Uribe, antidémocrate?

Le président Alvaro Uribe se fait appeler depuis quelques semaines “président candidat” pour nous rappeler que la campagne électorale colombienne bat son plein. Cependant il reste fidèle à  lui-même: il ne répond pas aux questions qu’on lui pose, continue ses grandes promesses médiatiques et n’argumente jamais ses décisions. Comme toujours il soigne son image et pour cela il est prêt à  tout.

Depuis une semaine maintenant un scandale, sans égal depuis 10 ans, tente avec grande peine d’éclater. La principale revue d’actualité hebdomadaire du pays, Semana, a mis à  jour, après une longue investigation, les différents liens entre le gouvernement actuel et les paramilitaires, ainsi qu’une immense fraude lors de l’élection du présidentielle de 2002.

Les départements du Nord du pays, sous contrôle paramilitaire, auraient “exagéré” leur soutien au candidat Uribe. La fraude, de plus de 300 000 votes (sur 10 millions) a permis, selon les journalistes, d’éviter un 2e tour aux élections présidentielles.

La deuxième partie du scandale est le résultat de la première, Uribe pour remercier ses fidèles a offert un certains nombres de postes, notamment ceux des services secrets (DAS), à  des proches des paramilitaires. Avec la mise en place de la politique de “sécurité démocratique” le DAS a eu un rôle grandissant. Les écoutes, les fouilles et la persécution de syndicalistes, journalistes et défenseurs des Droits de l’homme sont devenu monnaie courante du gouvernement. Le directeur informatique du DAS, Mr Rafael Garcà­a, a commencé à  parler et affirme qu’il aurait eu connaissance d’une liste de syndicalistes et d’intellectuels livrée par le DAS aux milices d’extrême droite. Un certain nombre d’entre eux ont été assassinés ou ont du s’exiler. Mr Garcà­a assure aussi que l’élection d’Uribe doit beaucoup au soutien financier et pratique de “nombreuses personnes liées au trafic de drogue”.

Suite à  ce genre d’informations il était normal d’attendre de la part du président un semblant d’explication. A la place, Uribe a tenu un discours, des plus abjecte, à  l’encontre de la presse.

Il a attaqué, de manière frontale, les journalistes et la revue qui a publié les articles en les jugeant “frivole” et “irresponsable”. Il les accuse de mener une campagne “contre les institutions démocratiques”.

Le Che disait que la Colombie, la plus vieille démocratie d’Amérique Latine, était le pays qui réprimait plus les libertés individuelles que tous les autres pays qu’il avait alors visités. On peut penser, malheureusement, que c’est encore vrai.

De plus, le seul quotidien distribué sur tout le territoire, El Tiempo, ne soutient pas son homologue Semana, il faut dire que les propriétaires sont de la famille du vice-président et que la rédaction a annoncé son soutient au président depuis fort longtemps.

Il ne nous reste plus qu’à  compter sur l’opposition politique pour espérer que l’affaire soit réellement abordée. Les débats ont commencé au congrès et normalement le thème est à  l’ordre du jour le 2 mai, cependant les élus pro-uribe contre attaque déjà  en disant que les questions posées ne sont pas correctes car elles se basent sur le fait qu’il y a eu une agression du président contre la presse…


Avec le non-respect constitutionnel pour sa réélection, le financement de sa campagne avec de l’argent de la drogue, l’utilisation des services de l’Etat pour réaliser des pressions contre ses opposants, les fraudes électorales, son conservatisme à  outrance, son goût pour la politique spectacle et sa main dure, la comparaison d’Uribe avec l’ancien président péruvien Fujimori devient inévitable.

Désarmer Bogotá?

Légaliser le port d’arme pour mieux contrôler les armes en circulation? Ou interdire toutes armes sauf celles des forces de l’ordre?

La gauche démocrate semble avoir résolu la question: le Maire de Bogotà¡, Lucho Garzà³n a envie de désarmer la ville et pour cela il est en train de mettre en place un référendum.

Le but est que le peuple puisse faire contrepoids à  un gouvernement et un congrès conservateurs. Les conservateurs, avec les militaires, ne veulent en aucun cas d’une interdiction de port d’armes. Plusieurs raisons sont invoquées, la principale est que tout le monde possède le droit à  se défendre. Il est relativement facile de savoir à  quoi nous mène ce genre d’idées. Il suffit de comparer le nombre de meurtres entre les pays où le port d’arme est autorisé avec ceux où il est illégal. Michael Moore, dans le film Bowling For Colombine, nous montre le cas des Etats-Unis, tristement célèbre. Le film Elephant est un autre exemple. L’Organisation Mondiale de la Santé a fait une étude qui montre que les armes n’apportent en aucun cas plus de sécurité à  celui qui la porte mais au contraire elles augmentent le risque qu’un simple vol se transforme en un fait fatal. Ceci semble logique.

Les militaires s’opposent à  cette interdiction est le revenu rapporte la vente des armes et surtout des permis. Les permis représentent environ 1800 millions de pesos (720 000 €) par année, cette somme permettrait aux militaires de maintenir en état tous leurs logements. Ceux-ci contestent et prétendent que cela ne représente que 5% de tous leurs revenus.

Cependant la Mairie de Bogotà¡ ne base sa volonté ni sur des questions d’argent ni sur la comparaison avec d’autres pays mais simplement sur le fait que les vols et les attaques sont de plus en plus souvent avec armes. Le problème est qu’en Colombie il est, apparemment, relativement facile de trouver des armes sur le marché noir. Deux raisons à  cela: la première, évidente, est due au conflit présent, la seconde est un peu plus complexe et donne un argument de choc pour défendre cette proposition. Les permis de port d’arme doivent être renouvelés régulièrement et coûtent cher, de plus si cela n’est pas fait dans les temps l’amende est lourde. Alors, ce qui se passe souvent est que les possesseurs d’armes les déclarent volées et les revendent au marché noir. Le résultat statistique est lourd: pour 100 armes en circulation on estime que seules 15 sont légales.

Le but de ce blog n’est pas de militer pour la politique du maire (de plus je doute avoir un quelconque impact) j’espère vraiment que cette proposition sera entendue pour tenter, tout au moins, un pas vers une ville plus paisible!

La Vérité?

Hier je parlais de l’espoir de renforcer la démocratie, aujourd’hui je pourrais seulement ajouter que le chemin va être long, très long.

Comme prévu les amis d’Uribe ont gagné la majorité au Congrès et au Sénat, les surprises viennent plutôt de l’échec de certains candidats. Plusieurs figures connues n’ont pas réussi leur passage (comme deux anciens maires de Bogotà¡), le vote a puni les candidats indépendants. Pour être élu hier il fallait être membre d’un parti !

Les libéraux sont loin d’avoir convaincu, mais il paraît qu’ils sont en train de se restructurer… alors il faut être patient. Le pôle démocratique a progressé, un peu, juste suffisamment pour combler la perte de vitesse des libéraux. Son rôle de parti de l’opposition en est renforcé, et après seulement 4 ans d’existence il doit prouver sa capacité à  être critique et constructif. Il a la possibilité de créer le débat, celui qui m’a tant manqué pendant la campagne !

La guérilla se compte aussi parmi les perdants, elle prétendait saboter les élections, elle a échoué. Bien sûr quelques attentats ont fait des victimes, mais dans les régions où elle a menacé tout le monde, le taux de participation est plus élevé qu’en 2002. La population de ces régions, a pris son courage à  4 mains…

Quant aux paras ils ont à  peu près respecté les pronostics, même s’ils ont privilégié les politiciens traditionnels à  leurs membres. Mais pas de soucis pour eux, ce sont des politiciens « amis », ils ont simplement l’avantage d’être un peu plus crédibles aux yeux de la population.

On pourrait conclure en disant que tout s’est bien passé, comme prévu à  quelques détails près. Mais ce serait oublier le plus important. Comme le font les soi-disant gagnants de ces élections. Quelle légitimité ? Que valent les 70% des sénateurs pro Uribe ? Sans revenir sur les pressions et la corruption on peut simplement regarder la composition des votes : Tout d’abord le taux d’abstention (presque record) est de 60%, 3% de vote blanc (il y avait une case pour voter blanc), 4% des votes ont été annulés, car mal remplis, 1% n’ont pas été rempli du tout.(source)

Ce qui veut dire que les élus ne représentent que 32% des électeurs inscrits !

La légitimité d’Uribe est quelque peu ternie, mais je l’imagine mal analyser ces chiffres et se dire qu’il se trompe sur sa méthode. Car il va sûrement continuer sa politique guerrière, sa libération du marché et sa collaboration avec les US en oubliant que la Colombie a besoin de ses voisins pour se développer… etc.

Mais j’espère surtout qu’il va continuer ses gaffes monumentales telles qu’attaquer les FARC en territoire équatorien, monter de toutes pièces une démobilisation d’une partie des FARC avec des militaires et en récupérant du matériel saisi par l’armée, comme si c’était du cinéma bon marché… J’espère tout ça pour qu’il se plante comme son idole Mr Bush et qu’il retourne faire du cheval dans son ranch pour, peut être enfin, laisser la place à  la justice et la paix dans ce pays !

L’autre possibilité est qu’il devienne fou, je ne sais pas encore ce qui est mieux.

Un Dimanche pas comme les autres

Un dimanche à  Bogotà¡ est toujours un plaisir, le soleil chauffe gentiment et rend nos réveils plus doux. Un petit dej’ bien complet avec des oeufs, du tamal et plein de fruits tropicaux nous permet de récupérer des samedis soir agités et de nous lancer sur la ciclovà­a pour profiter des immenses avenues de la ville, pour une fois sans aucun gaz !

Ce dimanche n’a rien eu de commun avec les précédents. Les élections sont un événement qui ne se prend pas à  la légère :

Pour commencer la gueule de bois était simplement interdite par la loi. Depuis vendredi soir la ley seca interdit toute vente d’alcool, les bars et boîtes de nuit restent fermés tout le week-end.

Ensuite la ciclovà­a n’a pas lieu, tous les efforts sont concentrés pour l’organisation des élections.

Les contrôles à  l’entrée des bus ont doublé, les rues des bureaux de vote sont bouclées et encadrées par des militaires bien armés. Bref l’aspect de la ville est quelque peu transformé pour ce jour si spécial.

Cependant les gens sont détendus et paraissent heureux. Oui heureux d’aller voter. C’est qu’ici, à  Bogotà¡, on ne craint pas les fraudes ni les pressions des groupes armés, alors c’est un jour de fête, de sortie en famille…

En arrivant au bureau de vote central (pour les personnes qui ne se sont pas inscrites dans leur quartier) j’aperçois la plus longue file d’attente jamais vue dans ma vie !

Les gens, bien alignés, plus ou moins deux par deux, forment une ligne d’au moins 600 mètres, c’est vraiment impressionnant !

Mais cela avance très vite, les postes sont répartis par numéro de carte d’identité et tout le monde sait où aller … La queue était juste pour la fouille à  l’entrée du site.

En fait c’est très clair et très bien organisé, selon mes informateurs, car moi je dois rester dehors, seul les électeurs ont le droit d’entrer !

La journée se passe et les bureaux ferment à  16h, les résultats sont annoncés au fur et à  mesure du dépouillement … la tension au sein des partis doit être forte !

Et, hormis les départements dont j’ai parlé dans mon article précédent (qui ne représentent qu’un tiers du pays), il existe beaucoup d’espoir. L’enjeu est grand pour le pôle démocratique et les libéraux, car même si on sait déjà  qu’Uribe va être majoritaire au Sénat et au Congrès, le but de ces deux partis est de faire avancer la démocratie, de la consolider…

Demain, lundi, est le jour de la vérité.

Le Jour J

à‡a y est! C’est parti! Ce dimanche c’est les élections!

Grand moment pour la Colombie, grand moment pour moi aussi car c’est les premières élections que je vais suivre en direct. Les contrôles se sont intensifiés, les affiches et hommes sandwichs pullulent. Les publicités télévisées s’enchaînent.

Mais étrangement il me semble que le débat politique est le grand absent de ces élections. Ayant l’habitude d’assister à  des débats d’idées (plus ou moins) de nos campagnes électorales européennes je suis passablement surpris des sujets discutés ici. On entend parler que de réforme du congrès ou de corruption. Plusieurs journalistes s’époumonent en dénonçant les pressions des groupes armés, quelques candidats se risquent à  le faire, mais la majorité continue en proposant de “reconstruire” la Colombie…

Alors ma question est simple: comment? Pour avoir une réponse j’ai dû aller à  un meeting d’un parti. Une réunion bien fermée (moins de 100 personnes) où une candidate nous explique son programme. Elle aborde plusieurs thèmes et elle a beaucoup d’idées: réforme agraire, droits humains … etc. C’est très intéressant. Mais alors pourquoi en public, à  la télé on n’assiste pas à  ce genre de chose?

Une seule réponse me vient à  l’esprit: sur la vingtaine partis en compétition, 6 ou 7 sont importants. De ces partis, qui peuvent lancer un débat, seul 2 sont contre le président actuel (Uribe). Seul 2 s’opposent à  la réélection. Les libéraux et le pôle démocratique. Le problème qu’ils ont est qu’ils ne peuvent pas aborder des thèmes trop à  gauche, de peur d’être accusé de guérilleros. Le résultat électoral qui s’en suivrait, serait alors catastrophique.

Comme je l’ai déjà  mentionné, les FARC ne font pas avancer le débat…

Cependant je parle ici de Bogotà¡, la “zone libre” avec le centre du pays … alors imaginez les zones où sont présents les groupes armés. Un petit tour d’horizon des départements concernés, une zone (au sud du pays) contrôlée par les FARC et l’autre (tout le nord du pays) contrôlée par les “ex” paras, nous donne une idée de ce que peuvent être les élections en Colombie :

Zone FARC :

Caquetà¡: il est impossible de faire campagne en campagne. Les FARC l’ont interdit. Le seul lieu ou la les candidat ont pu se déplacer est la capitale Florencia.

Guaviare : dans ce département les FARC ont interdit aux candidats de s’inscrire… Actuellement les militaires ont repris la capitale, mais il est difficile de faire de la politique avec la menace des paramilitaires encore présents, et des FARC qui tentent de récupérer leur territoire.

Zone “ex” Paramilitaire :

Santander: apparemment il n’y a pas de pression directe, cependant les campagnes des partis proches des paras ont un budget démesuré.

Norte de Santander: grosse présence de groupes armés. La population a demandé qu’on ne marque pas l’index avec l’encre indélébile, comme il se doit, pour éviter des représailles.

Antioqua: région avec un passé de violence politique, les paras ont déjà  tué plusieurs politiciens. Mais avec la démobilisation plusieurs leaders paras sont entrés en politique et il est possible de les retrouver sur certaines listes pour la ville de Medellin.

Cordoba: c’est une des régions mères du paramilitarisme … d’après Semana, les leaders para décident et dirigent tout. Dans cette région il n’y a presque pas de candidat de gauche.

Bolivar: Cartagena (la capitale) rime avec corruption, clientélisme, alliances familiales… le candidat principal est le fils de la « gérante » du département. La Dame décide tout, la drogue, le business, les paras … D’autres candidats ? Non la dame ne veut pas trop.

Cesar: Les paras se sont démobilisés. Comme dans les précédents départements mais là  elle à  l’air plus effective. Le parti de gauche peut faire campagne et apparemment ça marche. Ils craignent bien sûr les représailles mais, pour l’instant, rien de concret.

Magdalena: lors des dernières votations le candidat de la droite conservatrice a obtenu 90% des votes. La démobilisation devrait permettre cette fois des élections un peu plus libre. Mais les gens ont peur d’aller voter car les paras maîtrise les bureaux de vote. Donc les élections 2006 ne seront pas très différentes des précédentes. Il y aura juste plus d’un candidat…

Atlà¡ntico: Barranquilla, c’est l’autre paradis du clientélisme et des fraudes : une enquête a montré des irrégularités concernant 63% des cartes d’identités enregistrées.

L’avantage est que les résultats, dans ces régions, sont connus d’avance. Il reste cependant tous les autres départements et là  il est possible de rêver d’une nette avancée des partis plus démocratique. Les libéraux ont de bonne chance d’augmenter leurs nombres d’élus et on espère que le pôle démocratique gagne un peu de terrain. Ensuite, on s’attend, ou on espère, une alliance de ces deux partis pour les présidentielles, qui auront lieu dans 2 mois, avec comme but d’emmener le “seigneur” Uribe au 2e tour.

Ce serait déjà  une victoire.

 

Source

Campagne Colombienne

 

Les campagnes électorales suisses : des débats enflammés, des politiciens hystériques qui crient dans les rues, des affiches qui pullulent dans tous les coins, des militants qui manifestent leur foi en leur candidat. Bref, le pays s’enflamme pour quelques temps avant de retomber dans sa tranquillité légendaire…

Ceci ce passe dans mes rêves les plus profonds, car le débat politique suisse est bien organisé, très civilisé et on aime le dire. On se retrouve tous et on discute autour d’une table.

En Colombie, j’en suis sûr, le potentiel existe pour que les campagnes électorales soient comme dans mes rêves : pétillantes et passionnantes. Les Colombiens ont l’énergie et l’hystérie pour s’emballer dans un débat politique, pour faire vivre une démocratie.

Cependant, la situation de conflit dans laquelle se trouve le pays depuis si longtemps, ne permet pas un épanouissement du débat politique.

Le président Uribe a beau dire que la Colombie est une démocratie (et c’est vrai), les droits et les libertés sont quelque peu différentes de celles qu’on connaît outremer.

En fait, ce cher président ressemble étrangement à  Bush, c’est un peu son petit frère. C’est un puritain qui aime l’armée et les chevaux. Il aime tellement l’armée qui l’a envoyée partout dans le pays pour écraser la guérilla. Quelque soit le prix. Du cheval il en fait à  une heure du matin dans le « Parque Nacional » en plein centre de Bogotà¡ et peu l’importe s’il doit réveiller la moitié du bataillon de la ville pour sa protection.

Son côté obscur réside dans ses liens avec les paramilitaires. Ses liens ne sont pas si obscurs car, en ce moment le soupçon qu’une partie de ses fonds de campagne proviennent du narcotrafic se camoufle entre les lignes des nouvelles colombiennes. Son « aura » est telle que le scandale a peu de chance d’éclater réellement. De plus c’est un homme de confiance, il fallait bien remercier ce petit geste financier alors, il a amnistié tous les paramilitaires qui voulaient rendre leur armes. Leurs crimes (pire que notre l’imagination nous le permet) ne seront jugés que si quelqu’un veut les dénoncer (( J’aborderai ce thème de manière plus approfondie dans un autre article. )) .

Le résultat de ce magnifique plan de paix est que maintenant 25’000 bourreaux se promènent en toute liberté et impunité.

Il est facile d’imaginer qu’une campagne électorale dans ses conditions est vite tendue. Les régions qui étaient sous l’emprise des paramilitaires le restent avec la différence que ceux-ci peuvent se présenter aux élections. Dès le mois de janvier Amnesty International a commencé à  dénoncer cette situation (rapport d’Amnesty). Il faut dire que plusieurs journalistes ont reçu des menaces de mort, à  ce jour quatre candidats ont été assassinés et nombreux sont ceux qui ont été menacés. « On savait comment allait être la campagne, l’important est de faire très attention à  soi et de ne pas se laisser intimider » (( Ya todos sabà­amos cà³mo iba a ser la campaà±a, lo importante es cuidarse mucho y no dejarse intimidarsemana )) nous dit Gustavo Petro du parti Polo Democratico Alternativo (gauche).

Cependant il ne faut pas croire que les menaces sont le monopole des « ex » paramilitaires, la guérilla use aussi ce procédé dans les régions qu’elle maîtrise. Il est d’ores et déjà  possible d’établir une carte des résultats du moment où l’ont connaît les déplacements des forces en présence.

Les seuls lieux où on aperçoit encore la lumière de la liberté ce sont les grandes villes comme Bogotà¡. Mais là  encore il ne faut pas trop rêver, les quartiers défavorisés ne sont pas des havres de paix. Les leaders de gauche se voient confinés à  la maison s’ils veulent pouvoir continuer leur lutte après les élections.

Il ne nous reste plus qu’à  se demander : mais que fait la police ? Où est l’armée ? La réponse est simple : elles obéissent au Président.



A gauche toute!

« A gauche toute !»
C’est le nouveau slogan en Amérique du Sud. Après Chavez, Lula, Kirchner voilà  que Evo Morales est élu en Bolivie et Michelle Bachelet au Chili.

En regardant une carte d’Amérique Latine on voit que la gauche est en pôle position. Elle est favorite au Pérou et au Mexique. La Colombie est la tache sur cette belle perspective apparente. Je dis apparente car en réalité ce n’est pas une gauche unie et solidaire qu’on trouve en Amérique Latine mais plusieurs.

En effet, en regardant d’un peu plus près, on peut voir que l’équipe de Chavez ne fait pas l’unanimité. Michelle Bachelet, première femme au pouvoir dans un pays latino, est la continuation du pouvoir en place. Son élection est logique car le gouvernement satisfait en majorité les chiliens, l’économie se porte assez bien, la réconciliation avance …etc.

Cependant le modèle économique utilisé est toujours le même. C’est-à -dire celui instauré par Pinochet qui est, et pas grand monde ne le contredit, un système vraiment intéressant et sain.

Or ce système économique se rapproche de celui de la Colombie et du Mexique et son développement logique est l’entrée dans un marché commun avec les Etats-Unis. Donc on imagine facilement que le Chili, la Colombie et le Mexique s’allient pour faire avancer les négociations dans ce sens.

De l’autre côté on retrouve en tête de file notre ami démagogue Chavez avec ses camarades Castro, Lula, Kirchner, Morales et probablement Humala (candidat favori au Pérou). Cette ligue anti-Etats-Unis prône un système d’un capitalisme différent, où le FMI qui aligne bourde sur bourde rentrerais à  la maison (mais pour cela il faut avoir les moyens). Cette ligue avance plus dans une direction de marché commun sans les Etats-Unis. Il essaye petit à  petit de se défaire de la politique de bon voisinage américaine, de gagner en indépendance. Le Brésil et l’Argentine ont, en décembre, payé par avance des dettes qu’ils ont avec le FMI. Le but est bien sûr de réduire les intérêts à  payer mais c’est aussi une manière de gagner en indépendance économique.

Plusieurs gauches sont donc présentes, et même si elles partagent de nombreuses valeurs communes, les intérêts de chaque pays resteront probablement les facteurs principaux des politiques extérieures de chacun. Je ne crois pas encore dans l’alliance sud-américaine contre le grand voisin du Nord même si celui-ci perd un peu de son influence.

Chavez une star?

On connaît tous le très people Chavez. Il est partout, c’est l’homme de l’année en Amérique du Sud, la nouvelle référence du mouvement alter mondialiste. Au point qu’un Forum Social s’est déroulé à  Caracas. Chavez La Star, crie à  l’Assemblée Générale ce que beaucoup pensent tout bas et nous rappelle son ami Fidel dans ces heures de gloire. Bush est son terroriste… il en faut un à  chacun pour être heureux.

Il adore les grands coups médiatiques, où il est sûr de se faire des ennemis comme lorsqu’il envoie du pétrole aux familles pauvres de Boston, ou lorsque qu’il achète des tracteurs en Iran.

C’est un démagogue, aucun doute possible. Il aime le pouvoir c’est sûr aussi, l’assemblée est prête à  voter une loi pour la réélection infinie. Pourtant comme le souligne Semana (du 26.12.2005 au 9.01.2006) son discours révolutionnaire en période de globalisation est un anachronisme. Certes la révolution socialiste des années 60 n’a plus aucun sens, mais Chavez a réussi à  donner vie à  son discours. En partie grâce à  Bush et son impérialisme forcené mais aussi, car il a su utiliser le pétrole. Il a compris que c’était une arme très puissante au niveau international et cela lui assure des alliés régionaux.

Le pétrole lui assure aussi un revenu bien conséquent qui lui permet d’investir dans l’éducation et la santé. Il est clair que les résultats ne sont pas instantanés mais le nombre d’analphabètes diminue progressivement. On peut penser à  Cuba où certes il y a de nombreuses carences mais la population reçoit une éducation relativement poussée par rapport à  ses voisins.

Mais Chavez, l’idole des alters, à  aussi une face obscur: c’est un ancien putschiste, et cette partie de l’histoire il l’a effacée des manuels scolaires. Grave? Je crois, oui. Personne n’est parfait et tout le monde le sait, alors pourquoi vouloir voiler l’histoire? Pourquoi vouloir biaiser le savoir? Investir pour l’éducation est problablement la meilleure chose que peut faire un gouvernement pour son pays mais aprendre des choses fausses, à  quoi ça sert?

On peut craindre alors que Chavez se Fidélise trop. Qu’il devienne un «président» indétrônable, que la liberté de la presse monopolisée n’ait plus le goût de la critique, que finalement l’histoire se répète. On peut craindre tout cela et c’est légitime mais on peut aussi espérer qu’il réussisse son pari. Pour qu’on puisse rêver encore quelques années qu’un monde meilleur est possible.