Les FARC sont mortes?

Ce matin dans le journal officiel, un fidèle disciple s’emballe légèrement. Il titre sa tribune libre “signaux de fin“, faisant référence au conflit. Pour lui c’est fait, Uribe a gagné la guerre, ou plutôt grâce à  sa politique de modernisation de l’armée, les FARC ont perdu. En lisant cet article je n’ai pas pu m’empêcher de sourire, un de ces sourires qui sort tout seul, mais qui est bien jaune. J’avais presque envie de fermer le journal, à  quoi bon lire ce genre de truc débile…

Oui, les militaires ont récupéré une bonne partie des 180 communes perdues, ils ont repoussé, dans bien des cas, la guérilla dans les entrailles de la jungle. Ils se sont passablement modernisés, et il faut noter ici que ce programme a commencé sous la présidence de Pastrana, et a été poursuivi avec un certain degré de réussite par les gouvernements d’Uribe. La touche plus personnelle d’Uribe est tout le travail qui se fait pour changer l’image des militaires et des forces publiques en général. Chose tout à  fait intelligente lorsqu’on sait que le thème de sécurité est très fortement lié à  la perception. Alors, avoir confiance dans les forces publiques de son pays est une chose fondamentale pour se sentir en sécurité.

Mais revenons à  nos moutons, les FARC auraient-elles perdu?

Il est peut-être nécessaire de revisiter les théories de guérilla pour vite se rendre compte que notre cher analyste fait une erreur grossière en prenant pour preuve de leur échec le mouvement constant des guérilleros. Le problème est que les FARC avaient acquis tellement de pouvoir au début des années 2000 qu’elles ne se comportaient plus comme une guérilla “normale”, mais plus comme une armée régulière.

La fin des négociations en 2002 et la reprise des combats ont petit à  petit forcé les guérilleros à  se replier dans la jungle et les montagnes. Mais d’ici à  croire qu’ils aient été vaincu il y a un bon pas à  faire. Cette tendance est pourtant relativement commune, et pas seulement chez les partisans du président. Un grand nombre d’académiciens ont commencé à  étudier depuis 4 ou 5 ans la situation de post-conflit. C’est même devenu une belle mode dans les universités. Je me souviens très de ma première entrevue dans une uni, où on me faisait gentiment comprendre qu’un autre “gringo” qui venait étudier le conflit cela ne les intéressaient pas, par contre pour toute la partie analyse comparative de situation de post-conflit ils étaient très ouverts…

J’ai été patient et finalement 6 mois plus tard, les mêmes m’ont embauché pour une recherche sur une nouvelle facette du conflit… et oui il est n’est pas encore fini.

Je conclurais avec un vieux dicton: “vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué n’a jamais été un bon négoce”. Dans ce cas, surveiller ses arrières ne serait pas un mal, surtout lorsqu’on sait que même les paramilitaires se reforment. Ils seraient déjà  5000 selon Mancuso, sans parler de tous ceux qui ne se sont jamais démobilisés.
Construire et penser la paix depuis Bogotà¡ est finalement très facile, depuis le Putumayo, Buenaventura ou El Chocà³ c’est sûrement moins simple.

Fin d’une époque…

Fidel disparaît petit à  petit et ses premiers admirateurs aussi.

En voici un. Ce petit vieux, qui a maintenant la maladie d’Alzheimer, est arrivé à  Cuba une semaine après la révolution et il a improvisé cette chanson sur la place publique. Pour la peine il a été invité par Fidel à  l’accompagner lors d’une tournée de l’île. Pas sûr qu’ils soient capables de le refaire (ni l’un ni l’autre) mais ils gardent la même foi …

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J’ai filmé cet extrait à  la fête du théâtre de la Candelaria.

St Valentin, une journée de repos?

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La Saint Valentin a toujours été un jour qui n’a jamais rien symbolisé pour moi. Lorsqu’on vivait en Europe, en bon râleur je critiquais le côté mercantile de cette journée, argumentant, pour ne pas passer pour un naze, qu’il n’y avait pas de jour pour faire des cadeaux à  son amour. L’idée étant de lui offrir des fleurs la veille et le lendemain. Ma rengaine a traversé l’océan avec moi, sauf que cette fois le côté mercantile de la chose me semble plus positif, car la Colombie est un des grands exportateurs de fleurs. Donc depuis quelques temps les travailleurs exploités se sont fait encore plus exploiter et les entrepreneurs affichent un grand sourire.

De plus il existe ici une vague de volonté pour fêter cette journée alors j’imagine que c’est un jour de pause pour les femmes. En Colombie la situation de la femme n’est pas la plus paisible: une femme par jour meure de mort violente. Chiffre en augmentation ces dernières années. Tout aussi horrible, le PNUD estime qu’entre 60% et 70% des femmes colombiennes ont souffert d’un type de violation.

Alors finalement si la journée de la Saint Valentin est une journée de congé pour ces dames, je vais commencer à  la fêter !!!

Maru

Ce texte est la suite du quatrième épisode et la fin d’une série titrée “Un regard sur la prostitution en Colombie: Maru, princesse du quartier Santa Fe à  Bogotà¡â€ écrit par Sablebel. Je tiens à  présicer que c’est rélllement l’histoire de Maru, et qu’elle a insisté pour qu’on utilise son vrai nom par envie de faire connaître son histoire. Histoire qui se répète relativement fréquemment…

“J’étais une pute mais je suis la preuve que l’on n’est pas condamné à  l’humiliation”

Elle reprend son travail d’hôtesse là  où elle l’avait laissé, dans un bordel voisin du club “La Piscine“, véritable institution de la débauche à  Bogota. C’est pour elle le réapprentissage d’un rythme infernal alcool, bazuco, travail sexuel. Au bout de quelques mois, elle fait cependant la rencontre d’une association de la zone, qui travaille auprès des habitants de rue et des personnes prostituées, et qui lui propose de collaborer avec elle sur certaines de ses activités de prévention. Exténuée par l’incandescence dans laquelle son existence se consume à  feu doux, Maru se sent véritablement investie d’une responsabilité vis-à -vis de ses soeurs dans le quartier, surtout vis-à -vis des plus jeunes qui y débarquent chaque semaine, ces gamines qui pour certaines ont à  peine l’âge de ses filles restées à  Medellin.

Elle commence à  s’engager activement dans les activités de prévention autour du VIH, de la réduction de la toxicomanie dans la zone, elle entreprend d’organiser les prostituées de la zone pour faire valoir leurs droits vis-à -vis des pouvoirs publics, des patrons d’établissements, des clients… Elle reprend aussi le chemin de l’école tous les matins, après ses nuits à  rallonge au tapin, dans un programme gouvernemental de formation pour adultes, où elle finit par obtenir son bachillerato, baccalauréat colombien. Au bout de quelques mois de collaboration informelle sur le terrain, l’association finit par lui proposer un emploi de coordinatrice des activités de mise en réseau dans la zone, une aubaine pour cette figure emblématique du quartier, connue de tous, des prostituées, des clients, de la police, mais surtout des différentes institutions publiques et privées qui y travaillent autour de la réduction des risques.

Cette emploi va permettre à  Maru d’envisager pour la première fois une véritable alternative à  la prostitution, concrète celle là , pas la poudre aux yeux des châteaux en Espagne. Pendant 3 ans, elle va y consacrer toute son énergie, tentant de prouver autour d’elle qu’il est possible de rompre cette dynamique vicieuse et avec les dérives qui l’accompagne. Elle va mobiliser, informer, rassembler, témoigner au quotidien de son expérience pour matérialiser aux yeux des autres frangines, des travestis, des habitants de rue, la possibilité de se reconstruire personnellement. “Moi aussi, j’étais une pute mais je suis la preuve que l’on n’est pas condamné à  l’humiliation” comme elle aime à  le répéter fièrement à  celles qui sont encore de l’autre côté du trottoir. Dans l’association Maru va également connaître l’amour, le vrai, pour la première fois, à  44 ans, après avoir été la demoiselle de déshonneur de tant d’hommes pendant 5 années. Elle va apprendre à  construire des projets à  deux, se rapprocher de ses filles à  grand coup de confessions et de dialogue pour regagner peu à  peu ses galons de mère de famille.

Nouveau départ…

Après ces 3 années à  écumer les rues du quartier au service des autres, Maru a décidé d’aller reconstruire sa vie de famille au Venezuela, là  où ses deux ainées se sont installées avec leurs maris. Elle va y emmener sa fille cadette de 18 ans, pour rattraper les années perdues ensemble, la voir grandir enfin. Là -bas, en famille, ils vont monter un commerce de nourriture colombienne à  destination de la diaspora établie en nombre de l’autre côté de la frontière. Un projet qui angoisse déjà  Maru mais qui signifie pour elle qu’une page s’est tournée, qu’une nouvelle vie commence, enfin.

Ce 31 janvier 2007, elle quittera [a quitté] Bogota, elle laissera derrière elle cette énergie incroyable, le témoignage d’une femme de caractère qui a réussi à  se défaire des griffes du quartier Santa Fé, qui est parvenue à  accepter dignement son passé et à  le transformer en un exemple à  suivre pour les trop nombreuses “soeurs” qui resteront ici. Ce soir là  les phares blancs des taxis reprendront leur ballet régulier, déchirant d’un éclair la nuit glauque et pesante. Les anonymes d’une nuit partiront un à  un au bras des femmes vagabondes, monnayer en silence leurs plaisirs éphémères.

Texte complet