La Liberté de la Presse

àŠtre journaliste n’a jamais été une tâche facile, mais il y a des endroits où la vie est plus confortable que d’autres. Je ne crois pas qu’un journaliste du Matin, même bleu, (Journal genevois) prenne beaucoup de risques, que ce soit physiques ou intellectuels. En Colombie la situation est un peu différente et les journalistes qui n’analysent pas les informations ne le font pas par paresse ou car la ligne éditoriale ne le permet pas (sauf pour El Tiempo) mais parce que la liberté qui leur est octroyée ne leur permet pas de s’engager.

La Colombie détient, dans le domaine de la liberté de la presse le triste record des violences toutes catégories. “Dans plusieurs régions contrôlées ou disputées par les guérillas et les groupes paramilitaires, la liberté de la presse est pratiquement inexistante, soit parce que la presse indépendante a été laminée, soit parce que l’autocensure s’est installée. Les journalistes colombiens vivent dans un climat permanent de crainte et d’insécurité. Certains sont assassinés car accusés d’être le bras politique de groupes subversifs ou de collaborer avec de tels groupes, d’autres sont victimes de “disparitions” de la part de guérilleros qui rejettent leur critique. Soumises à  des pressions constantes, certaines rédactions n’osent plus informer”.

Il n’est pas rare non plus que des journalistes soient assassinés après avoir dénoncé des affaires de corruption ou de fraudes impliquant des élus locaux, voire les collusions de ces derniers avec les groupes armés

Pourtant la Constitution de 1991 a introduit de nombreux changements. Elle a notamment introduit le droit à  l’information, la liberté de créer des médias ou encore la prohibition de la censure.

Le gouvernement a même adopté en 2000 un décret qui instaure le Programme de protection des journalistes. Il est placé sous la direction du Vice-ministre de l’intérieur.

Mais deux ans après, Uribe arrive au pouvoir et lance sa “Politique de défense et de sécurité démocratique”. Sa rhétorique face aux ONG n’est pas très commune: il y a “D’une part, les “ONG théoriques” et, d’autre part, les ONG dites “respectables” qui doivent être protégées par l’État. Enfin, les membres d’un troisième type d’ONG étaient présentés comme des “écrivains et politicards qui finalement sont au service du terrorisme et qui se cachent comme des lâches derrière le drapeau des droits de l’homme” (( OBSERVATOIRE POUR LA PROTECTION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME, janvier 2004, Les défenseurs des droits de l’Homme à  l’épreuve du tout-sécuritaire, Éd. de l’aube, Paris, p. 67-68. )) . Selon le Président, cette dernière catégorie d’ONG ne devrait donc pas recevoir la protection de l’État.

La poursuite de sa logique l’amène, en 2004, à  faire adopter la loi antiterroriste. Celle-ci “dote l’armée de pouvoirs judiciaires et permet également aux forces de l’ordre de procéder à  des détentions de suspects sans mandat d’arrêt, à  des perquisitions sans autorisation légale, à  l’utilisation d’écoutes téléphoniques et à  l’interception de la correspondance privée auprès de personnes soupçonnées d’être liées à  des activités terroristes”.

Les journalistes (écrivains et politicards qui finalement sont au service du terrorisme) seraient de plus en plus exposés à  des investigations criminelles arbitraires.

Cependant le rapport annuel 2005 de reporter sans frontière commence par une note positive: “moins de journalistes ont été tués en 2004”, un seul à  été tué alors que la moyenne est à  5 par année. C’est un progrès! Mais la suite du rapport n’est pas vraiment positive, cela reste le pays le plus dangereux de la région, l’impunité des meurtriers continue, les pressions sont toujours les mêmes et proviennent toujours des mêmes personnes. Le processus de désarmement des paramilitaires n’a pas changé beaucoup de choses. Les prédateurs de la liberté de la presse ont encore de beaux jours devant eux en Colombie.

La source principale de cet article est la deuxième partie du le travail de mémoire de DEA de Vesna Dimcovski ainsi que le dernier rapport de reporter sans frontière

 

Uribe, antidémocrate?

Le président Alvaro Uribe se fait appeler depuis quelques semaines “président candidat” pour nous rappeler que la campagne électorale colombienne bat son plein. Cependant il reste fidèle à  lui-même: il ne répond pas aux questions qu’on lui pose, continue ses grandes promesses médiatiques et n’argumente jamais ses décisions. Comme toujours il soigne son image et pour cela il est prêt à  tout.

Depuis une semaine maintenant un scandale, sans égal depuis 10 ans, tente avec grande peine d’éclater. La principale revue d’actualité hebdomadaire du pays, Semana, a mis à  jour, après une longue investigation, les différents liens entre le gouvernement actuel et les paramilitaires, ainsi qu’une immense fraude lors de l’élection du présidentielle de 2002.

Les départements du Nord du pays, sous contrôle paramilitaire, auraient “exagéré” leur soutien au candidat Uribe. La fraude, de plus de 300 000 votes (sur 10 millions) a permis, selon les journalistes, d’éviter un 2e tour aux élections présidentielles.

La deuxième partie du scandale est le résultat de la première, Uribe pour remercier ses fidèles a offert un certains nombres de postes, notamment ceux des services secrets (DAS), à  des proches des paramilitaires. Avec la mise en place de la politique de “sécurité démocratique” le DAS a eu un rôle grandissant. Les écoutes, les fouilles et la persécution de syndicalistes, journalistes et défenseurs des Droits de l’homme sont devenu monnaie courante du gouvernement. Le directeur informatique du DAS, Mr Rafael Garcà­a, a commencé à  parler et affirme qu’il aurait eu connaissance d’une liste de syndicalistes et d’intellectuels livrée par le DAS aux milices d’extrême droite. Un certain nombre d’entre eux ont été assassinés ou ont du s’exiler. Mr Garcà­a assure aussi que l’élection d’Uribe doit beaucoup au soutien financier et pratique de “nombreuses personnes liées au trafic de drogue”.

Suite à  ce genre d’informations il était normal d’attendre de la part du président un semblant d’explication. A la place, Uribe a tenu un discours, des plus abjecte, à  l’encontre de la presse.

Il a attaqué, de manière frontale, les journalistes et la revue qui a publié les articles en les jugeant “frivole” et “irresponsable”. Il les accuse de mener une campagne “contre les institutions démocratiques”.

Le Che disait que la Colombie, la plus vieille démocratie d’Amérique Latine, était le pays qui réprimait plus les libertés individuelles que tous les autres pays qu’il avait alors visités. On peut penser, malheureusement, que c’est encore vrai.

De plus, le seul quotidien distribué sur tout le territoire, El Tiempo, ne soutient pas son homologue Semana, il faut dire que les propriétaires sont de la famille du vice-président et que la rédaction a annoncé son soutient au président depuis fort longtemps.

Il ne nous reste plus qu’à  compter sur l’opposition politique pour espérer que l’affaire soit réellement abordée. Les débats ont commencé au congrès et normalement le thème est à  l’ordre du jour le 2 mai, cependant les élus pro-uribe contre attaque déjà  en disant que les questions posées ne sont pas correctes car elles se basent sur le fait qu’il y a eu une agression du président contre la presse…


Avec le non-respect constitutionnel pour sa réélection, le financement de sa campagne avec de l’argent de la drogue, l’utilisation des services de l’Etat pour réaliser des pressions contre ses opposants, les fraudes électorales, son conservatisme à  outrance, son goût pour la politique spectacle et sa main dure, la comparaison d’Uribe avec l’ancien président péruvien Fujimori devient inévitable.

Les Chiffres et la Colombie

L’heure des rapports est arrivée. La Colombie, comme à  son habitude, vient se loger dans les premières places mondiales du nombre de meurtres, d’enlèvements, etc.

La Croix Rouge annonce 317 disparitions forcées et 55.327 déplacés pendant l’année 2005. Les disparitions sont en augmentation de 13,6% par rapport à  2004. L’organisation dénombre 1031 violations des Droits de l’Homme, 198 exécutions sommaires. Les mines anti-personnelles ont tué 280 personnes et blessé 738.

D’après l’Organisation Mondiale Contre la Torture, 47 défenseurs des droits de l’Homme ont été assassinés ou victimes d’attentat, les cas sont cette fois-ci majoritairement attribués aux paramilitaires. La situation des défenseurs est jugée critique; 77 cas connus de menaces ont été répertoriés.

L’Observatoire des Mines a recensé des mines dans 627 municipalités principalement dans le Nord du pays. Ceci représente 289 de plus qu’en 2000. En 5 ans 2358 personnes ont été atteintes. Ces mines se trouvent principalement en territoire para, mais avec les récentes attaques de l’armée contre les FARC, ceux-ci ont aussi commencé à  miner le terrain. Pour l’instant on estime qu’il va falloir 20 ans pour déminer le pays. L’installation d’une mine coûte environ 80 centimes de dollar. La désinstallation coûte entre 200 et 300 dollars.

Bon, ben que dire? Les chiffres proviennent d’organismes sérieux et sont sûrement réels. Ajoutez à  ça les images du film “Dommage Collatéral” et du soi-disant documentaire “la Vierge des Tueurs” quelqu’un qui ne connaît pas la Colombie imagine une vaste jungle avec des mines partout, des sauvages armés jusqu’aux dents qui vous enlèvent à  la première occasion.

Je ne veux surtout pas critiquer le travail des ONG ou OI en Colombie car sans eux ce serait peut-être bien pire. Je cherche simplement à  dire que la Colombie ne se résume pas à  ces quelques chiffres; il serait dommage de croire que c’est un pays horrible alors qu’au contraire, c’est probablement le pays le plus “sincère” d’Amérique du Sud. C’est un magnifique mélange de paysages, fêtes et culture. On trouve encore la nature à  l’état brut, vierge de touristes. Il n’est pas difficile de voyager ici, les bus, les avions et les pensions sont en général excellents. On trouve des nombreux sites antiques qui n’ont pas à  rougir devant le Machu Pichu au Pérou comme la ciudad perdida dans la jungle au Nord du pays.

Bien sûr il ne faut pas oublier quelques règles de sécurité, mais une fois l’habitude prise, c’est un réflexe naturel. La Colombie devient un pays facile d’accès; la population est ouverte et agréable, vous aide facilement sans attendre quoique ce soit de votre part. Les fans d’aventure trouveront tout ce qu’il faut: la montagne, la jungle ou la plage avec de nombreuses possibilités de sport en tout genre. Les visiteurs de musées et de sites historiques ne seront pas déçus par le musée de l’Or ou celui de Botero. Pour la fête vous êtes au paradis à  Bogotà¡ (dans d’autres villes sûrement aussi mais je ne connais pas encore) et même pour les fans de shopping il y a de quoi faire!

Rapport OMCT p 169-215

Désarmer Bogotá?

Légaliser le port d’arme pour mieux contrôler les armes en circulation? Ou interdire toutes armes sauf celles des forces de l’ordre?

La gauche démocrate semble avoir résolu la question: le Maire de Bogotà¡, Lucho Garzà³n a envie de désarmer la ville et pour cela il est en train de mettre en place un référendum.

Le but est que le peuple puisse faire contrepoids à  un gouvernement et un congrès conservateurs. Les conservateurs, avec les militaires, ne veulent en aucun cas d’une interdiction de port d’armes. Plusieurs raisons sont invoquées, la principale est que tout le monde possède le droit à  se défendre. Il est relativement facile de savoir à  quoi nous mène ce genre d’idées. Il suffit de comparer le nombre de meurtres entre les pays où le port d’arme est autorisé avec ceux où il est illégal. Michael Moore, dans le film Bowling For Colombine, nous montre le cas des Etats-Unis, tristement célèbre. Le film Elephant est un autre exemple. L’Organisation Mondiale de la Santé a fait une étude qui montre que les armes n’apportent en aucun cas plus de sécurité à  celui qui la porte mais au contraire elles augmentent le risque qu’un simple vol se transforme en un fait fatal. Ceci semble logique.

Les militaires s’opposent à  cette interdiction est le revenu rapporte la vente des armes et surtout des permis. Les permis représentent environ 1800 millions de pesos (720 000 €) par année, cette somme permettrait aux militaires de maintenir en état tous leurs logements. Ceux-ci contestent et prétendent que cela ne représente que 5% de tous leurs revenus.

Cependant la Mairie de Bogotà¡ ne base sa volonté ni sur des questions d’argent ni sur la comparaison avec d’autres pays mais simplement sur le fait que les vols et les attaques sont de plus en plus souvent avec armes. Le problème est qu’en Colombie il est, apparemment, relativement facile de trouver des armes sur le marché noir. Deux raisons à  cela: la première, évidente, est due au conflit présent, la seconde est un peu plus complexe et donne un argument de choc pour défendre cette proposition. Les permis de port d’arme doivent être renouvelés régulièrement et coûtent cher, de plus si cela n’est pas fait dans les temps l’amende est lourde. Alors, ce qui se passe souvent est que les possesseurs d’armes les déclarent volées et les revendent au marché noir. Le résultat statistique est lourd: pour 100 armes en circulation on estime que seules 15 sont légales.

Le but de ce blog n’est pas de militer pour la politique du maire (de plus je doute avoir un quelconque impact) j’espère vraiment que cette proposition sera entendue pour tenter, tout au moins, un pas vers une ville plus paisible!

Pérou: Bataille d’influence?

Ce dimanche, l’année électorale sud américaine continue, cette fois la scène se déroule au Pérou. L’ambiance est plutôt incertaine, diverses influences font rage, des plus loufoques au plus traditionnelles. Les sondages partagent les points entre les forces fujimoristes, l’ex président Alan Garcia, la gauche bolivarienne avec Humala et la conservatrice Lourdes Flores.

L’incertitude est grande car le Pérou est coutumier des grands coups d’éclats. Son histoire récente en est parsemé: depuis son élection en 1990, Fujimori est devenu l’acteur principal d’une série d’actes tous aussi rocambolesques les uns que les autres.

Au début de sa carrière politique il réussit à  maîtriser l’inflation du Pérou avec des mesures d’austérité très fortes. L’inflation était supérieure à  7000% en 1990, une année plus tard elle environne 130%.
Sa médiatisation continue lorsqu’il réussit à  faire emprisonner le chef du Sentier Lumineux, ce qui met fin à  cette organisation révolutionnaire. Il se fait à  nouveau remarquer lors de la libération des 72 otages de l’ambassade japonaise. L’opération montée par ses services est ambitieuse, il a fallu creuser un tunnel sous toute une rue pour accéder à  l’intérieur du bâtiment et tuer tous les terroristes (14). Un seul mort du côté des otages, Fujimori devient un héros au Japon pour cet acte.

La fin de son règne est tout aussi surprenante et médiatique car, après avoir changé la constitution en 1993 et fait valoir la non rétroactivité des lois il se présente une 3e fois à  la présidence et bien sûr il gagne. Seulement voilà , l’opposition commence à  se faire entendre et on découvre petit à  petit les faces cachées de ses mandats. Un grand nombre de vidéo font éclater un scandale de corruption qui a vite fait de rattraper Fujimori. Son bras droit, Montesino, est le premier touché, il doit quitter le pays. Quant à  Fujimori il tente encore de résister mais lors d’une visite au Japon il décide d’y rester. Il devient Japonais!

Une nouvelle fois Fujimori surprend, non seulement il a corrompu l’ensemble du gouvernement péruvien, il a réussi à  vendre des armes aux Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) mais en plus il arrive à  s’enfuir avec la caisse de l’Etat pour passer des jours tranquille au Japon.

Il espère pourtant, depuis là -bas, influencer la politique péruvienne et même se faire réélire comme président! Il est tellement sûr de lui qu’il décide d’aller séjourner temporairement au Chili, étape sur le retour au Pérou.
Cependant il est tout de même fiché par Interpole sous l’accusation de corruption et de crimes contre l’humanité et a été déclaré inéligible par le tribunal constitutionnel du Pérou.

A peine arrivé au Chili il est donc arrêté par les autorités chiliennes. Depuis cet instant le gouvernement péruvien prie le Chili de l’extrader.
On pourrait croire qu’avec une telle histoire son influence s’arrête, et bien non!

Sa fille Keiko Fujimori, est en tête de liste du parti fujimoriste pour le Congrès à  Lima. Il est fort probable qu’elle soit la parlementaire la mieux élue. A ce titre, comme le veut la tradition, elle présiderait la séance inaugurale de la nouvelle Chambre et remettrait l’écharpe présidentielle au successeur de Toledo!

Le candidat suivant, Alan Garcia est aussi un acteur de l’histoire. Prédécesseur de Fujimori il a emmener le pays à  la ruine fin des années 80 et a fuit avec la caisse de l’Etat. Son charisme lui a tout de même permis d’arriver au second tour en 2000, année où il a été battu de peu par Toledo. Actuellement il est en 3e position dans les sondages et à  moins d’un miracle il ne devrait pas passer au deuxième tour. Son influence sur ces élections va venir de son soutien ou non a un des deux candidats au deuxième tour.


La grande surprise, qui n’en n’est plus une dans le contexte actuel de l’Amérique du Sud, est la montée en force du populiste de gauche Humala, proche d’Evo Morales et de Chavez. On l’appelle d’ailleurs le “Chavez péruvien”, ex-lieutenant-colonel il veut déclarer la guerre à  la corruption et au libéralisme économique. L’influence bolivienne est aussi très forte, les indiens et les métis sont majoritaires au Pérou et rêvent d’avoir “leur” président!

Le dernier candidat susceptible de s’opposer à  la gauche est une candidate. Lourdes Flores est donnée gagnante au deuxième tour grâce à  l’appui des forces fujimoristes et surtout de tout l’establishment blanc. La candidate conservatrice est à  la une de tous les journaux, elle est présentée comme la “sauveuse de la démocratie face à  la démagogie indigène”.

Cette situation rappelle étrangement les présidentielles de 1990 où l’opposant de Fujimori, Mario Vargas Llosa possédait l’appui inconditionné de toute la presse mais les électeurs votèrent en masse pour Fujimori par réflexe de rejet de la classe politique traditionnelle.

Festival à Bogotá

Défilé d'inaugurationSamedi dernier, 1 avril, le dixième Festival Iberoaméricain de Théâtre a débuté par un magnifique défilé dans les rues de Bogotà¡. On a pu admirer, parmi d’autre, le carnaval Blancos y Negros de Pasto (Colombie), le carnaval de Barranquilla (Colombie) ou encore le carnaval de d’Oruro (Bolivie) qui a été déclaré Patrimoine Oral de l’Humanité par l’UNESCO. Même la police chargée de la sécurité du défilée était maquillée et a profité du défilé.

C’est le plus grand festival de théâtre du monde, il réuni des groupes de théâtre, bien sûr mais aussi de danse et de musique qui proviennent de 45 pays. Toute la ville va être animée pendant 17 jours avec des représentations dans les parcs, les cinés, les théâtres etc. Depuis 18 ans (il a lieu tous les deux ans) Bogotà¡ se transforme en la capital du monde artistique avec des spectacles impressionnants et bien souvent unique.

Cette année l’invité d’honneur est la Russie, mère patrie du théâtre moderne, les pays des Balkans, ayant suivis la tradition sont les invités spéciaux

Alors pendant plus de 2 semaines le théâtre va être au coeur de la ville et dans le coeur de la population, un bon moment de paix et de plaisir pour montrer à  tout le monde que la Colombie est un pays magnifique!

site officiel

La démobilisation des paramilitaires

 

La Ley de paz y justicia n’a, pour l’instant, bénéficié qu’aux paramilitaires. L’article 73 laissait penser que cela se déroulerait ainsi car il annonce que la loi ne s’applique qu’aux faits antérieurs à  sa promulgation. Or ni les FARC ni l’ELN n’avaient commencé à  négocier avec le gouvernement au moment de la promulgation de loi. De plus ils ont continué leurs actions illégales ce qui rend difficile le fait qu’ils bénéficient de celle-ci.

Le simple fait que cette amnistie n’est pas appliquée pour tous les groupes armés rend le cas de la Colombie original et compliqué. Tout d’abord original, car on assiste à  une amnistie en cas de conflit et non de post-conflit. Les paramilitaires ont été créés en réponse aux FARC, cependant les FARC continuent d’exister. Le premier problème surgit sur le terrain, comment ceux qui finançaient les paras pour leur défense, vont-ils réagir face au vide créé par la démobilisation? Il existe 3 solutions, soit ils acceptent que les FARC prennent le territoire, ce dont je doute, soit l’Etat arrive à  contrôler le territoire, ce qui n’est pas facile, en sachant que cela fait plus de 20 ans qu’il ne le contrôle pas, soit ils refont appel aux paras. Pour l’instant la situation dans certaines régions est réellement compliquée: la population se retrouve entre 3 feux, les FARC essayent de profiter de la démobilisation pour étendre leur influence, les paras résistent malgré le fait qu’ils aient rendu leurs armes et l’Etat envoie un maximum de troupes pour tenter de contrôler le tout.

L’originalité du cas colombien n’est donc pas vraiment un avantage pour construire une paix durable. L’amnistie a conduit quelque 30’000 paramilitaires à  rendre un peu plus de 15’000 armes. Le rapport de 1 arme pour 2 hommes peut s’expliquer, il n’y a pas que les combattants qui se sont rendus à  la justice mais aussi les informateurs, financiers, etc. On peut tout de même douter, les paramilitaires n’ont jamais eu une réputation d’être mal armés.

De là , apparaît un autre problème: que faire des 30’000 démobilisés? Le gouvernement en attendait la moitié, réussir à  réinsérer tous ces combattants va être une tâche difficile; pour cela il faut réussir à  leur donner un statut légal. La justice doit pouvoir déterminer la position de chacun. Actuellement le risque le plus grand est la paralysie du système judiciaire transitaire qui conduirait à  une amnistie totale et une amnésie généralisée. Ceci peut entraver une possible réconciliation. La réponse du gouvernement à  cette critique est que la loi, donc la justice transitoire, ne s’adresse qu’aux délits graves; les cas de délits mineurs doivent être conduit devant la justice “normale”, qui devrait, elle, statuer sur l’amnistie de ces personnes.

Un autre point m’amène à  être critique envers cette loi; j’ai rapidement abordé dans mon article précédent (problème éthique), est l’effectivité de cette démobilisation. Nous avons vu que lors des élections les pressions paramilitaires n’ont pas cessé malgré leur démobilisation. La violence, elle aussi, continue; le 25 février dernier, dans un département du Nord, un démobilisé a assassiné le maire d’un village, un autre a tué le commandant des forces de police…

Ajoutez à  cela que les paramilitaires détiennent le pouvoir économique dans les régions où ils se sont démobilisés, on peut alors douter grandement de l’efficience de l’application de cette loi. Il me semble assez juste de croire que la loi va permettre de légaliser des combattants, fatigués de se battre mais qui ne veulent pas perdre leur pouvoir illégalement acquis. Cependant, on ne peut pas conclure maintenant sur un processus si jeune alors que dans de nombreux pays la réussite d’un tel processus ne se mesure qu’après une quinzaine d’années.


 

 

Le problème éthique

La Ley de Justicia y Paz décrite dans l’article précédent pose un problème éthique sérieux. On a vu qu’elle accorde une amnistie partielle à  des combattants qui ont perpétré les pires crimes imaginables. La logique voudrait que l’on juge ces monstres et qu’après avoir révélé la vérité ils soient condamnés à  des peines dignes de ce nom. Pour cela il existe au niveau national comme international plusieurs possibilités. Les tribunaux mis en place après certains conflits nous donnent quelques exemples: le tribunal Nuremberg, celui du Rwanda ou de Yougoslavie. Ces tribunaux ont l’avantage de condamner des coupables, ils ont aussi l’avantage de fortifier le droit international, d’envoyer un message fort aux criminels. Cependant dans certains cas on s’est rendu compte qu’ils étaient contre-productifs pour plusieurs raisons: tout d’abord, car ils cherchent des responsabilités et pas forcément la vérité. Dans de nombreux cas la vérité est plus importante que la responsabilité, car elle permet aux victimes de pouvoir continuer à  vivre et de vouloir construire quelque chose d’autre. Un tribunal ne garanti en rien la réconciliation de la population.

L’autre point négatif d’un tribunal est qu’il nécessite une victoire militaire claire, parce qu’il est presque impossible d’imaginer des criminels de guerre rendre les armes en sachant qu’ils vont passer le reste de leur vie en prison.

Tout ceci est vrai pour les tribunaux qu’ils soient nationaux ou internationaux. Dans le cas d’un tribunal national il est nécessaire d’avoir des institutions fortes et à  tendance démocratique, le cas inverse conduirait probablement à  un retour au conflit.

L’alternative qui a été proposée dans de nombreux cas est la création de commissions de vérité. L’Afrique du sud est un exemple mais le Salvador et le Guatemala en sont d’autres. Autant dans le cas sud-africain on peut parler de réussite (même si le processus n’a pas été parfait) autant ce n’est pas le cas au Salvador.

A nouveau les valeurs démocratiques des institutions en place sont importantes, car un gouvernement peut refuser les conclusions de la commission. Ce qui a été le cas au Salvador.

L’ultime solution est l’amnistie. Mais pourquoi amnistier des monstres qui ont enlevé, torturé, massacré… La réponse est “pour la Paix et la Démocratie”. Je sais la paix et la démocratie ont bon dos, surtout ces temps. Mais dans un cas, comme la Colombie, où le conflit dure depuis une éternité, qu’aucune victoire militaire n’est prévisible avant très longtemps, que les institutions, même si elles se prétendent démocratiques, sont faibles et corrompues, l’amnistie peut être une solution. Elle peut arrêter les effusions de sang. Le politicien peut se permettre de mettre en application une telle idée, il peut être pragmatique contrairement au juriste. Le cas de la Namibie est un exemple dans ce domaine, elle a réalisé sa réconciliation à  travers des programmes de répartition des terres, de rééquilibration des richesses entre les blancs et les noirs. Le passé a été oublié avec le temps et 15 ans après la fin du conflit il ne s’est toujours rien passé.

Cependant ce “pragmatisme” peut aussi se révéler inadéquate s’il n’existe pas une volonté à  long terme de fortifier les institutions. Cela peut être une étape pour la paix, mais pas un but en soi.

Pour cela les amnistiés se doivent non seulement de rendre les armes mais aussi de garantir de ne plus user de leur pouvoir de pression qu’il soit politique ou économique. Là  est la grande inconnue de la Colombie: que font les démobilisés?

Pour aller plus loin