Case prison, case départ

Ce texte est la suite du troisième épisode d’une série titrée “Un regard sur la prostitution en Colombie: Maru, princesse du quartier Santa Fe à  Bogotà¡â€ écrit par Sablebel.

Alors le patron bienveillant lui propose un nouvel “emploi”, pour la récompenser qu’il dit, en Allemagne cette fois. Le réseau est bien implanté, il recycle les travailleuses sexuelles d’un pays à  l’autre, s’échange des “africaines” contre des “latinos”, au gré des envies des clients, de la tendance d’un marché du sexe en plein essor et en pleine diversification sur le Vieux Continent. Maru débarque donc en Allemagne avec 2000 euros en liquide dans sa valise, de quoi entrevoir une certaine stabilité pour l’avenir. Elle reprend le chemin du bordel dès son arrivée à  Frankfurt, accompagnée d’une de ses “soeurs”, comme elle nomme affectueusement ses compagnes de galère.

L’aventure tourne court. Après seulement 25 jours de service, la police locale débarque dans le bordel où elle exerce. Ils embarquent toutes les personnes en situation irrégulière comme elle, c’est-à -dire à  peu près toutes les étrangères établies ici sans papiers valables : filles de l’Est, africaines, latino-américaines. Direction la prison fédérale. Maru va y côtoyer d’autres étrangères pour qui l’aventure s’est terminée brutalement dans des conditions similaires. Jugée en comparution immédiate, elle hérite d’1 mois de prison ferme, et est surtout condamnée à  être expulsée manu militari une fois la peine purgée. Elle va donc faire l’expérience de la prison, dans un pays dont elle ignore tout jusqu’à  la langue, et qui vient surtout de mettre à  terre son Eldorado européen. Viol collectif organisé par ses compagnes de cellule lors de sa première nuit, violence physique et morale des toxicos ou anciennes prostituées, trafic de drogue entre gardiennes et détenues, journées de ménage de 8 heures payées 1 dollar pour s’aérer l’esprit et sortir de la cellule, Maru ressort traumatisée de son passage derrière les barreaux. Au mois de juillet 2003, elle est renvoyée par charter chez elle en Colombie, évidemment sans l’argent qu’elle avait amassé, confisqué par les services de police lors de son arrestation. A son arrivée à  l’aéroport de Bogota, elle doit simplement signer une décharge confirmant son expulsion d’Allemagne, qui au passage la prive définitivement de toute obtention future de visa pour l’espace Schengen. Elle repart en taxi vers un improbable avenir. Pour elle pas d’autre issue à  entrevoir pour préparer sa réinsertion rapide en Colombie: elle reprend le chemin des bordels du quartier Santa Fé. 5 mois après, c’est donc le retour à  la case départ.

Fait chaud!

Bogotà¡, depuis le parc Simon Bolivar

L’actualité française tourne beaucoup autour de l’environnement ces derniers temps. Nicolas Hulot fait signer son pacte à  tout le monde, Chirac tente une sortie onusienne en beauté et l’hiver s’est vraiment fait attendre. L’environnement est (enfin) devenu un thème important pour les médias. C’est bien!

Il nous reste à  espérer que le pacte Hulot serve à  quelque chose, que l’ONU de l’environnement se crée avant que New York soit sous les eaux et qu’on éteigne la tour Eiffel plus que 5 minutes.

A Bogotà¡ on a aussi droit à  la semaine environnement: El Tiempo a mis en ligne pendant une semaine un “dossier” qui ne disait rien mais qui montrait une photo d’un iceberg avec deux gros ours blanc à  la dérive… cela voulait tout dire, mais au moins ils en ont parlé. Il faut dire que les gens commencent à  se préoccuper. On a droit à  des températures record en ville, les cultures sèchent et de nombreux d’incendies ravagent le pays. Au jour d’aujourd’hui 13′000 hectares ont brulé, et comme le dit le ministre de l’environnement le gros problème c’est qu’on est pas du tout équipé. En matière de lutte contre le feu la Colombie a 40 ans de retard.

C’est maintenant qu’une petite aide du grand voisin du nord sera la bienvenue, pour une fois Uribe pourrait demander autre chose que des armes…

Le plus triste de l’histoire est que depuis deux mois j’étais super content, je pouvais enfin profiter de la ville avec du soleil. Cela faisait un an et demi que j’attendais ça. Errer dans le parc Simon Bolivar, véritable poumon au milieu de la ville (un peu comme Central Park à  New York), était un véritable plaisir. Maintenant ça sent le brûlé.

Uribe pète un plomb!

Après 5 ans de pouvoir le cerveau d’Uribe est en surchauffe.

Depuis le début du scandale de la para-politique, on a vu quelques fois le Président intervenir, mais pas d’une manière très régulière. Cependant plus le scandale s’approche de lui plus ses déclarations sont fréquentes, et surtout moins intelligentes.

L’opposition et la justice ont continué à  révéler les liens de nombreux politiciens avec les paramilitaires. Le scandale, devenu presque normal, continue son chemin. Plusieurs massacres ont été élucidés, certains militaires ont été destitués et la famille du président a été mise en cause.

Le sénateur Petro a pourtant précisé que selon les sources qu’il possédait le Président n’était pas mis en cause. C’est son frère qui aurait eu à  faire avec les paramilitaires, pour ne pas dire que s’en était un. Petro, qui vit avec des gardes du corps en permanence, a mis sa famille à  l’abri suite à  de nombreuses menaces. Il ajoute que le Président ne favorise pas la découverte de la vérité en ne parlant pas du véritable problème.

La réponse du Président a été comme à  son habitude sèche et agressive. Il attaque l’opposition, l’accusant d’être composée de guérilleros ou de terroristes en civil.

Sa stratégie est l’attaque, et cette fois l’attaque s’est transformée en insulte. Il accuse par exemple Gaviria (président du parti de l’opposition) d’avoir toujours eu des relations avec la guérilla, Petro d’être un assassin et Navarro d’être un irresponsable… tout a été diffusé en direct à  la radio où Uribe avait téléphoné pour se défouler.

Très digne le Président…

Gaviria a demandé un examen psychiatrique parce qu’il se fait du souci pour le pays: quelques heures après sa crise de nerfs Uribe avait rendez-vous avec Ban Kim Moon.

Navarro a répondu que cela ne l’étonnait pas du Président, qui, selon lui est à  moitié un gamin de la rue.

Oui, c’est sûr, le débat vole haut, et le Président a sa large part de responsabilité.

Que dire pour sa défense … il est fatigué, il travaille beaucoup … oui c’est vrai. Il faudrait même qu’il pense à  prendre une semaine de vacances car ce n’est pas vraiment le moment de craquer. La situation pourrait être bien pire pour tout le monde.

Alors comme dirait certain: respire, et si ça suffit pas re-respire!

La tentation du large

Ce texte est la suite du deuxième épisode d’une série titrée “Un regard sur la prostitution en Colombie: Maru, princesse du quartier Santa Fe à  Bogotà¡â€ écrit par Sablebel.

2002 représente un véritable tournant pour elle. Enfin c’est ce qu’elle croit entrevoir. Des “amis” de circonstance lui proposent de se faire la malle pour l’Espagne, pour de bon. Tous frais payés qu’ils disent. Pas besoin de galérer pour les démarches et les papiers qu’ils promettent. Elle aura juste à  travailler pour eux pendant 3 mois à  son arrivée, là  où ils lui ont trouvé du boulot, histoire de rembourser les 15 millions de pesos qu’ils auront déboursés pour elle en avance. Fausses lettres d’accueil, faux contrat de travail, des promesses plein la tête, des projets plein les valises. Le rêve européen est en marche.

L’endroit en question où ils lui ont débusqué un travail, comme ils disent, n’est rien moins qu’un des plus grands bordels de Galice. Une boîte de nuit où se pressent tous les week-ends près de 2500 personnes, discrètement “pris en charge” par environ 250 prostituées venues de tous horizons, principalement d’Amérique Latine, dont environ 70% de colombiennes, mais aussi d’Europe de l’Est pour la touche exotique sans doute.

La filière est grossière, comme dans la plupart des pays d’Amérique Latine me direz-vous, là  où les colombiennes viennent chaque année gonfler les rangs des “filles de joie” payées sèchement. La chair de latino est également particulièrement appréciée de ce côté de l’Atlantique. Maru y découvre la violence et les propositions indécentes de clients persuadés d’être dans leur bon droit, elle y apprend les cadences infernales, près de 40 passes par nuit, pour rembourser sa dette dans les 3 mois impartis. Une pression insupportable de la part des “amis” colombiens établis ici pour contrôler le bout de la filière.

Les filles sont logées dans des hébergements collectifs. Pas de bon de sortie, elles doivent rester cachées pendant 3 mois à  l’abri des regards, surtout si elles veulent rêver à  de nouvelles alternatives une fois les 3 mois écoulés et la quille en poche. Et pas question de s’échapper entre-temps, la filière n’a quand même pas oublié de prendre les contacts de leurs familles restées en Colombie, au cas où. Au bout des 3 mois, Maru s’est bien débrouillée, très bien même, son patron est même fier d’elle, c’est une des premières à  avoir remboursé sa dette aussi rapidement. Il faut dire qu’elle plait aux hommes, elle sait s’y prendre en amour paraît-il, de quoi les faire revenir d’une semaine sur l’autre. Alors ils lui donnent son bon de sortie. Mais après avoir goûté à  des salaires européens rapidement gagnés, difficile de revenir dans le civil, payée au lance-pierre.

Maru ou le destin d’une prostituée ordinaire

Ce texte est la suite du premier épisode d’une série titrée “Un regard sur la prostitution en Colombie: Maru, princesse du quartier Santa Fe à  Bogotà¡â€ écrit par Sablebel.

Dans le quartier Santa Fé tout le monde la connaît Maru. Tout le monde la reconnaît même. Faut dire qu’avec son visage grossièrement maquillé et son sourire “courant d’air” à  effrayer un vol d’étourneaux, on peut difficilement la manquer dans la zone. Faut dire aussi qu’elle le connaît bien ce quartier, son jardin comme elle dit, puisqu’elle y a exercé la prostitution pendant plus de 5 ans.

35 ans, originaire de Medellin, Maria-Eugenia de son vrai nom, monte à  la capitale pour y trouver du boulot à  la fin des années 90. Séparée de ses compagnons respectifs, elle en a toutefois hérité de 3 filles, restées à  Medellin dans l’attente des dividendes du travail de leur mère à  Bogota. Eblouie par les sirènes de la ville comme tant d’autres provinciaux venus ici pour se faire une situation, Maru se retrouve pourtant rapidement entre les mains de la pègre locale, particulièrement ancrée dans le quartier Santa Fé. Pression familiale et peur de l’échec la conduisent rapidement à  accepter un poste “d’hôtesse” dans un des plus célèbres établissements de nuit du quartier Santa Fé, travail synonyme d’argent facile et plutôt rapidement gagné, de quoi rassurer la famille restée en province. Le travail d’une hôtesse, au-delà  du politiquement correct qui consiste à  nommer hôtesse toute personne de sexe féminin enfermée dans un espace restreint avec l’obligation d’afficher un sourire à  une clientèle insupportable (cf. “hôtesse de caisse”, “hôtesse de l’air”, “hôtesse d’accueil”…), dans un contexte de bar de nuit, consiste tout simplement à  aguicher les bovins venus se détendre en troupeau. Il se résume à  leur exhiber innocemment des atouts naturels ou plastifiés, en gros ce à  quoi ils auront droit une fois qu’ils se seront acquittés d’une somme rondelette au bar et qu’ils auront payé la note concernant le recours aux services de ladite hôtesse.

Maru va donc rester 5 ans au contact de ce milieu, sans que sa famille ne soit au courant de ses activités, de son rythme décalé et malsain, de l’Aguardiente qu’elle doit s’envoyer tous les soirs pour divertir les clients, des humiliations auxquelles elle est régulièrement contrainte par des hommes de passage trop souvent éméchés. Elle se contente d’envoyer chaque mois une partie des revenus importants qu’elle parvient à  amasser et subit en silence.

Journée sans voiture

Journée sans voiture (El tiempo)Aujourd’hui Bogotà¡ est une ville sans voiture. Enfin presque, car il y a quand même 40’000 taxis et 14’000 bus. Le trafic est plus fluide et la pollution diminue de plus de la moitié. La seule chose qui ne change pas c’est le bruit immonde de ces bus pourri. Le transmilenio fonctionne parfaitement mais le réseau est loin d’être complet alors il existe toujours une quantité énorme de petits bus qui tombent en ruine, polluent un max (le jour où ils ont fait grève la pollution à  aussi diminué de moitié) et conduisent n’importe comment.

Aujourd’hui c’est un peu “leur journée”, c’est triste à  dire mais en fin de compte les chauffeurs de bus sont bien content, ils peuvent même faire des course entre eux. L’invention de la journée sans voiture n’a bien sûr pas ce but et chaque année le débat autour de cette journée fait rage. Les détracteurs parlent des pertes économiques soit disant immense et du transmi encore plus plein que plein. Mais cette journée a été décidé par référendum en 2000 et finalement améliore la vie de 75% de la population, alors profitons pour sortir nos vélos!