La météo des vagues politiques

UribeLe vent s’est gentiment levé, tout d’abord c’était trois petit élus du congrès qui était appelé à  comparaître devant la justice pour leur liens avec des paramilitaires. La participation de ses trois congressistes aux affaires paramilitaires était dénoncée depuis un certain temps par l’opposition, mais la justice a prit son temps. Rien de bien méchant, une petite veste suffisait au gouvernement pour se protéger, et bien que les congressistes soient membres du même parti qu’Uribe, celui-ci n’a pas senti le besoin de s’exprimer.

Mais les appelés ont commencé à  parler, sauf un qui n’a pas voulu se rendre, et le vent à  prit un peu de force. D’autres se sont aussi mis à  souffler et des vagues sont apparues. La cour a commencé à  appeler d’autres congressistes, dont le frère de la canciller (ministre des affaires étrangère). Celui-ci, pas très malin, ou simplement rancunier, a annoncé que s’il allait à  la justice il emmènerait sa soeur.

Le jour où il a été voir le juge, sa soeur l’a accompagnée. Elle a ensuite crié à  qui veut l’entendre que ce rendez-vous était prévu depuis longtemps et qu’il n’avait rien à  voir avec l’histoire de son frère. On peut douter, en tout cas si c’est vrai, elle aurait besoin de cour de politique pour apprendre à  annuler les rendez-vous mal placé. Maintenant non seulement l’opposition mais aussi certains dirigeants des partis uribistes demandent sa démission. Le président continue de la soutenir, contre vents et marées, mais qu’elle soit directement impliquée ou non, ne change pas l’image qu’elle peut transporter du pays. La suspicion peut être pire que la vérité, et un voyage est prévu en Europe en février…
Les vagues ont continué à  grossir lorsque la justice a rendu public la liste des charges contre l’ex-directeur du DAS (service secret colombien). Non seulement il est accusé d’enrichissement personnel mais aussi de lien avec les paramilitaires. Apparemment il y a des preuves comme quoi le DAS a été utilisé pour servir les intérêts des paramilitaires et des narcotrafiquants. Cette fois les vagues ont commencé à  entrer directement dans le palais présidentiel, l’ex-directeur du DAS, comme la ministre des affaires étrangères sont des personnes directement nommées par le président. Uribe est alors sorti avec sa planche de surf et a commencé sa gestion de catastrophe naturelle.

Tout d’abord il a fait un long très long rappel des histoires de corruption du pays, parlant de comment avait été élu le président en 1982, des liens de Samper avec les narco etc. etc. Ensuite, et là  on peut lui attribuer un titre, il nous explique que toute cette tempête a lieu grâce à  sa loi de justice et paix et que sans son travail on ne connaîtrait pas la vérité.

Mais sa plus belle sortie, et là  cela devient du grand surf, est lorsqu’il demande aux congressistes qui l’ont soutenu mais qui ne sont pas encore en prison d’aller voter les réformes sur la capitalisation d’Ecopetrol et sur le système d’impôt.
Pas encore directement touché, malgré deux plaintes contre sa personne, Uribe ne perd pas le nord, il veut faire approuver ses réformes.

La dernière mesure de prévention anti-tsunami a été d’envoyer les chefs paramilitaires confortablement gardé dans une belle “prison” dans un centre de détentions de haute surveillance. La mesure est expliquée car il existait un risque que certains s’échappent. D’autres prétendent que c’est pour éviter que ces mafieux ne deviennent trop bavard.

La tempête s’est transformée en raz de marée, et pour l’instant Uribe arrive majestueusement à  le surfer, cependant la situation a changé, sa crédibilité est écornée, la communauté internationale, qui finance en partie le processus de paix commence à  poser des questions. Le porte parole des paramilitaires annonce que le processus de paix est en pleine agonie, car le gouvernement ne respecte pas ses promesses. Plusieurs groupes se sont déjà  reformés. Les perspectives ne sont pas vraiment bonnes, et l’annonce d’un tsunami n’est pas à  exclure. Mais, bien que tout le monde attende la vérité il ne faudrait pas que le processus de paix se termine, tout irrespectueux des droits de l’homme qu’il est. Il vaut mieux savoir où sont les paras que de les avoir dans la nature avec des tronçonneuses.

Dépêche

Polo Democratico AlternativoIl y huit jours, une nouvelle est passée un peu inaperçue au milieu de l’énorme scandale qui touche actuellement la Colombie, et comme ma semaine fut particulièrement bien remplie je n’ai pas eu le temps d’en parler.

Dimanche dernier les élections internes du Polo Democratico Alternativo ont eu lieu et l’immense participation à  surpris plus les dirigeants du parti. L’année dernière environ 100’000 personnes s’étaient déplacées pour prendre part à  ces votations, cette année c’est plus de 500’000 qui sont devenus membres de ce parti. Les espérances ont été plus que dépassées, les organisateurs et les autorités ont été débordées, il manquait des bulletins, il a fallu prolonger l’ouverture des bureaux pour que tout le monde puisse voter.

L’image des longues queues à  travers tout le pays sont un excellent signe, non seulement pour le Polo qui se consolide, mais aussi pour la démocratie colombienne, qui petit à  petit acquiert une véritable opposition.

Au milieu de l’actuel scandale qui prend des proportions impressionnantes, le Polo a la possibilité de jouer un rôle clé. L’opposition est l’oxygène de la démocratie, la démocratie colombienne s’étouffe, un bon bol d’air lui fera le plus grand bien!

Chasse aux sorcières

le congrèsDepuis plusieurs mois des révélations plutôt embarrassantes touchent le parti de la U, le parti d’Uribe. De plus en plus de connexions avec les paramilitaires sont démontrées et le scandale commence vraiment à  prendre de l’ampleur car on ne parle plus seulement de détournement de fond ou de clientélisme mais de meurtres politiques et de massacres.

Les premières révélations viennent de la journaliste Claudia Lopez, qui dénonçait pendant les élections les méthodes des paramilitaires démobilisés. Après plusieurs mois d’enquête, le sénateur Pardo est revenu sur le thème est a démontré les liens de certains élu au congrès avec les paramilitaires. J’avais mentionné son discours il y a quelques temps. Le gouvernement s’est bien garder de soutenir l’enquête, et trois semaines après la justice s’est enfin décidée à  arrêter les congressistes. Devant l’évidence des faits, le gouvernement a du admettre que le processus en cour était comparable à  ce qui c’est passé avec Samper, il y a dix ans. Sa campagne avait été financée par les narcotrafiquants.

Les actuelles accusations sont bien plus graves, on parle d’organisation et promotion de groupes armés illégaux, appropriation de terres, meurtres aggravés, participations au massacre de plus de 20 paysans. Pour des élus le CV est plutôt diversifié.

L’approfondissement de l’enquête devrait mener à  une remise en question sérieuse de l’efficience de la Ley de Justicia y Paz, celle-ci établit que les paramilitaires doivent raconter tout ce qui c’est passé, dans le but de rétablir la vérité. Le doute s’installe, les critiques fusent, et le président devenu aveugle, sourd et muet a fini par dire que les congressistes devaient dire la vérité au pays, non! Sérieux président?

Son propre parti, le plus touché par les révélations, n’a jusqu’à  ce jour pas voulu s’exprimer. Pendant ce temps au congrès c’est la panique, la chasse aux sorcières a commencé… sauf que cette fois on chasse l’extrême droite…

Pendant ce temps les paramilitaires coulent des jours tranquilles dans des prisons de luxe, où chacun a sa petit chambre, avec toilette privée, télé, trois jours de visites par semaine, activités diverses, repas servi à  tables etc.

La paramilitarisation de l’Etat ne fait plus grand doute, mais le pouvoir exécutif, judiciaire et législatif sont d’uribiste, tout comme les différents organes de contrôles, la banque centrale, les services sociaux etc. Espérer un nettoyage radical est un doux rêve, mais c’est tout de même réjouissant de voir la justice se mêler un peu des affaires d’Etat.

Pathétique!

Voilà  comment on pourrait résumer l’actualité colombienne ces derniers jours. Mercredi dernier le sénateur Gustavo Petro a démontré les liens de certains sénateurs avec les paramilitaires, a dénoncé (avec à  l’appui d’un certain nombres de preuves) l’infiltration des paramilitaires dans l’ensemble de l’Etat. La gravité de ses accusations approche le célèbre “proceso 8000” qui est l’épisode le plus noir des 20 dernières années pour l’Etat colombien. Les liens du gouvernement avec les narcotrafiquants avaient détruit toute crédibilité des politiciens.

La première anecdote bien pathétique est que le discours de Petro était diffusé à  la télévision nationale et comme par hasard la transmission n’a pas fonctionnée dans toute la région du nord du pays, les “terres paramilitaires” n’ont pas eu droit à  la vérité. Problème technique paraît-il, étrange le problème technique s’est produit au moment où Petro prenait la parole pour se régler à  la fin de son discours.

Jusque là  tout allait bien, dans la mesure du possible bien sûr. Uribe changeait de discours, on commençait même à  croire qu’il s’était détendu … Mais non!

Le lendemain un attentat avait lieu dans l’école de guerre de Bogotà¡, toute l’attention s’est alors dirigée sur les restes de cette voiture oubliant les allégations de Petro;

Uribe profitait alors pour nous faire un magnifique discours de seigneur de guerre accusant les FARC d’être responsables de l’attentat et donc de tuer tout espoir de discution. Le président exclut donc tout échange humanitaire, la seule manière pour les pauvres otages de sortir un jour de la jungle est grâce à  une intervention militaire. Autant dire que la seule sortie possible est entre 4 planches.

Les FARC ont déjà  nié leurs responsabilités dans l’attentat, et bien que ce ne soit pas vraiment des personnes de confiance on peut largement douter de leur implication dans l’attentat. Quant à  Uribe, il est vraiment content, il peut faire la guéguerre et dire à  la communauté internationale: j’ai essayé c’est eux qui n’ont pas voulu !

Les militaires aussi sont très content, ils ont eu peur pendant quelques semaines … une négociation, … ça mène à  la paix, c’est pas bon ça !

Pour se rendre compte à  quel point c’est pathétique il faut savoir qu’a la fin de son discours Uribe a été décrit par El Tiempo comme étant “redevenu l’homme qu’il était auparavant. Le guerrier de toujours. Son visage le disait. Il était radieux.”

Le soir même dans toutes les casernes du pays une fête spontanée a débuté, les militaires fêtant le retour de leur seigneur!

Merci à  Gustavo Petro d’avoir tenté d’apporter un peu de vérité sur la grande farce gouvernementale, une question me reste toutefois sans réponse: qui, parmi ceux qui ont un brin de pouvoir de décision, est d’accord de faire un effort pour la paix dans ce pays?

Fin des campagnes électorales

Ce week-end on a eu le plaisir d’assister au final des différentes campagnes électorales des candidats à  la présidence. Les élections vont se dérouler dimanche prochain et l’ambiance n’est pas vraiment au folklore.

Depuis quelque temps la campagne a pris une tournure qui n’a rien d’intéressant. Je me plaignais du manque de débat pour les élections du congrès et du sénat, et bien je ne sais plus quoi dire pour les élections présidentielles. Le débat s’est réduit malgré les efforts de nos 3 candidats non-présidents.

Il y a d’abord Mockus, ancien Maire de Bogotà¡, personnage intelligent et cultivé, qui a une expérience administrative longue et réussie. Il n’a aucune chance mais tente de discuter et il montre un respect envers les autres …

Ensuite Serpa, le candidat officiel libéral, un grand-père sympathique, le problème est qu’il n’est pas soutenu pas l’élite, même pas celle de son parti. Il vient du peuple et s’est payé l’uni en vendant des bricoles au coin de la rue. Cela n’empêche qu’il possède le Cv le plus complet de tous. Il a été juge, à  9 ou 10 niveau différent (municipal, etc. etc.) ensuite magistrat, congressiste, sénateur, ministre, ambassadeur, et j’en passe car je ne me souviens plus.

Le candidat du Polo Democratico, Gaviria, va probablement passer au deuxième tour contre Uribe. Ce n’est pas un politicien, mais un académicien, il manque de charisme mais son discours est vraiment intelligent. Depuis qu’il a commencé sa campagne les intentions de vote en sa faveur ont plus que doublé. Certain veulent le comparer avec Chavez, ou le présenter comme un communiste que veut donner le pays au FARC, c’est une erreur d’appréciation immense. Tout d’abord il n’a jamais eu un seul contact avec les FARC, ensuite il n’a pas grand chose de communiste. Son discours est très libéral (même parfois plus que Serpa), il ne veut en rien rompre les relations avec les USA, et au niveau économique il demande simplement que les traités (le TLC dans ce cas) soit juste… Comme personnage de gauche il défend bien sûr les droits de l’homme et le social, mais il ne veut pas rompre avec l’idée de renforcer la présence de l’Etat dans la société colombienne. Ce que fait Uribe avec l’augmentation de la présence militaire.

Leyva était candidat, il a renoncé après de nombreux problème de sécurité, principalement dans les régions Des-paramilitarisées, mais aussi car la loi de garantie n’était pas du tout respectée : normalement chaque candidat a droit à  un temps de parole égal dans les médias mais quand Uribe parle 7h les autres parlent 15 minutes…

La campagne d’Uribe a été marquée par des insultes contre les autres candidats, ou contre les étudiants qui ont osé le questionner sur sa politique économique. Son principal conseiller a dit que le pays avait 3 ennemis : les groupes terroristes, les amis des groupes terroristes (ONG, Journalistes..) et les académiciens…

Sinon la police a retrouvé le corps d’un conseiller d’un candidat (de gauche, comme par hasard). L’enquête a conclu à  une chute alors qu’il faisait son jogging et que les chiens de la rue lui auraient mangé les bras… Une autopsie privée nous dit que qu’il a reçu un coup à  la tête et que le bras on été coupé (c’est apparemment clair) pour éviter qu’on puisse voir les détails des tortures qu’il lui on été affligées aux mains.

L’autre moment fort était le meurtre de la soeur d’un ex-président, actuel chef du parti libéral et opposant à  Uribe.

Bien sûr le journal El Tiempo s’est empressé, comme à  chaque fois, de nous dire que c’était les FARC et que pour ça il fallait voter Uribe et sa politique de sécurité démocratique. Il faut dire que ce journal a réussit à  combler ce que ne disait pas Uribe qui n’a jamais voulu participer à  aucun débat. Le seul quotidien national s’est chargé de démontrer tous les jours à  quel point le président est bon, grand et gentil. Le problème est qu’on ne sait toujours pas ce qu’il va faire pendant son prochain mandat. Depuis 3 jours il parle de négocier avec les FARC, chose qui est totalement incohérente avec le reste de ses idées… Comment peut-on négocier avec des terroristes? Il existe aussi un bruit comme quoi il voudrait réformer le congrès. Les congressistes de son parti commencent à  avoir peur et préféreraient qu’il ne gagne pas au premier tour, car une reforme du congrès faite par Uribe veut dire une diminution du pouvoir du congrès, déjà  faible et une centralisation du pouvoir entre ses mains.

La tournure autoritaire du président devient évidente et même El Tiempo a du mal à  le cacher. Le seul point positif que j’ai réussit à  percevoir dans cette fin de campagne est le lent réveil de la population, les critiques contre les mensonges répétitifs du gouvernement et contre l’autoritarisme d’Uribe, le problème est qu’ici la gauche fait encore peur, comme si la révolution communiste allait se reproduire.

Uribe, antidémocrate?

Le président Alvaro Uribe se fait appeler depuis quelques semaines “président candidat” pour nous rappeler que la campagne électorale colombienne bat son plein. Cependant il reste fidèle à  lui-même: il ne répond pas aux questions qu’on lui pose, continue ses grandes promesses médiatiques et n’argumente jamais ses décisions. Comme toujours il soigne son image et pour cela il est prêt à  tout.

Depuis une semaine maintenant un scandale, sans égal depuis 10 ans, tente avec grande peine d’éclater. La principale revue d’actualité hebdomadaire du pays, Semana, a mis à  jour, après une longue investigation, les différents liens entre le gouvernement actuel et les paramilitaires, ainsi qu’une immense fraude lors de l’élection du présidentielle de 2002.

Les départements du Nord du pays, sous contrôle paramilitaire, auraient “exagéré” leur soutien au candidat Uribe. La fraude, de plus de 300 000 votes (sur 10 millions) a permis, selon les journalistes, d’éviter un 2e tour aux élections présidentielles.

La deuxième partie du scandale est le résultat de la première, Uribe pour remercier ses fidèles a offert un certains nombres de postes, notamment ceux des services secrets (DAS), à  des proches des paramilitaires. Avec la mise en place de la politique de “sécurité démocratique” le DAS a eu un rôle grandissant. Les écoutes, les fouilles et la persécution de syndicalistes, journalistes et défenseurs des Droits de l’homme sont devenu monnaie courante du gouvernement. Le directeur informatique du DAS, Mr Rafael Garcà­a, a commencé à  parler et affirme qu’il aurait eu connaissance d’une liste de syndicalistes et d’intellectuels livrée par le DAS aux milices d’extrême droite. Un certain nombre d’entre eux ont été assassinés ou ont du s’exiler. Mr Garcà­a assure aussi que l’élection d’Uribe doit beaucoup au soutien financier et pratique de “nombreuses personnes liées au trafic de drogue”.

Suite à  ce genre d’informations il était normal d’attendre de la part du président un semblant d’explication. A la place, Uribe a tenu un discours, des plus abjecte, à  l’encontre de la presse.

Il a attaqué, de manière frontale, les journalistes et la revue qui a publié les articles en les jugeant “frivole” et “irresponsable”. Il les accuse de mener une campagne “contre les institutions démocratiques”.

Le Che disait que la Colombie, la plus vieille démocratie d’Amérique Latine, était le pays qui réprimait plus les libertés individuelles que tous les autres pays qu’il avait alors visités. On peut penser, malheureusement, que c’est encore vrai.

De plus, le seul quotidien distribué sur tout le territoire, El Tiempo, ne soutient pas son homologue Semana, il faut dire que les propriétaires sont de la famille du vice-président et que la rédaction a annoncé son soutient au président depuis fort longtemps.

Il ne nous reste plus qu’à  compter sur l’opposition politique pour espérer que l’affaire soit réellement abordée. Les débats ont commencé au congrès et normalement le thème est à  l’ordre du jour le 2 mai, cependant les élus pro-uribe contre attaque déjà  en disant que les questions posées ne sont pas correctes car elles se basent sur le fait qu’il y a eu une agression du président contre la presse…


Avec le non-respect constitutionnel pour sa réélection, le financement de sa campagne avec de l’argent de la drogue, l’utilisation des services de l’Etat pour réaliser des pressions contre ses opposants, les fraudes électorales, son conservatisme à  outrance, son goût pour la politique spectacle et sa main dure, la comparaison d’Uribe avec l’ancien président péruvien Fujimori devient inévitable.

Désarmer Bogotá?

Légaliser le port d’arme pour mieux contrôler les armes en circulation? Ou interdire toutes armes sauf celles des forces de l’ordre?

La gauche démocrate semble avoir résolu la question: le Maire de Bogotà¡, Lucho Garzà³n a envie de désarmer la ville et pour cela il est en train de mettre en place un référendum.

Le but est que le peuple puisse faire contrepoids à  un gouvernement et un congrès conservateurs. Les conservateurs, avec les militaires, ne veulent en aucun cas d’une interdiction de port d’armes. Plusieurs raisons sont invoquées, la principale est que tout le monde possède le droit à  se défendre. Il est relativement facile de savoir à  quoi nous mène ce genre d’idées. Il suffit de comparer le nombre de meurtres entre les pays où le port d’arme est autorisé avec ceux où il est illégal. Michael Moore, dans le film Bowling For Colombine, nous montre le cas des Etats-Unis, tristement célèbre. Le film Elephant est un autre exemple. L’Organisation Mondiale de la Santé a fait une étude qui montre que les armes n’apportent en aucun cas plus de sécurité à  celui qui la porte mais au contraire elles augmentent le risque qu’un simple vol se transforme en un fait fatal. Ceci semble logique.

Les militaires s’opposent à  cette interdiction est le revenu rapporte la vente des armes et surtout des permis. Les permis représentent environ 1800 millions de pesos (720 000 €) par année, cette somme permettrait aux militaires de maintenir en état tous leurs logements. Ceux-ci contestent et prétendent que cela ne représente que 5% de tous leurs revenus.

Cependant la Mairie de Bogotà¡ ne base sa volonté ni sur des questions d’argent ni sur la comparaison avec d’autres pays mais simplement sur le fait que les vols et les attaques sont de plus en plus souvent avec armes. Le problème est qu’en Colombie il est, apparemment, relativement facile de trouver des armes sur le marché noir. Deux raisons à  cela: la première, évidente, est due au conflit présent, la seconde est un peu plus complexe et donne un argument de choc pour défendre cette proposition. Les permis de port d’arme doivent être renouvelés régulièrement et coûtent cher, de plus si cela n’est pas fait dans les temps l’amende est lourde. Alors, ce qui se passe souvent est que les possesseurs d’armes les déclarent volées et les revendent au marché noir. Le résultat statistique est lourd: pour 100 armes en circulation on estime que seules 15 sont légales.

Le but de ce blog n’est pas de militer pour la politique du maire (de plus je doute avoir un quelconque impact) j’espère vraiment que cette proposition sera entendue pour tenter, tout au moins, un pas vers une ville plus paisible!

La Vérité?

Hier je parlais de l’espoir de renforcer la démocratie, aujourd’hui je pourrais seulement ajouter que le chemin va être long, très long.

Comme prévu les amis d’Uribe ont gagné la majorité au Congrès et au Sénat, les surprises viennent plutôt de l’échec de certains candidats. Plusieurs figures connues n’ont pas réussi leur passage (comme deux anciens maires de Bogotà¡), le vote a puni les candidats indépendants. Pour être élu hier il fallait être membre d’un parti !

Les libéraux sont loin d’avoir convaincu, mais il paraît qu’ils sont en train de se restructurer… alors il faut être patient. Le pôle démocratique a progressé, un peu, juste suffisamment pour combler la perte de vitesse des libéraux. Son rôle de parti de l’opposition en est renforcé, et après seulement 4 ans d’existence il doit prouver sa capacité à  être critique et constructif. Il a la possibilité de créer le débat, celui qui m’a tant manqué pendant la campagne !

La guérilla se compte aussi parmi les perdants, elle prétendait saboter les élections, elle a échoué. Bien sûr quelques attentats ont fait des victimes, mais dans les régions où elle a menacé tout le monde, le taux de participation est plus élevé qu’en 2002. La population de ces régions, a pris son courage à  4 mains…

Quant aux paras ils ont à  peu près respecté les pronostics, même s’ils ont privilégié les politiciens traditionnels à  leurs membres. Mais pas de soucis pour eux, ce sont des politiciens « amis », ils ont simplement l’avantage d’être un peu plus crédibles aux yeux de la population.

On pourrait conclure en disant que tout s’est bien passé, comme prévu à  quelques détails près. Mais ce serait oublier le plus important. Comme le font les soi-disant gagnants de ces élections. Quelle légitimité ? Que valent les 70% des sénateurs pro Uribe ? Sans revenir sur les pressions et la corruption on peut simplement regarder la composition des votes : Tout d’abord le taux d’abstention (presque record) est de 60%, 3% de vote blanc (il y avait une case pour voter blanc), 4% des votes ont été annulés, car mal remplis, 1% n’ont pas été rempli du tout.(source)

Ce qui veut dire que les élus ne représentent que 32% des électeurs inscrits !

La légitimité d’Uribe est quelque peu ternie, mais je l’imagine mal analyser ces chiffres et se dire qu’il se trompe sur sa méthode. Car il va sûrement continuer sa politique guerrière, sa libération du marché et sa collaboration avec les US en oubliant que la Colombie a besoin de ses voisins pour se développer… etc.

Mais j’espère surtout qu’il va continuer ses gaffes monumentales telles qu’attaquer les FARC en territoire équatorien, monter de toutes pièces une démobilisation d’une partie des FARC avec des militaires et en récupérant du matériel saisi par l’armée, comme si c’était du cinéma bon marché… J’espère tout ça pour qu’il se plante comme son idole Mr Bush et qu’il retourne faire du cheval dans son ranch pour, peut être enfin, laisser la place à  la justice et la paix dans ce pays !

L’autre possibilité est qu’il devienne fou, je ne sais pas encore ce qui est mieux.

Un Dimanche pas comme les autres

Un dimanche à  Bogotà¡ est toujours un plaisir, le soleil chauffe gentiment et rend nos réveils plus doux. Un petit dej’ bien complet avec des oeufs, du tamal et plein de fruits tropicaux nous permet de récupérer des samedis soir agités et de nous lancer sur la ciclovà­a pour profiter des immenses avenues de la ville, pour une fois sans aucun gaz !

Ce dimanche n’a rien eu de commun avec les précédents. Les élections sont un événement qui ne se prend pas à  la légère :

Pour commencer la gueule de bois était simplement interdite par la loi. Depuis vendredi soir la ley seca interdit toute vente d’alcool, les bars et boîtes de nuit restent fermés tout le week-end.

Ensuite la ciclovà­a n’a pas lieu, tous les efforts sont concentrés pour l’organisation des élections.

Les contrôles à  l’entrée des bus ont doublé, les rues des bureaux de vote sont bouclées et encadrées par des militaires bien armés. Bref l’aspect de la ville est quelque peu transformé pour ce jour si spécial.

Cependant les gens sont détendus et paraissent heureux. Oui heureux d’aller voter. C’est qu’ici, à  Bogotà¡, on ne craint pas les fraudes ni les pressions des groupes armés, alors c’est un jour de fête, de sortie en famille…

En arrivant au bureau de vote central (pour les personnes qui ne se sont pas inscrites dans leur quartier) j’aperçois la plus longue file d’attente jamais vue dans ma vie !

Les gens, bien alignés, plus ou moins deux par deux, forment une ligne d’au moins 600 mètres, c’est vraiment impressionnant !

Mais cela avance très vite, les postes sont répartis par numéro de carte d’identité et tout le monde sait où aller … La queue était juste pour la fouille à  l’entrée du site.

En fait c’est très clair et très bien organisé, selon mes informateurs, car moi je dois rester dehors, seul les électeurs ont le droit d’entrer !

La journée se passe et les bureaux ferment à  16h, les résultats sont annoncés au fur et à  mesure du dépouillement … la tension au sein des partis doit être forte !

Et, hormis les départements dont j’ai parlé dans mon article précédent (qui ne représentent qu’un tiers du pays), il existe beaucoup d’espoir. L’enjeu est grand pour le pôle démocratique et les libéraux, car même si on sait déjà  qu’Uribe va être majoritaire au Sénat et au Congrès, le but de ces deux partis est de faire avancer la démocratie, de la consolider…

Demain, lundi, est le jour de la vérité.

Le Jour J

à‡a y est! C’est parti! Ce dimanche c’est les élections!

Grand moment pour la Colombie, grand moment pour moi aussi car c’est les premières élections que je vais suivre en direct. Les contrôles se sont intensifiés, les affiches et hommes sandwichs pullulent. Les publicités télévisées s’enchaînent.

Mais étrangement il me semble que le débat politique est le grand absent de ces élections. Ayant l’habitude d’assister à  des débats d’idées (plus ou moins) de nos campagnes électorales européennes je suis passablement surpris des sujets discutés ici. On entend parler que de réforme du congrès ou de corruption. Plusieurs journalistes s’époumonent en dénonçant les pressions des groupes armés, quelques candidats se risquent à  le faire, mais la majorité continue en proposant de “reconstruire” la Colombie…

Alors ma question est simple: comment? Pour avoir une réponse j’ai dû aller à  un meeting d’un parti. Une réunion bien fermée (moins de 100 personnes) où une candidate nous explique son programme. Elle aborde plusieurs thèmes et elle a beaucoup d’idées: réforme agraire, droits humains … etc. C’est très intéressant. Mais alors pourquoi en public, à  la télé on n’assiste pas à  ce genre de chose?

Une seule réponse me vient à  l’esprit: sur la vingtaine partis en compétition, 6 ou 7 sont importants. De ces partis, qui peuvent lancer un débat, seul 2 sont contre le président actuel (Uribe). Seul 2 s’opposent à  la réélection. Les libéraux et le pôle démocratique. Le problème qu’ils ont est qu’ils ne peuvent pas aborder des thèmes trop à  gauche, de peur d’être accusé de guérilleros. Le résultat électoral qui s’en suivrait, serait alors catastrophique.

Comme je l’ai déjà  mentionné, les FARC ne font pas avancer le débat…

Cependant je parle ici de Bogotà¡, la “zone libre” avec le centre du pays … alors imaginez les zones où sont présents les groupes armés. Un petit tour d’horizon des départements concernés, une zone (au sud du pays) contrôlée par les FARC et l’autre (tout le nord du pays) contrôlée par les “ex” paras, nous donne une idée de ce que peuvent être les élections en Colombie :

Zone FARC :

Caquetà¡: il est impossible de faire campagne en campagne. Les FARC l’ont interdit. Le seul lieu ou la les candidat ont pu se déplacer est la capitale Florencia.

Guaviare : dans ce département les FARC ont interdit aux candidats de s’inscrire… Actuellement les militaires ont repris la capitale, mais il est difficile de faire de la politique avec la menace des paramilitaires encore présents, et des FARC qui tentent de récupérer leur territoire.

Zone “ex” Paramilitaire :

Santander: apparemment il n’y a pas de pression directe, cependant les campagnes des partis proches des paras ont un budget démesuré.

Norte de Santander: grosse présence de groupes armés. La population a demandé qu’on ne marque pas l’index avec l’encre indélébile, comme il se doit, pour éviter des représailles.

Antioqua: région avec un passé de violence politique, les paras ont déjà  tué plusieurs politiciens. Mais avec la démobilisation plusieurs leaders paras sont entrés en politique et il est possible de les retrouver sur certaines listes pour la ville de Medellin.

Cordoba: c’est une des régions mères du paramilitarisme … d’après Semana, les leaders para décident et dirigent tout. Dans cette région il n’y a presque pas de candidat de gauche.

Bolivar: Cartagena (la capitale) rime avec corruption, clientélisme, alliances familiales… le candidat principal est le fils de la « gérante » du département. La Dame décide tout, la drogue, le business, les paras … D’autres candidats ? Non la dame ne veut pas trop.

Cesar: Les paras se sont démobilisés. Comme dans les précédents départements mais là  elle à  l’air plus effective. Le parti de gauche peut faire campagne et apparemment ça marche. Ils craignent bien sûr les représailles mais, pour l’instant, rien de concret.

Magdalena: lors des dernières votations le candidat de la droite conservatrice a obtenu 90% des votes. La démobilisation devrait permettre cette fois des élections un peu plus libre. Mais les gens ont peur d’aller voter car les paras maîtrise les bureaux de vote. Donc les élections 2006 ne seront pas très différentes des précédentes. Il y aura juste plus d’un candidat…

Atlà¡ntico: Barranquilla, c’est l’autre paradis du clientélisme et des fraudes : une enquête a montré des irrégularités concernant 63% des cartes d’identités enregistrées.

L’avantage est que les résultats, dans ces régions, sont connus d’avance. Il reste cependant tous les autres départements et là  il est possible de rêver d’une nette avancée des partis plus démocratique. Les libéraux ont de bonne chance d’augmenter leurs nombres d’élus et on espère que le pôle démocratique gagne un peu de terrain. Ensuite, on s’attend, ou on espère, une alliance de ces deux partis pour les présidentielles, qui auront lieu dans 2 mois, avec comme but d’emmener le “seigneur” Uribe au 2e tour.

Ce serait déjà  une victoire.

 

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