Les para-bananes

para-bananeOui, depuis quelques temps on invente plein de nouveaux mots en Colombie. Après les paramilitaires, la para-politique, la para-manifestation, la para-telenovela, le para-football voici la para-banane!
Qu’est-ce que c’est? Facile, une entreprise de production de bananes qui s’est lancé dans la production de paramilitaires.

Depuis la création des AUC en 1997, la multinationale étasunienne a commencé à  financer le groupe illégal. Plusieurs centaines de versements ont été effectués, représentant au final la modique somme de 1,7 million de dollars.

Banadex, la filiale de Chiquita en Colombie est devenue le premier contributeur des paramilitaires, avec l’accord du siège à  New York. Mais, comme si cela ne suffisait pas, elle a aussi participé à  l’armement de ce groupe. En novembre 2001 elle procède à  la livraison de 3400 fusils AK 47 et 4 millions de cartouches. Selon Castaà±o (chef des AUC, aujourd’hui mort) c’était leur meilleur coup. Le tout a pu se réaliser à  grand coup de corruption des fonctionnaires locaux.

L’entreprise se défend en disant que c’était pour sa protection et celle de ses employés. Pourtant la région d’implantation de la firme a été le théâtre de massacres et d’assassinats perpétrés par les paramilitaires, même parmi les employés de Chiquita… sûrement des contestataires.
Malgré le classement en 2001 par les Etats-Unis des AUC comme organisation terroriste, l’entreprise va continuer les versements se rendant coupable de crime fédéral.

C’est finalement pour cette raison que l’entreprise sera jugée aux Etats-Unis, et non en Colombie, où on est toujours pas prêt à  enquêter sur la responsabilité du secteur privé dans le conflit.

En 2003 l’enquête contre Chiquita commence, principalement grâce à  deux journalistes colombien et étasunien. Comme par hasard peu de temps de temps après Chiquita vend Banadex, sa filiale colombienne à  Banacol. Mais elle aussi est soupçonnée de financer les groupes illégaux.

Chiquita s’en sort avec une amende de 25 millions de dollars, pour l’instant. Ce cas n’est bien sûr pas isolé, mais c’est le premier jugement. Il faut maintenant espérer que la justice colombienne se lance dans la brèche ouverte par les Etats-Unis et ouvre des enquêtes sur la responsabilité du secteur privé.

On pourrait alors inventer des nouveaux mots: para-entreprise, para-impresario, voir même para-PDG…

Une belle leçon

Même si l’actualité du jour n’est pas à  la visite de l’Allemagne mais à  celle de Bill Gates, je voulais revenir sur un point qui m’a semblé intéressant.

Sans entrer dans les détails du contenu de la visite, la comparaison de la forme de sa visite avec celle du président Bush est assez parlante. Bien sûr ce n’est pas comparable, les menaces ne sont pas les mêmes, les intérêts non plus, pourtant…

Bush a fait fermer la moitié de la ville, il n’a mis le nez dehors que lorsqu’il était dans l’enceinte du palais présidentiel, son carrosse était tellement blindé qu’il aurait même résisté à  une attaque nucléaire. Il est resté à  peine 6 heures sur le territoire.

Finalement sa visite ne laisse qu’une trace, celle de la sécurité.

Avec Mr Koehler c’était tout l’inverse. Non seulement la ville a fonctionné normalement, il est resté plusieurs jours, mais en plus il a été se promener dans les quartiers du centre, visiter l’ institut Goethe etc. Plusieurs impresarios ont fait le voyage avec lui, tranquille, venant faire des affaires d’une manière tout à  fait normale. Mais, et ça c’est la cerise sur le gâteau, il a parlé de développement, d’environnement, de responsabilité sociale… tout ça en soutenant certains efforts du président Uribe. Fait vraiment intéressant, pour une fois quelqu’un reconnait un certain mérite au président, en critiquant (de manière douce) une partie de son programme. Tout n’est pas blanc, ni noir, le manichéisme de Bush n’est pas la solution… celui de la France (par rapport à  la Colombie) ne l’est pas non plus!

Merci Mr Koehler.

Ouf, il est parti

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21 mille policiers, les services du DAS, l’armée, la CIA, le FBI, la moitié de ville fermée… et quelques centaines de casseurs. Fabuleux le dimanche, sans oublier la ley secca: vente d’alcool interdite, bar et boite de nuit fermé à  partir d’une heure du matin. Bush est venu, ne pas le savoir était impossible.

Ce que est sûr c’est qu’on est content de savoir qu’il est parti, déjà  qu’il a pourri notre week-end* juste pour rester 6 heures et dire deux conneries aux journalistes. imagen-3470232-2.jpgIls avaient le droit de lui poser 4 questions. Deux pour les medias internationaux et deux pour les medias locaux. En plus, il ne peut plus rien décider pour la Colombie, tout est dans les mains du congrès.

Merci, au revoir…ah, important, il a fait le plein de son super avion…

 

*heureusement, on avait anticipé…soirée rhum et karaoké tout droit sorti des philippines. (Comprendra qui voudra)

Bush en Amérique Latine: la Colombie à la loupe

_42538371_070205usabody.jpgLe président Bush entame une tournée en Amérique Latine où il va visiter le Brésil, l’Uruguay, la Colombie, le Guatemala et le Mexique. Il vient faire un tour de courtoisie, parler des inégalités et de la pauvreté. Le changement de rhétorique est flagrant, cela fait 6 ans qu’il ne parle que de lutte anti-terroriste et d’accord économique.

Bush tente dans le social, et bien qu’il se défende de vouloir faire de la concurrence à  Chavez, il est difficile de ne pas voir une petite volonté de récupérer la part de l’influence perdue dans son jardin. Certains ont même appelé son voyage la “tournée anti-Chavez”

Dans un même temps Bush a annoncé une forte diminution de l’aide apportée au continent, les deux dernières années l’apport était de 722 millions de dollars, il a cette fois demandé au congrès 443 millions de dollars. Bien sûr les diminutions touchent les fonds de développement alternatif, l’argent dédié à  la lutte contre le narcotrafic et les guérillas ne diminue pas. Par exemple le Pérou perd 20 millions de dollars d’aide, l’Equateur perd un million, le Brésil passe de 6 à  1 million…

imagen-3462041-1.jpgPour certains analystes, c’est une preuve de plus que le gouvernement de Bush laisse de côté l’Amérique Latine et se concentre au moyen orient. La visite était là  pour faire passer la pilule. Pourtant il est difficile d’imaginer que le gouvernement des Etats-Unis veut vraiment négliger l’Amérique Latine, toutes les négociations autour des différents traités économiques nous disent le contraire. Simplement le budget des USA n’est pas vraiment extensible et l’Amérique Latine n’est pas dans une situation de détresse infinie, au contraire, les résultats économiques sont, dans l’ensemble, plutôt bon.

La Colombie est le seul pays où l’aide ne diminue pas et la visite du président Bush arrive à  un moment critique dans les relations entre les deux pays. Uribe est considéré, à  juste titre, comme le meilleur allié. Cependant depuis que le scandale de la para-politique (le Washington-post parle de para-gate) est entré au congrès des Etats-Unis les déclarations contre le gouvernement colombien se font de plus en plus fréquentes. La présidente du congrès a même réalisé une réunion avec des ONG pour avoir un autre point de vue sur les négociations entre le gouvernement colombien et les paramilitaires. La démission de la ministre des affaires étrangère pour les liens de toutes sa famille avec les paramilitaires n’est pas passé inaperçu. Certains démocrates ont déjà  annoncé que le vote du traité de libre échange se compliquera, de même le Plan Colombie.

Le sous-secrétaire d’Etat des Etats-Unis a même annoncé que son gouvernement serait content si un échange humanitaire avec les FARC avait lieu. Uribe s’y oppose férocement.

La dernière histoire en date est la phrase du vice-ministre du travail colombien, disant que les syndicalistes (menacés de mort) exagèrent en dénonçant leurs menaces, et que ceci promeut la violence et le sang. Cette petite phrase, pourtant très commune ici, n’a pas été au goût du représentant de la Chambre des Etats-Unis, qui a demandé une rectification immédiate. Comme il le dit, c’est typiquement ce genre de déclarations qui nous font douter du respect des droits l’homme en Colombie.

Bogotà¡ sous haute surveillancePourtant le climat entre les deux présidents est toujours bon et leurs discussions ne devraient pas tourner autour des paramilitaires. Alors la visite de Bush en Colombie ne sert pas à  grand-chose. Celui qu’il faut convaincre que le gouvernement colombien n’a rien à  voir avec les paramilitaires c’est le congrès des Etats-Unis pas son président, et cela s’annonce plus compliqué.

Botero: la polémique!

BoteroBotero est sûrement le peintre colombien le plus connu à  travers le monde, et en ce moment il est sujet d’une polémique aux Etats-Unis.
Ce n’est qu’après de nombreuses tentatives qu’il a enfin réussit à  exposer ses dernières créations. Sa nouvelle série arbore les tortures réalisées par les militaires nord-américains dans la prison d’Abu Ghraib en Irak.

Les peintures représentent des hommes dénudés et torturés, et comme toujours chez Botero ce sont des hommes gros. Un certain nombre de critiques se sont alors élevée; tout d’abord certain pense que l’obésité est passée de mode dans l’art ou même qu’elle n’est plus en rapport avec la réalité. Certain vont même jusqu’à  dire qu’en représentant des personnes grosses il y a une volonté de généraliser les actes de tortures à  toute la population des Etats-Unis.

Ensuite pour le Washington post cette exposition est une offense au peuple américain (Nord-américain, merci!). D’autres encore disent que sa peinture s’est vraiment transformée et que maintenant il a perdu de son côté artistique au profit du militantisme politique et social. Il justifie lui même son inspiration du côté politique, disant qu’il a voulu laisser une trace de ses horreurs pour que le monde ne les oublie pas.

Pourtant si on regarde l’histoire de Botero et ses oeuvres, il a toujours représenté des gens gros et il s’est presque toujours inspiré de la réalité, actuelle ou historique. Lorsqu’il peignait des scènes de la guérilla et ses massacres dans les années 50 et 60, on ne lui reprochait pas de représenter des guérilleros dodus… alors qu’on sait très bien qu’à  cette époque il ne mangeait pas bien.

De plus je crois, mais j’avoue que je n’en sais rien, que Botero n’en a que faire de la mode dans l’art. Il a déjà  fait sa place et forgé le respect pour ne pas devoir se soucier de cela.
Et pour conclure il ne me semble pas qu’on puisse critiquer un artiste parce qu’il puise son imagination dans la politique, on pourrait plus facilement ouvrir un débat et critiquer, ou mieux discuter, ses idées si on ne les partage pas.
Mais là  on parle déjà  de démocratie!

D’un mur à l’autre

Après le mur de Berlin, aujourd’hui curiosité historique, le mur Israélien, jugé illégal, voici le mur étasunien… Le congrès US a adopté, le 29 septembre dernier, à  une très large majorité le texte autorisant la construction du mur, et Mr Bush a promulgué mercredi 4 octobre une loi pour le financer.

Alors cette fois c’est sûr, il va exister un mur dans une zone de libre échange! La situation est plutôt cocasse, même si elle ne fait pas du tout rire, l’image est forte, on accepte vos produits pas cher mais pas votre population… elle est pauvre.

Le ministre mexicain des relations extérieures, Luis Ernesto Derbez, a qualifié, dans un langage diplomatique, le projet nord américain d’“offense” aux relations bilatérales. Autant dire que c’est une insulte et les dirigeants d’Amérique Latine le font savoir, plusieurs pays ont rejeté fermement le principe et comme beaucoup le signalent ce n’est pas du tout une solution. Croire que cela va arrêter les migrants est une erreur, c’est faire preuve de naïveté, traverser la frontière sera simplement un peu plus difficile, mais les migrants le tenteront et on va assister à  une augmentation du nombre de mort. Le problème est économique, la différence trop grande entre le Nord et le Sud pousse tous ceux qui peuvent à  migrer.

Plus qu’une séparation physique ce mur symbolise une fois de plus le rejet des démocraties occidentales à  s’attaquer à  la source des problèmes. Elles continuent à  voler les cerveaux des pays qui en ont besoin, ne respectent pas les grands principes qu’elles répandent à  travers les Organisations Internationales et osent encore donner des leçons.

De la même manière nos démocraties se comportent comme des terroristes pour lutter contre le terrorisme, elles comportent comme des dictatures face aux problèmes qu’elles rencontrent, certes elles ont un besoin de se défendre mais elles ont l’obligation d’employer des méthodes distinctes si elles veulent réellement gagner.

Le seul point positif à  la construction de ce mur est l’opportunité qu’il va donner à  mon “artiste-terroriste” préféré pour s’exprimer, comme il l’a fait en Palestine.

Le Conflit Colombien-présentation

Après quelques mois d’existence de ce blog j’ai enfin terminé ce qui me semble important pour comprendre la situation colombienne. Dans les pages j’ai préparé un petit dossier sur le conflit colombien qui reprend, d’une manière assez générale, l’histoire du conflit, les différents acteurs, l’intervention des Etats-Unis et la démobilisation en cour. Le but est de rompre un peu les a priori et les fausses idées communes. Il m’est arrivé plus d’une fois de lire que les FARC étaient encore une gentille guérilla pleine de poésie ou que les AUC étaient un mal nécessaire. De même le gouvernement défini les FARC et l’ELN comme des groupes de sauvages sanguinaires sans foi ni loi.

J’essaye donc à  travers ces quelques textes de montrer le fonctionnement des groupes illégaux, leurs formations et leurs idées. Je parle aussi de l’intervention des Etats-Unis en Amérique Latine et plus spécialement du Plan Colombie, simplement car la politique extérieure étasunienne a une importance fondamentale dans les décisions et actions du gouvernement colombien.

Alors pour celles et ceux qui veulent avoir une idée de la complexité du conflit colombien et à  qui quelques pages de lecture ne font pas trop peur je les invite ici pour un point de départ.