Ta comparaison avec les drapeaux Pace est tout à fait pertinante; je n’ai rien à y redire, c’est exactement le même mécanisme. Sauf peut-être que la pédophilie est quelque chose de rare, très rare, raison qui m’a poussé à l’origine à écrire cet article. C’est la mouvance de toute une société, la redifinition de ses priorités en fonction d’actes épars, mais médiatisés, qui m’énerve profondément. Raison pour laquelle je parlais des femmes battues, en conclusion.

    Je veux juste revenir là-dessus :

    Refuser au gens le droit d’étaler leurs convictions, c’est limiter la liberté d’expression, c’est freiner la diffusion de nouvelles idées, de nouvelles normes sociales et c’est enlever aux cyniques le plaisir de rire des idéalistes.

    Là, c’est toi qui interpréte de travers ma pensée. Tu la rééecris, même !

    Tu fais certainement l’amalgame avec mon « permis de vote »; je suis pour une liberté d’expression quasi totale ( je me tâte toujours au sujet des partis d’extrême droite). Que les gens aient envie d’être con et bien pensant, c’est pas très grave, je le suis moi-même. Mais que ça influe sur ma vie (cf. permis), là non, je ne suis plus du tout d’accord.

  3. Student of War

    OK, les manifestants n’ont pas le côté exhibitionniste, mais que dire de ceux, nombreux, qui avaient un drapeau PACE à leur fenêtre?
    1)Il est particulièrement stupide et naïf, quelle est la probabilité pour que George W. Bush passe devant sa fenêtre et aie une révélation pacifiste?
    2)Est-ce qu’il n’essaie pas de paraître au-dessus du monde, non souillé par les actions des gouvernements, puisqu’il aura publiquement et ostentatoirement montré son désaccord. C’est une sorte de persistant objector qui refuse de porter sa part du fardeau de culpabilité.
    3)Est-ce qu’il n’exhibe pas son dégoôt de la guerre, l’émotion simpliste de celui qui n’a pas à faire des choix entre deux maux?

    Refuser au gens le droit d’étaler leurs convictions, c’est limiter la liberté d’expression, c’est freiner la diffusion de nouvelles idées, de nouvelles normes sociales et c’est enlever aux cyniques le plaisir de rire des idéalistes.

    PS: Odin is a god of war and death, but also the god of poetry and wisdom.

  4. jcv

    Le problème avec les bouffeurs de pudding, c’est qu’on ne sait jamais si ils sont sérieux, mais il y a sûrement un fond de vérité dans ce que tu dis. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, l’un des exemples de Kundera pour expliquer le kitsch, c’est une manifestation d’intellectuels organisée en Thaïlande contre le comportement du Cambodge.

    « L’accord catégorique avec l’être », pour reprendre Kundera, je pense que tous les manifestants l’avaient en eux, lorsqu’ils défilaient. Ils étaient habités par le kitsch de l’homme de gauche, c’est très pertinant.

    Mais d’un autre côté, es-tu forcé de ne faire que des choses utiles ? Jusqu’où faut-il pousser sa rationalité, son utilitarisme ?

    Il y a des choses qui valent la peine de se battre, et dans ce type d’action « superficielle », il ne faut pas mésestimer les résultats latents à long terme : politisation et conscientisation des plus jeunes participants (c’est toujours très bon à prendre), sentiment communautariste autour de certaines valeurs (n’oublie pas les panneaux « Non à Bush, mais non à Saddam », donc c’est un peu plus compliqué qu’on veut bien le croire), rencontre de certains activistes de demain.

    Cela n’a été suivit d’aucun effet direct, aucune action coercitive, soit; mais nierais-tu que l’on vit dans un monde symbolique ? Désolé de me lancer dans le constructivisme, mais chaque être humain construit sa propre réalité du monde. Et à l’intérieur de cette réalité, on n’y retrouve que des symboles forts, souvent simplistes. Ce type d’action est à même d’amener une nouvelle compréhension du monde, et très certainement que ce fut le cas pour les Européens. Pourquoi au début des années 90 a-t-on eu le concept absurde du « zéro morts » ? Pourquoi a-t-il fallut attendre l’étude de Lancet pour découvrir avec effarement que 100’000 victimes irakiennes étaient mortes depuis la présence US en Irak ? C’est la pression populaire qui a forcé les Etats à agir différemment. Même si ce n’est que cacher la merde au chat pour l’instant, projettes-toi dans l’histoire, et observe si ce souci de respect de ses propres combattants ou de la population civile ennemie a toujours été la règle. Jamais l’Etat n’avait à se justifier de ses choix; aujourd’hui, il doit se justifier, et demain (mais quand ?), il aura les mains liées.

    Et ce n’est certainement pas en se terrant dans son abri souterrain que ce mouvement sociétal a pris forme. Alors oui, pour beaucoup la manifestation n’était que du superficiel, du kitsch à l’état pur; mais comme je le faisais remarquer il n’y a pas très longtemps à un copain reprochant à Reporter sans frontières d’utiliser l’arme du kitsch dans l’affaire de Chesnot et Malbrunaux, se méfier immédiatement de toute médiatisation, sans voir le fond de l’affaire, revient à posséder du « kistch inversé » (c) Moi-même. Les manifs contre l’Irak ont été surmédiatisées; mais regardons le fond, plutôt que de discuter de la forme.

  5. Student of War

    Pour les autocollants, ton raisonnement peut s’appliquer aux gens qui
    ont fait des manifs contre la guerre en Irak, car c’était inutile et servait surtout la bonne conscience des manifestants qui pouvaient ensuite dire qu’ils avaient fait tout ce qu’ils pouvaient. De plus, le faire dans la rue plutôt que par pétition démontre également une
    tendance à l’exhibitionnisme.

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