FARC/Uribe/Sarkozy: A quoi jouent-t-ils?

imagen-3580623-1.jpgDepuis une dizaine de jours les nouvelles s’enchaînent, Uribe prépare la libération des guérilléros qui aurait accepté le plan gouvernemental de démobilisation. Les FARC s’entêtent à  dire que les promesses d’Uribe sont un rideau de fumée pour cacher le scandale de la parapolitique, qui a prit des proportions inquiétantes pour la stabilité du gouvernement.

Sarkozy a mis du sien dans l’histoire, il est soi disant en contact régulier avec son homologue colombien, voulant garantir la non-intervention armée des militaires colombien pour sauver les otages. Il cherche aussi à  faciliter les discutions avec la guérilla.

En France les journaux titre à  l’optimiste, une grande avancée vers la libération des otages voire même une grande avancée vers la paix. Cependant au jour d’aujourd’hui il n’existe toujours aucune garantie de la bonne volonté de FARC de suivre ce mouvement de “paix”.

Essayer de comprendre les petits jeux de chacun n’est pas une tâche facile dans l’ambiance régnante. Que cherche Sarkozy? Pourquoi les FARC accepteraient-elles de libérer les otages sans rien y gagner? Pourquoi Uribe a-t-il changé sa stratégie de manière si abrupte?

Pour Sarkozy l’explication des élections à  venir et l’envie de faire la une des journaux comme étant le grand sauveur d’Ingrid Betancourt, et par la même occasion faire mieux que son prédécesseur n’est pas à  négliger. Cependant cette vision s’arrête au court terme, et il ne faut pas oublier que les relations franco-colombiennes sont réduites depuis plusieurs années à  cause de cette histoire. La libération d’Ingrid permettrait le renouement de ces relations. La Colombie est actuellement très attractive pour investir, ce serait dommage pour la France de perdre des opportunité. Sarkozy est sans doute prêt à  plus qu’on ne peut l’imaginer pour terminer avec cette histoire. Imaginer une rançon n’est pas complètement absurde, la France n’en serait pas à  son coup d’essai pour libérer ses citoyens séquestrés.

Uribe est évident intéressé par l’affaire, surtout en cette période où sa crédibilité internationale est remise en question, principalement aux Etats-Unis. Dans ce sens Uribe est en train de réaliser un coup risqué mais majestueux. Son revirement politique est palpable seulement au niveau interne, c’est-à -dire que s’il “perd” il perdra seulement de la crédibilité dans ces rangs. La majorité des Uribistes n’étant favorable à  aucune discussion avec les FARC. Perdre signifie que les FARC refusent de relâcher ne serait-ce qu’une partie des otages, alors qu’il aurait libérer plusieurs centaines de prisonnier. Ce “perdre” ne l’est pas forcément au niveau international, car il démontre au monde une certaine ouverture, un effort vers la paix et une volonté d’avancer, ce qui en surtout Europe est très important. Donc ce “perdre” est en réalité un “gagner moins”.

Quant aux FARC elles se retrouvent coincées, difficile de sortir de ce piège tendu par Uribe. S’ils acceptent de libérer des otages, leur possibilité d’être des “stars” d’un jour avec une zone démilitarisé est fichue. Pire encore s’ils refusent, car ils perdraient de la crédibilité en France et probablement en Europe, se reléguant au vulgaire statut d’organisation terroriste avec qui il est impossible discuter. Une brève application de la théorie de jeu nous dirait que les FARC vont relâcher une partie des otages, pour “perdre moins”. Fait qu’ils devraient nier jusqu’au dernier moment pour tenter de décrédibiliser Uribe, espérant qu’il fasse marche arrière.

Uribe sortirai alors grand vainqueur, ouvrant la porte à  une négociation plus ample et Sarkozy serait le sauveur de Jeanne d’arc. La seule véritable perdante est la justice colombienne, Uribe lui passant par dessus sans grande préoccupation. Le pouvoir du politique, qui dans certain cas bien particulier, s’avère nécessaire pour l’avancée d’un pays.

Les Farc et Sarko à la une!

Raul Reyes, porte-paroles de FARCAujourd’hui j’avais envie de parler d’autre chose, voir un peu les fonds de tiroir et sortir une vieille anecdote, une photo pourrie ou même vous raconter l’histoire de la sangria espagnole version colombienne… un vrai régal.

Bin non, hier les journaux étrangers (non colombiens) parlent de ça à  tout va, j’ai même reçu des mails pour savoir ce que j’en pensais… et là  je me suis dis merde. Je pense rien!

Le pire, en fin de compte c’est que c’est presque vrai. Les FARC proposent la même chose qu’il y a 6 mois, c’est à  dire une zone démilitarisée, ce que Uribe n’est pas près d’accepter. Uribe, quant à  lui, a proposé il y a peu de temps de libérer les FARC en prison de manière unilatérale.

D’un côté comme de l’autre ce sont des coups médiatiques, Uribe est un fan des sorties spectaculaires, et ça marche, sa popularité est toujours très élevée. Quant aux FARC, ils cherchent désespérément à  l’extérieur ce qu’ils ne trouveront plus à  l’intérieur. C’est à  dire de la reconnaissance. Alors Sarko est nouveau, il a tout promis à  tout le monde, les FARC le voient comme quelqu’un qui a de l’influence en Europe et dans l’Union Européenne. Ils auraient très envie que la négociation ait lieu, qu’on leur retire ce statut d’organisation terroriste qui les empêche d’avoir des liens avec des ONG européenne de manière officielle… Bref ils recherchent un peu de visibilité.

Que peut faire Sarko … grande question, moi je dirais qu’il doit être bien emmerdé. Si son but est de renouer de manière forte les relations franco-colombienne il ne fera rien qui va à  l’encontre d’Uribe et cherchera plus les relations économique entre les deux pays. Rappelons que la colombie est actuellement considérée comme un des pays en développement les plus attirant pour investir… (affaire à  suivre car depuis un petit mois plusieurs commencent à  se préoccuper de la surchauffe économique).

Sinon le cas Ingrid, c’est un peu l’épine dans le pied des relations franco-colombienne… un échange rapide entre Uribe et les FARC serait le mieux, un truc vite fait et discret, cela assurerai la survie des otages.. mais pour les deux cela veut dire un effort, Uribe doit accepter une petite zone démilitarisé, et les FARC accepter que ça se fasse sans télé … Uribe vient d’accepter l’idée que la France envoie un émissaire pour discuter avec les FARC, on va surement avoir d’ici 2 semaines une proposition d’échange, Uribe va faire mine d’accepter … et là  soit une bombe pète dans l’école de guerre à  Bogotà¡ comme il y a six mois… soit l’échange se fait vite fait comme si de rien était… mais cela ne va pas être facile ni pour Uribe et ni pour les FARC de penser aux otages sans vouloir gagner quelque chose…

Coup bas à la justice Colombienne

Uribe a annoncé hier qu’il voulait donner quelques avantages aux para-politiciens enfermé depuis quelques temps. Le week-end dernier l’Espectador préparait le terrain en nous disant que les pauvres petits étaient en pleine déprime dans leur prison. Snif…

Uribe, bon homme qu’il est, il a surement été touché par les témoignages de tous ces congressistes … qui le soutienne rappelons le!

En deux mots, Mr le président veut amnistier les truands qui ont financé, soutenu, appuyé les paramilitaires ou encore été soutenu par ces même monstres… Les seuls qui resteraient enfermés serait ceux qui ont participé (d’une manière ou d’une autre) à  des “délits atroces”. Il s’invente une sorte de Ley de Justicia y Paz où les corrompus avec les paramilitaires bénéficieraient de la liberté en échange de la vérité…

Un cas flagrant d’abus de pouvoir, de copinage et d’acceptation du pouvoir paramilitaire. Comme le dit si bien “Colombia Hoy“, la plus vieille démocratie d’Amérique [latine] s’éloigne à  grand pas de l’Etat de Droit… c’est clair, Uribe a dû oublier ce que c’était la séparation des pouvoirs et l’institutionnalité.

Encore un élément qui va plaire aux démocrates ricains… c’est sûr!

Mancuso accuse

mancuso.jpgMancuso est un paramilitaire, un seigneur de guerre, un assassin responsable de plusieurs massacres de civils… Le monsieur s’est démobilisé grâce à  la fameuse Ley de Justicia y Paz et depuis une semaine il participe à  la phase “vérité” où il raconte les petites histoire qu’il veut bien raconter. De cette manière il purgera quelques petites années (8 ans maximum) dans une pseudo prison avant de retrouver la liberté et toutes ses richesses. Ayant déjà  discuté de l’intérêt de “justice transitionnelle” à  la sauce colombienne et de ses problèmes je ne reviendrais pas trop dessus, sinon pour dire qu’une grande partie des craintes exprimées par la “société civile” s’avère réelle. Non seulement la justice n’a pas le temps ni les moyens de faire les enquêtes nécessaires pour trouver la vérité. Mettre un nom et une histoire sur chaque morts découverts (plus de 10 mille) dans les fosses communes est un travail de plusieurs années.
De plus l’Etat n’est pas capable d’assurer la protection des victimes qui voudraient témoigner ou simplement participer aux séances. Il existe plusieurs cas d’assassinats des défenseurs des victimes ces derniers temps. Plusieurs autres victimes ont du fuir (pour la combientième fois?) leur région pour survivre. Le système mis en place pose tellement de problème que même le fiscal responsable de l’application a dit a plusieurs reprises que s’il avait su que c’était lui qui devrait appliquer cette loi, il ne l’aurait pas écrite comme ça, et que les moyens mis à  disposition sont absolument ridicule.
Cette justice transitionnelle ne transite vers rien de nouveau, de soi-disant “nouveaux” groupes de paramilitaires se sont recréé, qui ne sont en réalité que du réchauffé des anciens groupes, ressortant les armes des caves et des petits chefs qui ont grandi. Les anciens “grand chef” comme Mancuso raconte tranquillement comme ils ont fait. Extrapoler leurs discours pour savoir comment les “nouveaux” sont en train de faire est d’une simplicité effrayante.
En fin de compte l’intérêt de cette transition n’est pas seulement de connaitre une vérité partielle sinon d’apprendre à  lutter contre les associations de malfaiteurs et les mécanismes de la mafia “paramilitaire”.
Selon cette idée les accusations de Mancuso sont intéressantes, même si elles sont à  prendre avec des pincettes, il est difficile de croire qu’un type comme lui veuille du bien à  la patrie du jour au lendemain. Il a notamment expliqué, en partie, la coopération des entreprises et des multinationales avec les paramilitaires. Il mentionne Postobon et Bavaria (2 entreprises colombiennes) mais aussi Chiquita, Dole et Del Monte, 3 géants de la banane. Dans l’ensemble cela ressemble à  un impôt de guerre où les entreprises n’ont pas forcément eu le choix. Contrairement au cas de Chiquita qui est clairement une aide volontaire et un soutient à  la création de groupes illégaux. Après la question éthique est évidente, une entreprise X ne pourrait-elle pas refuser l’impôt de guerre et ne pas travailler dans les zones à  risque, quitte à  perdre un peu de bénéfice?
Des entreprises d’extractions de charbon sont aussi en cause, Drummond (USA) est citée pour avoir commanditée des assassinats de syndicalistes.
La semaine a été largement pimentée par les déclarations de Mancuso, le gouvernement s’est vu une fois de plus accusé directement de collaboration avec les paramilitaires. Le Vice Président aurait, selon Mancuso, demandé une participation des paras à  Bogotà¡. Le ministre de la défense aurait quant à  lui participer à  plusieurs réunions avec les paras.
Une fois de plus Uribe est sorti pour crier au mensonge, pour assurer que ses hommes sont propres et de confiance. Garantir que son gouvernement ne cherche que le bonheur de la Colombie etc. Le message devient répétitif, et à  force il perd du poids. Aux Etats-Unis la Colombie commencer déjà  à  payer les “bourdes” funestes des membres d’un gouvernement considéré trop proche des fosses communes…

Uribe, Sarkozy deux petits présidents

C’est fait, Sarko a téléphoné à  Uribe :
– Salut, bon on a un problème à  régler vite fait là .
– Ah oui quoi ?
– Ben Ingrid, bon dieu
– Ah, c’est vrai j’avais oublié…
– Ouais parce que si elle encore dans la jungle je peux rien faire pour vous
– Certes… je vais y remédier… (( ce dialoque est une pure invention de ma part… ))
Le résultat du coup de fil est immédiat, Uribe demande à  l’état major colombien une intervention militaire …

ici il n’y a pas de petit jeu, il n’y a pas de zone démilitarisée, ces bandits peuvent oublier une zone démilitarisée

Les FARC ont refusé il y a quelques jours la proposition d’Uribe de relâcher de manière unilatérale les guérilléros en prison … espérant un geste équivalent de la part des “bandits”
Pendant ce temps capitaine Sarko recevait les enfants de Madame Betancourt, leur promettant qu’il ferait tout son possible.
En gros pas grand-chose… je crois même qu’il va rien faire… Par contre on peut plus facilement imaginer une coopération dans l’autre sens. Capitaine Sarko qui viendrait prendre des cours de Sécurité Démocratique… à‡a donnerai un truc du genre: ici il n’y a pas de petit jeu, il n’y a pas de banlieue, cette “racaille” peut oublier les banlieues … le nettoyage est garanti par la marque Karcher (bien sûr).

Note de l’auteur: désolé pour mon manque de sérieux, mais il le fallait, je viens de corriger 50 copies… et on dirait que les Etudiants sont des vraies machines à  écrire des conneries:

Le congrès du Vietnam en 1814 pour mettre fin à  la première guerre mondiale
L’Onu, composé de 5 membres …
Hitler pendant la révolution française
Etc. etc.

Les FARC dans l’ombre

Secratariat des FARCDepuis quelques temps l’actualité en Colombie est largement retournée à  l’avancement du conflit, une certaine préoccupation refait petit à  petit surface.

Uribe avait annoncé qu’il terminerait en 4 ans avec la guérilla. Après 4 ans il disait qu’il avait beaucoup avancé mais qu’il manquait encore quelques petits trucs à  régler. Il s’est donc fait réélire.

Face à  la menace et à  la guerre menée par le gouvernement lui-même soutenu par les Etats-Unis, la guérilla recule. Une raison stratégique très simple. Depuis le début du Plan Colombie l’armée s’est dotée d’hélicoptère Black Hawk ce qui lui a permis de gagner en mobilité et en force de frappe. L’armée reprend alors le dessus lors des affrontements contre la guérilla, qui avait réussi à  la fin des années 90 à  passer à  une guerre de position. Chose extrêmement rare pour une guérilla.

Uribe, reprenant les rennes après Pastrana continue la reforme en profondeur de l’armée et à  grand coup publicitaire augmente sensiblement la sécurité dans le pays.

La partie publicitaire a autant d’importance que le renforcement de l’armée. En terme de sécurité la sensation de la population est aussi importante que la réalité, voire même plus sur le court terme, car les gens ressortent et reprennent le contrôle des espaces publics, le rendant plus sûr de fait.

La guérilla, à  nouveau en infériorité face à  l’armée, se replie, après avoir vaguement tenté le combat. Le repli est totalement stratégique, elle quitte ses zones d’influences traditionnelles activement attaquées par l’armée pour se réfugier vers les frontières (Venezuela et Equateur) et vers la mer (océan Pacifique et mer Caraïbes). Les raisons sont évidentes, cela facilite énormément ses exportations de drogues et les frontières lui permettent de se réfugier en pays voisin, plus ou moins consentant.Uribe

Finalement le résultat à  été un déplacement de la guérilla et son changement de stratégie. Elle a repris ses activités de guérilla “traditionnelle” (sabotage, petites attaques avec 4-5 guérilleros etc.) suivant la stratégie du foco développé par Ernesto Che Guevara.

Mais la guérilla est encore bien vivante. Les FARC se sont même donné le luxe dernièrement de réaliser leur 9e conférence générale, la dernière a eu lieu en 1993. Il est possible que le secrétariat général de cette organisation n’ait pas pu se réunir physiquement, mais par internet. Une bonne vidéo conférence depuis la jungle …

En tout cas le message est fort, ils préparent leur plan pour les quatre années à  venir. Ils veulent lancer une grande offensive à  la fin du mandat d’Uribe, histoire de lui dire au revoir. Pour cela ils planifient une diversification financière, voulant récolter plus de fond de l’extorsion. Jusque là  c’était plutôt le business de l’ELN, simplement depuis quelques temps ils ne sont plus vraiment en bon terme et une guerre fait rage entre les deux guérillas. On compterait plus de 600 morts entre les deux mais surtout un nombre très élevé de réfugiés, beaucoup partant au Venezuela. De plus l’ELN est en train de négocier sa sortie avec le gouvernement. Un espace serait donc libre pour les FARC.

Un autre point qui me semble important à  relever, est que les FARC cherchent à  combler leur faiblesse militaire. Lors du dernier combat majeur entre l’armée et la guérilla certains tirs de ce qui pouvait ressembler à  des bazookas artisanaux ont été effectués, visant les hélicoptères. De plus, selon certaines sources, les FARC seraient en contact avec certains groupes des pays de l’Europe de l’Est pour acheter des missiles terre-air… Chose qui représente un réel danger pour les forces armées.

Uribe a fait un premier pas lors des ses quatre premières années de pouvoir, il a su utiliser les ressources de l’armée et une bonne stratégie de communication, le problème est qu’une bonne politique de sécurité doit évoluer après 5 ou 6 ans de fonctionnement. Les truands, brigands, terroristes ou guérilleros s’adaptent bien plus vite que les armées à  tout changement.

Les déficiences de la politique de Sécurité Démocratique commencent à  apparaître, et la plus grande erreur d’Uribe, et pour ça j’ai toujours été contre sa réélection, est qu’il n’a pas profité de la situation de sécurité passagère pour construire la paix, la vraie, la paix sociale. Cette paix qui se construit à  travers les générations, mais qui est réelle. Il a préféré et préfère encore le populisme avec ses “conseils communautaires”, largement comparables aux “Allo président” du voisin Chavez.

Les FARC sont mortes?

Ce matin dans le journal officiel, un fidèle disciple s’emballe légèrement. Il titre sa tribune libre “signaux de fin“, faisant référence au conflit. Pour lui c’est fait, Uribe a gagné la guerre, ou plutôt grâce à  sa politique de modernisation de l’armée, les FARC ont perdu. En lisant cet article je n’ai pas pu m’empêcher de sourire, un de ces sourires qui sort tout seul, mais qui est bien jaune. J’avais presque envie de fermer le journal, à  quoi bon lire ce genre de truc débile…

Oui, les militaires ont récupéré une bonne partie des 180 communes perdues, ils ont repoussé, dans bien des cas, la guérilla dans les entrailles de la jungle. Ils se sont passablement modernisés, et il faut noter ici que ce programme a commencé sous la présidence de Pastrana, et a été poursuivi avec un certain degré de réussite par les gouvernements d’Uribe. La touche plus personnelle d’Uribe est tout le travail qui se fait pour changer l’image des militaires et des forces publiques en général. Chose tout à  fait intelligente lorsqu’on sait que le thème de sécurité est très fortement lié à  la perception. Alors, avoir confiance dans les forces publiques de son pays est une chose fondamentale pour se sentir en sécurité.

Mais revenons à  nos moutons, les FARC auraient-elles perdu?

Il est peut-être nécessaire de revisiter les théories de guérilla pour vite se rendre compte que notre cher analyste fait une erreur grossière en prenant pour preuve de leur échec le mouvement constant des guérilleros. Le problème est que les FARC avaient acquis tellement de pouvoir au début des années 2000 qu’elles ne se comportaient plus comme une guérilla “normale”, mais plus comme une armée régulière.

La fin des négociations en 2002 et la reprise des combats ont petit à  petit forcé les guérilleros à  se replier dans la jungle et les montagnes. Mais d’ici à  croire qu’ils aient été vaincu il y a un bon pas à  faire. Cette tendance est pourtant relativement commune, et pas seulement chez les partisans du président. Un grand nombre d’académiciens ont commencé à  étudier depuis 4 ou 5 ans la situation de post-conflit. C’est même devenu une belle mode dans les universités. Je me souviens très de ma première entrevue dans une uni, où on me faisait gentiment comprendre qu’un autre “gringo” qui venait étudier le conflit cela ne les intéressaient pas, par contre pour toute la partie analyse comparative de situation de post-conflit ils étaient très ouverts…

J’ai été patient et finalement 6 mois plus tard, les mêmes m’ont embauché pour une recherche sur une nouvelle facette du conflit… et oui il est n’est pas encore fini.

Je conclurais avec un vieux dicton: “vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué n’a jamais été un bon négoce”. Dans ce cas, surveiller ses arrières ne serait pas un mal, surtout lorsqu’on sait que même les paramilitaires se reforment. Ils seraient déjà  5000 selon Mancuso, sans parler de tous ceux qui ne se sont jamais démobilisés.
Construire et penser la paix depuis Bogotà¡ est finalement très facile, depuis le Putumayo, Buenaventura ou El Chocà³ c’est sûrement moins simple.

Uribe pète un plomb!

Après 5 ans de pouvoir le cerveau d’Uribe est en surchauffe.

Depuis le début du scandale de la para-politique, on a vu quelques fois le Président intervenir, mais pas d’une manière très régulière. Cependant plus le scandale s’approche de lui plus ses déclarations sont fréquentes, et surtout moins intelligentes.

L’opposition et la justice ont continué à  révéler les liens de nombreux politiciens avec les paramilitaires. Le scandale, devenu presque normal, continue son chemin. Plusieurs massacres ont été élucidés, certains militaires ont été destitués et la famille du président a été mise en cause.

Le sénateur Petro a pourtant précisé que selon les sources qu’il possédait le Président n’était pas mis en cause. C’est son frère qui aurait eu à  faire avec les paramilitaires, pour ne pas dire que s’en était un. Petro, qui vit avec des gardes du corps en permanence, a mis sa famille à  l’abri suite à  de nombreuses menaces. Il ajoute que le Président ne favorise pas la découverte de la vérité en ne parlant pas du véritable problème.

La réponse du Président a été comme à  son habitude sèche et agressive. Il attaque l’opposition, l’accusant d’être composée de guérilleros ou de terroristes en civil.

Sa stratégie est l’attaque, et cette fois l’attaque s’est transformée en insulte. Il accuse par exemple Gaviria (président du parti de l’opposition) d’avoir toujours eu des relations avec la guérilla, Petro d’être un assassin et Navarro d’être un irresponsable… tout a été diffusé en direct à  la radio où Uribe avait téléphoné pour se défouler.

Très digne le Président…

Gaviria a demandé un examen psychiatrique parce qu’il se fait du souci pour le pays: quelques heures après sa crise de nerfs Uribe avait rendez-vous avec Ban Kim Moon.

Navarro a répondu que cela ne l’étonnait pas du Président, qui, selon lui est à  moitié un gamin de la rue.

Oui, c’est sûr, le débat vole haut, et le Président a sa large part de responsabilité.

Que dire pour sa défense … il est fatigué, il travaille beaucoup … oui c’est vrai. Il faudrait même qu’il pense à  prendre une semaine de vacances car ce n’est pas vraiment le moment de craquer. La situation pourrait être bien pire pour tout le monde.

Alors comme dirait certain: respire, et si ça suffit pas re-respire!

La météo des vagues politiques

UribeLe vent s’est gentiment levé, tout d’abord c’était trois petit élus du congrès qui était appelé à  comparaître devant la justice pour leur liens avec des paramilitaires. La participation de ses trois congressistes aux affaires paramilitaires était dénoncée depuis un certain temps par l’opposition, mais la justice a prit son temps. Rien de bien méchant, une petite veste suffisait au gouvernement pour se protéger, et bien que les congressistes soient membres du même parti qu’Uribe, celui-ci n’a pas senti le besoin de s’exprimer.

Mais les appelés ont commencé à  parler, sauf un qui n’a pas voulu se rendre, et le vent à  prit un peu de force. D’autres se sont aussi mis à  souffler et des vagues sont apparues. La cour a commencé à  appeler d’autres congressistes, dont le frère de la canciller (ministre des affaires étrangère). Celui-ci, pas très malin, ou simplement rancunier, a annoncé que s’il allait à  la justice il emmènerait sa soeur.

Le jour où il a été voir le juge, sa soeur l’a accompagnée. Elle a ensuite crié à  qui veut l’entendre que ce rendez-vous était prévu depuis longtemps et qu’il n’avait rien à  voir avec l’histoire de son frère. On peut douter, en tout cas si c’est vrai, elle aurait besoin de cour de politique pour apprendre à  annuler les rendez-vous mal placé. Maintenant non seulement l’opposition mais aussi certains dirigeants des partis uribistes demandent sa démission. Le président continue de la soutenir, contre vents et marées, mais qu’elle soit directement impliquée ou non, ne change pas l’image qu’elle peut transporter du pays. La suspicion peut être pire que la vérité, et un voyage est prévu en Europe en février…
Les vagues ont continué à  grossir lorsque la justice a rendu public la liste des charges contre l’ex-directeur du DAS (service secret colombien). Non seulement il est accusé d’enrichissement personnel mais aussi de lien avec les paramilitaires. Apparemment il y a des preuves comme quoi le DAS a été utilisé pour servir les intérêts des paramilitaires et des narcotrafiquants. Cette fois les vagues ont commencé à  entrer directement dans le palais présidentiel, l’ex-directeur du DAS, comme la ministre des affaires étrangères sont des personnes directement nommées par le président. Uribe est alors sorti avec sa planche de surf et a commencé sa gestion de catastrophe naturelle.

Tout d’abord il a fait un long très long rappel des histoires de corruption du pays, parlant de comment avait été élu le président en 1982, des liens de Samper avec les narco etc. etc. Ensuite, et là  on peut lui attribuer un titre, il nous explique que toute cette tempête a lieu grâce à  sa loi de justice et paix et que sans son travail on ne connaîtrait pas la vérité.

Mais sa plus belle sortie, et là  cela devient du grand surf, est lorsqu’il demande aux congressistes qui l’ont soutenu mais qui ne sont pas encore en prison d’aller voter les réformes sur la capitalisation d’Ecopetrol et sur le système d’impôt.
Pas encore directement touché, malgré deux plaintes contre sa personne, Uribe ne perd pas le nord, il veut faire approuver ses réformes.

La dernière mesure de prévention anti-tsunami a été d’envoyer les chefs paramilitaires confortablement gardé dans une belle “prison” dans un centre de détentions de haute surveillance. La mesure est expliquée car il existait un risque que certains s’échappent. D’autres prétendent que c’est pour éviter que ces mafieux ne deviennent trop bavard.

La tempête s’est transformée en raz de marée, et pour l’instant Uribe arrive majestueusement à  le surfer, cependant la situation a changé, sa crédibilité est écornée, la communauté internationale, qui finance en partie le processus de paix commence à  poser des questions. Le porte parole des paramilitaires annonce que le processus de paix est en pleine agonie, car le gouvernement ne respecte pas ses promesses. Plusieurs groupes se sont déjà  reformés. Les perspectives ne sont pas vraiment bonnes, et l’annonce d’un tsunami n’est pas à  exclure. Mais, bien que tout le monde attende la vérité il ne faudrait pas que le processus de paix se termine, tout irrespectueux des droits de l’homme qu’il est. Il vaut mieux savoir où sont les paras que de les avoir dans la nature avec des tronçonneuses.