• Publication publiée :3/11/2004
  • Post category:Politique / USA

nous sommes tous des imbéciles

Je vois en ce moment vomitif par excellence, peut-être trois périodes différentes dans les relations d’après-guerre avec les USA. La première concernerait les « USA grandpa », qui dans une lancée idéaliste wilsonnienne, totalement à eux-même, nous offrent un parapluie nucléaire, se lancent dans l’aide (parfois cyniques, parfois typiquement réaliste) de tous les pays succeptibles d’adhérer au monde libre, en apportant démocratie et économie de marché. C’est la période Kennedy « Ich bin ein Berliner », moraliste et idéaliste comme seuls les Etats-uniens peuvent y croire, qui court jusqu’aux attentats du 11 septembre. Car si la chute du Mur est un moment unique dans l’histoire du XXe siècle, on voit bien que l’ère Clinton n’apport pas grandchose de neuf sous le Soleil, si ce n’est la sanction d’hyperpuissance pour les USA : le monde libre a gagné, et ce n’est pas que du cynisme que de croire cela. Dans bien des parties du monde, avec l’exception notable de l’Amérique du Sud, les USA ont vraiment donné toutes leurs chances aux locaux, avec parfois même un certain succès.

Grisés par cette nouvelle prépondérance, on enchaîne sur l’échec de la deuxième période, ne durant peu de temps : « Nous sommes tous Américains », où pendant quelques jours, quelques mois au maximum, les USA vont bénéficier d’un capital sympathie énorme, de la part même d’anciens ennemis. Hormis les Trotskistes un peu con, des idéologues à droite ou à gauche, on compatit : l’Amérique touchée en son coeur, pays avec lequel on partage des valeurs en voie d’universalité, dont l’affranchissement de l’Homme de sa condition. Cela durera jusqu’à la guerre d’Afghanistan, où peu de voix s’élèvent, où une communauté d’attentes et de ressentiments soudent les alliés (et pas seulement les Occidentaux).

La troisième période, dont le terreau fertile s’est mit en place durant les 3 ans qui suivirent cet attentat terroriste, s’ouvre tel un gouffre infernal devant nos pas. L’Homme est-il vraiment capable de s’élever de sa condition ? Mérite-t-il ce droit de vote tellement démocratique, acquis au prix de nombreux bains de sang, réflexions étalés sur plusieurs siècles ? Tout me pousse à croire que non. Et ce n’est pas seulement une question états-unienne, mais universelle. Sans remettre en cause les libertés fondamentales d’être humain, je me demande si tous les artifices que nous pouvont inventer pour nous permettre un choix libre, si les savants checks and balances aussi élaborés qu’on peut les remarquer aux USA ou en Europe, ne brillent que par leurs cuisant échecs à répétition.

Une Europe se construisant par le haut car ses citoyens ont la vue trop courte et trop égoïste, une Amérique arrogante et aveugle au reste du monde, une Afrique incapable de se choisir autre chose qu’un leader corrompu et totalitaire, une Asie se soumettant avec délectation à l’autorité, une Océanie viscéralement raciste, il n’y guère plus que l’Antarctique qui présente l’image d’un continent évolué, soudé et à même de comprendre la démocratie : les pinguins sont dignes de plus de respect que l’humanité.

Non, décidemment, une population est par trop manipulable, par trop effrayable, incapable de comprendre ce que signifie la notion même de vivre ensemble. On apprend peut-être de nos erreurs, mais on a une imagination débordante lorsqu’il s’agit d’en inventer de nouvelles. A croire que la main invisible fonctionne bien mieux dans ce domaine que dans l’économie.

Que faire ? Un retour à une tyrannie éclairée ? Le communisme ? L’anarchisme ? Foutaises, d’autres solutions existent, mais tant qu’on considérera que tous les individus sont égaux en droits civiques, on n’avancera pas d’un pouce. Des personnes souhaitent se spécialiser dans la chose politique, d’autres pas. Des personnes ont les capacités d’avoir les vues larges, d’autres pas. Vais-je expliquer à un agriculteur comment tirer le meilleur de ses céréales ? Non, pas plus que je ne veux perdre du temps à expliquer à un électeur FN ce que le symbole néo-nazi signifie. La politique est un métier comme un autre, elle s’apprend. Etre citoyen demande un effort, et je ne vois pas pourquoi des gens renonçant à ce devoir devraient avoir le même pouvoir dans les urnes que ceux s’attelant au décryptage du monde. Voilà ce qu’à de plus faux l’égalitarisme, qui devrait se cantonner au monde matériel, et non mental. Si l’esprit est plus fort que la matière, si il peut le modeler, cela requiert un volontarisme qui ne s’uniformise pas, qui n’est pas un droit inaliénable.

Nous sommes repartis pour 4 ans de Busheries, avec un président combinant la capacité de réflexion d’un Ford et le cynisme d’un Nixon. Du tout bon pour les peuplades humaines, de quoi décidémment préparer le terrain à une discussion du devenir de l’Etat-monde. Je suis revenu sans équivoque du « nous sommes tous américains », mais je ne veux pas accepter un « nous sommes tous des imbéciles ». La question est : m’en laissera-t-on le choix ?

Cet article a 2 commentaires

  1. jcv

    Non, tout le monde n’est pas imbécile; il se trouve qu’au moins la moitié de l’humanité, quelque soit la race, la nationalité, l’est. Beaucoup de gens prennent la parole, alors qu’ils n’ont pas réfléchit avant; ce qui est anecdotique entre amis, se transforme en catastrophe en politique. Alors je dis merde au politiquement correct.

  2. Hum hum… Sans vouloir être méchant, il me semble que ton article devrait plutôt s’intituler « Les gens sont tous des imbéciles. Mais pas moi. Votez Moi. »

    Je développe sur mon blog à moi (tout nouveau, c’est le premier message) :
    Sommes-nous vraiment juste des imbéciles ?

Laisser un commentaire