Chasse aux sorcières

le congrèsDepuis plusieurs mois des révélations plutôt embarrassantes touchent le parti de la U, le parti d’Uribe. De plus en plus de connexions avec les paramilitaires sont démontrées et le scandale commence vraiment à  prendre de l’ampleur car on ne parle plus seulement de détournement de fond ou de clientélisme mais de meurtres politiques et de massacres.

Les premières révélations viennent de la journaliste Claudia Lopez, qui dénonçait pendant les élections les méthodes des paramilitaires démobilisés. Après plusieurs mois d’enquête, le sénateur Pardo est revenu sur le thème est a démontré les liens de certains élu au congrès avec les paramilitaires. J’avais mentionné son discours il y a quelques temps. Le gouvernement s’est bien garder de soutenir l’enquête, et trois semaines après la justice s’est enfin décidée à  arrêter les congressistes. Devant l’évidence des faits, le gouvernement a du admettre que le processus en cour était comparable à  ce qui c’est passé avec Samper, il y a dix ans. Sa campagne avait été financée par les narcotrafiquants.

Les actuelles accusations sont bien plus graves, on parle d’organisation et promotion de groupes armés illégaux, appropriation de terres, meurtres aggravés, participations au massacre de plus de 20 paysans. Pour des élus le CV est plutôt diversifié.

L’approfondissement de l’enquête devrait mener à  une remise en question sérieuse de l’efficience de la Ley de Justicia y Paz, celle-ci établit que les paramilitaires doivent raconter tout ce qui c’est passé, dans le but de rétablir la vérité. Le doute s’installe, les critiques fusent, et le président devenu aveugle, sourd et muet a fini par dire que les congressistes devaient dire la vérité au pays, non! Sérieux président?

Son propre parti, le plus touché par les révélations, n’a jusqu’à  ce jour pas voulu s’exprimer. Pendant ce temps au congrès c’est la panique, la chasse aux sorcières a commencé… sauf que cette fois on chasse l’extrême droite…

Pendant ce temps les paramilitaires coulent des jours tranquilles dans des prisons de luxe, où chacun a sa petit chambre, avec toilette privée, télé, trois jours de visites par semaine, activités diverses, repas servi à  tables etc.

La paramilitarisation de l’Etat ne fait plus grand doute, mais le pouvoir exécutif, judiciaire et législatif sont d’uribiste, tout comme les différents organes de contrôles, la banque centrale, les services sociaux etc. Espérer un nettoyage radical est un doux rêve, mais c’est tout de même réjouissant de voir la justice se mêler un peu des affaires d’Etat.

Les négociations avancent!

Depuis une année, voire un peu plus, le gouvernement et l’Ejército de Liberacià³n Nacional (ELN) se réunissent périodiquement à  Cuba pour discuter. Le thème de la discussion est bien sûr la paix et ces jours l’avancée est suffisante pour croire qu’un processus de paix devrait débuter bientôt. L’ELN est la seconde guérilla du pays et représente une force d’environ 4000 hommes. Sa puissance de combat s’est largement réduite depuis plusieurs années et le gouvernement peut négocier dans une position relativement forte.

Mais une des principales raisons, selon les dirigeants de la guérilla, est la possibilité qui existe maintenant en Colombie pour la gauche d’exister. Ces dernières années la gauche a réussit à  s’unir autour du parti Polo democratico Independiente (puis alternativo) et surtout pour la première fois dans l’histoire elle a pu vivre et être élue. Cette avancée historique permet à  l’ELN de considérer que la voie armée n’est plus nécessaire. L’exemple du reste du continent a aussi une importance qu’on ne peut négliger.

Du côté du gouvernement, Uribe avait annoncé en arrivant au pouvoir qu’il voulait d’abord éliminer deux des trois acteurs du conflit pour pouvoir se concentrer uniquement sur les Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC). Les paramilitaires ont déjà  été démobilisés, dans des conditions très discutable, mais la grande partie du groupe ne participe plus au combat. Maintenant l’ELN commence des négociations de paix et pour prouver sa bonne volonté son porte parole a annoncé qu’ils allaient déminer plusieurs zones du département de Narià±o. La nouvelle est plutôt bonne car en 2005 on a compté 1000 victimes de mines antipersonnelles, la Colombie étant le second pays du monde touché par les mines.

Il est relativement rare de pouvoir parler de bonne nouvelle dans le domaine politique en Colombie et l’assombrir serait un sacrilège, simplement il est juste de se demander qu’elle est la cohérence du gouvernement en matière de négociation. Uribe a martelé à  plusieurs reprises qu’il ne négocierait jamais avec des terroristes, même s’il se réfère aux FARC, sa définition de terroriste est tellement vague qu’il ne serait pas difficile d’y intégrer l’ELN. L’acharnement des FARC comme du gouvernement perd tout son sens face à  l’exemple de l’ELN.

Cependant on ne peut pas encore crier victoire, le chemin des négociations et long et tortueux, de nombreux points doivent être discuté et le gouvernement peut difficilement être plus dur qu’avec les paramilitaires. Mais il ne peut pas non plus être plus laxiste, la communauté internationale ne le supporterait pas.
L’espoir est là , et si la bonne foi suit cela devrait être possible!

Échange humanitaire: un virage politique d’Uribe?

Uribe, président colombienDepuis quelques semaines on voit se dessiner une autre ligne politique en Colombie. Pour certains c’est un virage brutal. Le président colombien s’est décidé à  négocier avec un groupe terroriste. Aveux de faiblesse ou pragmatisme politique?

La discussion s’est établie entre le gouvernement colombien et les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) pour réaliser un échange de prisonniers. L’échange dit “humanitaire” pourrait être le premier pas vers un accord de paix plus global.

On est bien loin des annonces guerrières de la première campagne du président. Selon ses dires, on ne négociait pas avec des terroristes, en Colombie il n’y avait pas de conflit armé, seulement une bande de terroristes sanguinaires…
Il a été élu la première fois, en 2002, pour faire la guerre. Le bilan de son premier mandat est plutôt mitigé: la violence a diminué, les routes sont plus sûres et l’économie a repris mais les FARC sont loin, très loin, d’être vaincues et les inégalités ont empiré. Le processus de paix avec les paramilitaires est entaché par un grand nombre d’irrégularités.

La campagne pour sa réélection s’est faite sans programme; un mystère total régnait sur les quatre années futures. Pour ses partisans ultraconservateurs c’était évident qu’il allait poursuivre sa politique de guerre. Mais une volonté politique de négocier fait son apparition. Le doute s’installe, ses troupes commencent à  hurler à  la trahison, “on ne peut pas négocier avec des terroristes, c’est inhumain” “on ne vous a pas élu pour ça”!

Il faut savoir qu’Alvaro Uribe Velez n’est pas né de la dernière pluie. Autant le président Bush est réputé limité intellectuellement, autant Uribe est un homme intelligent travailleur, avec ses idées (qu’on aime ou pas) mais c’est surtout un opportuniste, très pragmatique. Son énorme défaut, au niveau politique, est qu’il est très mal entouré, mais là  aussi c’est volontaire: cela lui permet de tout diriger.

Or la situation actuelle piétine et sa cote de popularité est en baisse; un échange de prisonniers avant Noà«l serait une bouffée d’air.

De plus sa politique de guerre coûte très cher, même si les FARC se sont repliées dans la jungle une victoire militaire est jugée impossible par tous les experts, militaires ou civils.
Uribe en est bien conscient, l’opportunité de cet échange est une ouverture importante pour débuter un nouveau programme. Après avoir démobilisé les paramilitaires, être entré en négociation avec l’Armée de Libération Nationale (ELN), l’autre guérilla encore au combat, il pourrait concentrer ses efforts sur les FARC.

Il avait dit que pour terminer avec le conflit, il voulait d’abord réduire le nombre d’acteurs illégaux à  un. Pour cela, il a été d’accord de donner un poids politique majeur aux paramilitaires, de négocier avec des “terroristes” (l’ELN) alors pourquoi ne serait-il pas prêt à  négocier avec des “narco guérilla terroristes”.

Du côté des FARC l’intérêt n’est pas négligeable non plus. Tout d’abord ils veulent envoyer un message à  la communauté internationale. Les Etats Unis et l’Union Européenne les ont ajoutés à  leur liste d’organisation terroriste, ce qui les dérange profondément. L’échange humanitaire leur permettrait de montrer qu’ils respectent les conventions de Genève, et donc qu’ils sont un acteur armé dans un conflit. Un enjeu d’importance symbolique, surtout si on pense au dernier échange de prisonniers qui a eu lieu, sous la présidence de Pastrana (1998-2002) et qui s’est transformé en La journée des FARC. Tout est passé en direct à  la télévision, Manuel Marulanda (chef des FARC) a eu droit à  son moment de gloire et a pu faire un joli discours.

L’échange apporterait un peu d’humanité à  la situation colombienne et permettrait la libération de certains otages, dont Ingrid Betancourt et d’autres qui sont dans la jungle depuis huit ans. De plus, les deux acteurs principaux ont la possibilité de s’en sortir gagnant, les seuls mécontents sont les ultraconservateurs, qui ne supportent pas la négociation avec leurs pires ennemis. Les mêmes extrémistes qui, sans vergogne, ont offert sur un plateau d’argent la vie légale aux paramilitaires.

Uribe accepte une zone démilitarisée pour négocier

Ce matin on peut lire dans de nombreux journaux qu’Uribe a (enfin) accepté une zone démilitarisée. Il prévoit de retirer ses troupes de deux municipalités afin de discuter avec les FARC de la libération des otages.

Les FARC veulent faire un échange: la libération de 500 guérilleros contre celles de 58 otages (personnalités politiques et militaires) dont quelques Nord américains ainsi que notre chère Ingrid Betancourt.

“Il a y une volonté politique de négocier” … nous dit le gouvernement. Sans vouloir jouer les troubles fêtes il faut contextualiser un peu cette nouvelle magnifique. Depuis la seconde investiture d’Uribe, les scandales se suivent et s’accumulent. Après les tonneaux remplis de dollars les militaires ont été accusé d’avoir monté les attentats qui ont eu lieu à  Bogotà¡ il y a quelques mois. Le processus de paix avec les paramilitaires a été sérieusement entaché suite à  son application des trafiquants jugé une années plus tôt par le même gouvernement comme “Narco à  100%”. Le gouvernement à  aussi du céder à  de nombreuses requêtes des paras.

Les colombiens commencent à  se rendre compte que les ¾ des partisans d’Uribe élus soit au Congrès soit au Sénat n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils vont faire maintenant qu’ils ont été élus. Pour finir le gouvernement est en train de changer le mode d’imposition, il veut augmenter la TVA sur les produits de base (riz, pommes de terre, sel, etc.), le but étant de rendre les pauvres encore plus pauvre!

Deux mois après le début de son second mandat Uribe commence à  voir son image sérieusement encornée. Ses troupes ne vivent pas en harmonie, de plus en plus de critiques internes apparaissent.

Le moment est parfait pour faire une annonce fracassante, détourner l’attention des média et de la population vers d’autre fait pour faire passer la pilule, et voter la réforme des impôts. La volonté de négocier est peut être réelle, l’échange aura peut être bien lieu (et je l’espère) simplement je ne peux pas m’empêcher d’être sceptique face aux promesses d’Uribe, et encore plus face à  la réponse des FARC.

Uribe: seul au Monde!

UribeBogotà¡, lundi 7 août.

La ville est déserte et il pleut, c’est un jour idéal pour rester au lit et regarder des vieux films comme Amores Perros, un classique Mexicain absolument génial.

Aujourd’hui est un jour férié, mais contrairement à  d’habitude il n’y a ni ciclovia ni fiesta… La ley seca fait rage et tous les resto et boite de nuit sont fermés. Les seuls qui traînent dans les rues sont les militaires, ils n’arrêtent pas de patrouiller, de fouiller plus ou moins toutes les voitures, à  tous les coins de rue. Cela fait une semaine que l’ambiance a tourné au vinaigre, les forces de l’ordre sont sur les dents, les hélicoptères et les tanks mènent un balai incessant l’investiture du président a lieu aujourd’hui.

Plusieurs attentats ont déjà  eu lieu, les FARC ont annoncé qu’ils allaient faire du bruit, et leur bruit fait souvent des morts, la semaine dernière un attentat à  la voiture piégée a tué un mendiant et blessé une vingtaine de militaires dans le sud de Bogotà¡. Au Nord-est du pays 15 militaires ont été tués dans une embuscade.

Il y a quatre ans la première investiture du président Uribe s’est soldée par une vingtaine de morts lors du vague de roquettes sur le centre ville.

Bref le jour de l’investiture du président colombien n’est pas un jour où on met le pied dehors. On essaye même de quitter cette ville, si sympathique d’habitude, pour aller voir la campagne colombienne, encore plus riche qu’on ne l’imagine.

Pourtant la journée fut calme, les arrestations ces derniers jours et les prises d’explosif aurait-elles suffit à  faire taire la guérilla en ce jour historique ?

Il faut croire.

Uribe a pu succéder à  lui même en toute tranquillité. Voir même un peu seul. La majorité des dirigeants d’Amérique Latine se sont excusés, ne donnant pas forcément d’explication. Les Etats-Unis, soi disant le plus grand allié n’ont envoyé que le secrétaire au commerce. Le message est un peu dur pour le président qui voudrait donner a son second mandat un axe plus internationaliste.

Son gouvernement est considéré par les voisins comme un vassal des Etats-Unis proche des paramilitaires. La Colombie risque de rester encore isolée quelques années.

L’insécurité démocratique 2

Un autre bilan suite aux 4 années de la politique de sécurité démocratique du président Uribe, tout aussi glorieux que le premier….

Le rapport vient cette fois de la fondation pour la liberté de la presse (FLIP).

On peut voir une augmentation des dénonciations des menaces contre les journalistes, pendant le seul premier semestre 2006 il y a eu 72 violations de la liberté de la presse et un journaliste a été tué.
Dans la région de Arauca, la police ne laisse pas sortir les journalistes du centre urbain, et ils sont toujours accompagnés d’escorte.

Les élections sont bien sûr l’explication de cette augmentation de menaces pendant ce semestre, jusque là  rien de nouveau. Il faut simplement remarquer que les menaces sont venues suite à  la volonté d’écrire sur les paramilitaire. Aucune critique de la démobilisation n’a été possible et pas non plus de la politique de sécurité démocratique. Dans ce contexte, sans aucun point de vue dissident, on comprend mieux comment Uribe arrive à  obtenir 60%.

Le rapport nous dit aussi que la majorité des menaces proviennent des paramilitaires démobilisés…

La justice n’aide pas non plus, les cas n’ont pas avancés. Les assassinats ne sont pas résolus et les menaces sont souvent classées sans suite. La seule manière sûre d’être et de rester journaliste est l’autocensure… La sécurité démocratique montre à  nouveau son antidémocratisme, la seule façon d’être en sécurité est de se taire.

L’insécurité démocratique 1

Le bilan des quatre années de sécurité démocratique du président Uribe s’avère de plus en plus difficile à  défendre.
On a entendu mille fois que le président était merveilleux (999 fois dans les éditoriaux du journal El Tiempo) et que la situation économique était presque bien, mais lorsqu’on se plonge un peu plus dans les analyses académiques on se pose quelques questions.
L’économie est censée être la deuxième meilleure réussite du “prophète”. Cependant, un rapport de l’Université Nacional nous explique dans un peu plus de 100 pages comment et pourquoi le gouvernement n’a pas su mettre à  profit la conjoncture favorable mondiale et américaine.
Certes la croissance du pays avoisine les 5% ces quatre dernière années et il ne faut pas nier un certain progrès, cependant la concentration des richesses a encore augmenté, atteignant le même niveau que les années 30. Le problème de la pauvreté est loin, très loin de pouvoir se résoudre… il empire. Il est clair pour tout le monde que les problèmes d’inégalités ne pourront pas changer, même avec une croissance de 5% si le gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires.

De plus, croire que la croissance est le fruit de la politique du gouvernement est un autre rêve, une rapide comparaison des croissances avec les pays voisins nous montre que la Colombie est à  la traîne (presque tous ont une moyenne au dessus de 6%).
On peut aussi remarquer que l’énorme flux de dollars dans le pays est une conséquence de la politique monétaire des Etats Unis et non d’un changement d’intérêt. Les taux sont restés stables et les investissements sont à  très grande majorité des investissements en portafolio, c’est à  dire à  court terme et volatiles.

Bref, l’économie colombienne a retrouvé son niveau d’avant crise (1999) mais n’ayant réaliser aucune réforme réelle elle n’a pas su profiter de cette fabuleuse envolée économique… la meilleure depuis 20 ans.

Uribe réélu

Pour la première fois dans l’histoire de la Colombie un président est réélu. La victoire du président sortant est écrasante, 62 %, C’est aussi un record dans l’histoire, à  l’exception de l’époque où il y avait un candidat unique.

Uribe a été plébiscité selon El Tiempo après la campagne la plus ennuyante de l’histoire mais aussi la moins violente. On peut même sans trop de risque nommer Uribe comme responsable de ces 2 faits. Sa politique de sécurité démocratique ne respecte pas les droits de l’homme; elle a cependant permis de sécurisé le pays ce qui n’est pas négligeable.

L’ennui de la campagne est aussi une réussite d’Uribe, il n’a voulu participer à  aucun débat. Mais hier c’était sa journée, et il l’a conclue en beauté. Son discours était aussi bien que son résultat. Quel dommage qu’il ne nous ait pas fait profiter de ces capacités d’orateur pendant la campagne, préférant les raccourcis bêtes et le maccartisme simpliste. Hier, non seulement, il a fait un état des lieux du pays relativement objectif appelant les libéraux à  l’union nationale pour avancer dans le bon sens, mais il a aussi présenté des excuses à  Carlos Gaviria, candidat du Polo Democratico Alternativo, pour l’avoir offensé. Uribe a précisé qu’ils n’étaient pas ennemis mais compétiteurs et il espère que la gauche va être l’opposition nécessaire au renforcement de la démocratie.

Il est facile après coup de s’excuser et d’appeler à  l’union ou à  une opposition constructive, surtout lorsqu’on se souvient de ses réactions parfois violentes face aux critiques. Il ne faut pas nier le mérite d’Uribe en terme de sécurité et d’économie, les Colombiens se sentent plus sûr et la croissance économique est, depuis 5 ans, en nette progression. Cependant il est temps, maintenant, pour la Colombie d’arriver à  intégrer les combattants qui ont rendu les armes sous le premier mandat d’Uribe car les ex-paramilitaires continuent leurs activités sous d’autres formes. Dans plusieurs quartiers populaires de Bogotà¡ on entend des cas des pressions et menaces sur militants de gauche ou sur les jeunes qui osent sortir le soir.

Une possibilité d’opposition constructive pour la gauche, qui a promis de rester unie, serait de tenter d’intéresser le président à  la construction d’une vraie démocratie où le respect des idées serait réel. L’autre thème fondamental est la redistribution des richesses, dans ce domaine la Colombie est bientôt le pire exemple de toute l’Amérique du Sud et Uribe ne semble pas vouloir le comprendre. Le seul espoir vient du Chili, qui sert d’exemple à  la Colombie en matière économique depuis fort longtemps, et qui pourrait montrer la voie du libéralisme social.

Fin des campagnes électorales

Ce week-end on a eu le plaisir d’assister au final des différentes campagnes électorales des candidats à  la présidence. Les élections vont se dérouler dimanche prochain et l’ambiance n’est pas vraiment au folklore.

Depuis quelque temps la campagne a pris une tournure qui n’a rien d’intéressant. Je me plaignais du manque de débat pour les élections du congrès et du sénat, et bien je ne sais plus quoi dire pour les élections présidentielles. Le débat s’est réduit malgré les efforts de nos 3 candidats non-présidents.

Il y a d’abord Mockus, ancien Maire de Bogotà¡, personnage intelligent et cultivé, qui a une expérience administrative longue et réussie. Il n’a aucune chance mais tente de discuter et il montre un respect envers les autres …

Ensuite Serpa, le candidat officiel libéral, un grand-père sympathique, le problème est qu’il n’est pas soutenu pas l’élite, même pas celle de son parti. Il vient du peuple et s’est payé l’uni en vendant des bricoles au coin de la rue. Cela n’empêche qu’il possède le Cv le plus complet de tous. Il a été juge, à  9 ou 10 niveau différent (municipal, etc. etc.) ensuite magistrat, congressiste, sénateur, ministre, ambassadeur, et j’en passe car je ne me souviens plus.

Le candidat du Polo Democratico, Gaviria, va probablement passer au deuxième tour contre Uribe. Ce n’est pas un politicien, mais un académicien, il manque de charisme mais son discours est vraiment intelligent. Depuis qu’il a commencé sa campagne les intentions de vote en sa faveur ont plus que doublé. Certain veulent le comparer avec Chavez, ou le présenter comme un communiste que veut donner le pays au FARC, c’est une erreur d’appréciation immense. Tout d’abord il n’a jamais eu un seul contact avec les FARC, ensuite il n’a pas grand chose de communiste. Son discours est très libéral (même parfois plus que Serpa), il ne veut en rien rompre les relations avec les USA, et au niveau économique il demande simplement que les traités (le TLC dans ce cas) soit juste… Comme personnage de gauche il défend bien sûr les droits de l’homme et le social, mais il ne veut pas rompre avec l’idée de renforcer la présence de l’Etat dans la société colombienne. Ce que fait Uribe avec l’augmentation de la présence militaire.

Leyva était candidat, il a renoncé après de nombreux problème de sécurité, principalement dans les régions Des-paramilitarisées, mais aussi car la loi de garantie n’était pas du tout respectée : normalement chaque candidat a droit à  un temps de parole égal dans les médias mais quand Uribe parle 7h les autres parlent 15 minutes…

La campagne d’Uribe a été marquée par des insultes contre les autres candidats, ou contre les étudiants qui ont osé le questionner sur sa politique économique. Son principal conseiller a dit que le pays avait 3 ennemis : les groupes terroristes, les amis des groupes terroristes (ONG, Journalistes..) et les académiciens…

Sinon la police a retrouvé le corps d’un conseiller d’un candidat (de gauche, comme par hasard). L’enquête a conclu à  une chute alors qu’il faisait son jogging et que les chiens de la rue lui auraient mangé les bras… Une autopsie privée nous dit que qu’il a reçu un coup à  la tête et que le bras on été coupé (c’est apparemment clair) pour éviter qu’on puisse voir les détails des tortures qu’il lui on été affligées aux mains.

L’autre moment fort était le meurtre de la soeur d’un ex-président, actuel chef du parti libéral et opposant à  Uribe.

Bien sûr le journal El Tiempo s’est empressé, comme à  chaque fois, de nous dire que c’était les FARC et que pour ça il fallait voter Uribe et sa politique de sécurité démocratique. Il faut dire que ce journal a réussit à  combler ce que ne disait pas Uribe qui n’a jamais voulu participer à  aucun débat. Le seul quotidien national s’est chargé de démontrer tous les jours à  quel point le président est bon, grand et gentil. Le problème est qu’on ne sait toujours pas ce qu’il va faire pendant son prochain mandat. Depuis 3 jours il parle de négocier avec les FARC, chose qui est totalement incohérente avec le reste de ses idées… Comment peut-on négocier avec des terroristes? Il existe aussi un bruit comme quoi il voudrait réformer le congrès. Les congressistes de son parti commencent à  avoir peur et préféreraient qu’il ne gagne pas au premier tour, car une reforme du congrès faite par Uribe veut dire une diminution du pouvoir du congrès, déjà  faible et une centralisation du pouvoir entre ses mains.

La tournure autoritaire du président devient évidente et même El Tiempo a du mal à  le cacher. Le seul point positif que j’ai réussit à  percevoir dans cette fin de campagne est le lent réveil de la population, les critiques contre les mensonges répétitifs du gouvernement et contre l’autoritarisme d’Uribe, le problème est qu’ici la gauche fait encore peur, comme si la révolution communiste allait se reproduire.

Uribe, antidémocrate?

Le président Alvaro Uribe se fait appeler depuis quelques semaines “président candidat” pour nous rappeler que la campagne électorale colombienne bat son plein. Cependant il reste fidèle à  lui-même: il ne répond pas aux questions qu’on lui pose, continue ses grandes promesses médiatiques et n’argumente jamais ses décisions. Comme toujours il soigne son image et pour cela il est prêt à  tout.

Depuis une semaine maintenant un scandale, sans égal depuis 10 ans, tente avec grande peine d’éclater. La principale revue d’actualité hebdomadaire du pays, Semana, a mis à  jour, après une longue investigation, les différents liens entre le gouvernement actuel et les paramilitaires, ainsi qu’une immense fraude lors de l’élection du présidentielle de 2002.

Les départements du Nord du pays, sous contrôle paramilitaire, auraient “exagéré” leur soutien au candidat Uribe. La fraude, de plus de 300 000 votes (sur 10 millions) a permis, selon les journalistes, d’éviter un 2e tour aux élections présidentielles.

La deuxième partie du scandale est le résultat de la première, Uribe pour remercier ses fidèles a offert un certains nombres de postes, notamment ceux des services secrets (DAS), à  des proches des paramilitaires. Avec la mise en place de la politique de “sécurité démocratique” le DAS a eu un rôle grandissant. Les écoutes, les fouilles et la persécution de syndicalistes, journalistes et défenseurs des Droits de l’homme sont devenu monnaie courante du gouvernement. Le directeur informatique du DAS, Mr Rafael Garcà­a, a commencé à  parler et affirme qu’il aurait eu connaissance d’une liste de syndicalistes et d’intellectuels livrée par le DAS aux milices d’extrême droite. Un certain nombre d’entre eux ont été assassinés ou ont du s’exiler. Mr Garcà­a assure aussi que l’élection d’Uribe doit beaucoup au soutien financier et pratique de “nombreuses personnes liées au trafic de drogue”.

Suite à  ce genre d’informations il était normal d’attendre de la part du président un semblant d’explication. A la place, Uribe a tenu un discours, des plus abjecte, à  l’encontre de la presse.

Il a attaqué, de manière frontale, les journalistes et la revue qui a publié les articles en les jugeant “frivole” et “irresponsable”. Il les accuse de mener une campagne “contre les institutions démocratiques”.

Le Che disait que la Colombie, la plus vieille démocratie d’Amérique Latine, était le pays qui réprimait plus les libertés individuelles que tous les autres pays qu’il avait alors visités. On peut penser, malheureusement, que c’est encore vrai.

De plus, le seul quotidien distribué sur tout le territoire, El Tiempo, ne soutient pas son homologue Semana, il faut dire que les propriétaires sont de la famille du vice-président et que la rédaction a annoncé son soutient au président depuis fort longtemps.

Il ne nous reste plus qu’à  compter sur l’opposition politique pour espérer que l’affaire soit réellement abordée. Les débats ont commencé au congrès et normalement le thème est à  l’ordre du jour le 2 mai, cependant les élus pro-uribe contre attaque déjà  en disant que les questions posées ne sont pas correctes car elles se basent sur le fait qu’il y a eu une agression du président contre la presse…


Avec le non-respect constitutionnel pour sa réélection, le financement de sa campagne avec de l’argent de la drogue, l’utilisation des services de l’Etat pour réaliser des pressions contre ses opposants, les fraudes électorales, son conservatisme à  outrance, son goût pour la politique spectacle et sa main dure, la comparaison d’Uribe avec l’ancien président péruvien Fujimori devient inévitable.