Un Dimanche pas comme les autres

Un dimanche à  Bogotà¡ est toujours un plaisir, le soleil chauffe gentiment et rend nos réveils plus doux. Un petit dej’ bien complet avec des oeufs, du tamal et plein de fruits tropicaux nous permet de récupérer des samedis soir agités et de nous lancer sur la ciclovà­a pour profiter des immenses avenues de la ville, pour une fois sans aucun gaz !

Ce dimanche n’a rien eu de commun avec les précédents. Les élections sont un événement qui ne se prend pas à  la légère :

Pour commencer la gueule de bois était simplement interdite par la loi. Depuis vendredi soir la ley seca interdit toute vente d’alcool, les bars et boîtes de nuit restent fermés tout le week-end.

Ensuite la ciclovà­a n’a pas lieu, tous les efforts sont concentrés pour l’organisation des élections.

Les contrôles à  l’entrée des bus ont doublé, les rues des bureaux de vote sont bouclées et encadrées par des militaires bien armés. Bref l’aspect de la ville est quelque peu transformé pour ce jour si spécial.

Cependant les gens sont détendus et paraissent heureux. Oui heureux d’aller voter. C’est qu’ici, à  Bogotà¡, on ne craint pas les fraudes ni les pressions des groupes armés, alors c’est un jour de fête, de sortie en famille…

En arrivant au bureau de vote central (pour les personnes qui ne se sont pas inscrites dans leur quartier) j’aperçois la plus longue file d’attente jamais vue dans ma vie !

Les gens, bien alignés, plus ou moins deux par deux, forment une ligne d’au moins 600 mètres, c’est vraiment impressionnant !

Mais cela avance très vite, les postes sont répartis par numéro de carte d’identité et tout le monde sait où aller … La queue était juste pour la fouille à  l’entrée du site.

En fait c’est très clair et très bien organisé, selon mes informateurs, car moi je dois rester dehors, seul les électeurs ont le droit d’entrer !

La journée se passe et les bureaux ferment à  16h, les résultats sont annoncés au fur et à  mesure du dépouillement … la tension au sein des partis doit être forte !

Et, hormis les départements dont j’ai parlé dans mon article précédent (qui ne représentent qu’un tiers du pays), il existe beaucoup d’espoir. L’enjeu est grand pour le pôle démocratique et les libéraux, car même si on sait déjà  qu’Uribe va être majoritaire au Sénat et au Congrès, le but de ces deux partis est de faire avancer la démocratie, de la consolider…

Demain, lundi, est le jour de la vérité.

Le Jour J

à‡a y est! C’est parti! Ce dimanche c’est les élections!

Grand moment pour la Colombie, grand moment pour moi aussi car c’est les premières élections que je vais suivre en direct. Les contrôles se sont intensifiés, les affiches et hommes sandwichs pullulent. Les publicités télévisées s’enchaînent.

Mais étrangement il me semble que le débat politique est le grand absent de ces élections. Ayant l’habitude d’assister à  des débats d’idées (plus ou moins) de nos campagnes électorales européennes je suis passablement surpris des sujets discutés ici. On entend parler que de réforme du congrès ou de corruption. Plusieurs journalistes s’époumonent en dénonçant les pressions des groupes armés, quelques candidats se risquent à  le faire, mais la majorité continue en proposant de “reconstruire” la Colombie…

Alors ma question est simple: comment? Pour avoir une réponse j’ai dû aller à  un meeting d’un parti. Une réunion bien fermée (moins de 100 personnes) où une candidate nous explique son programme. Elle aborde plusieurs thèmes et elle a beaucoup d’idées: réforme agraire, droits humains … etc. C’est très intéressant. Mais alors pourquoi en public, à  la télé on n’assiste pas à  ce genre de chose?

Une seule réponse me vient à  l’esprit: sur la vingtaine partis en compétition, 6 ou 7 sont importants. De ces partis, qui peuvent lancer un débat, seul 2 sont contre le président actuel (Uribe). Seul 2 s’opposent à  la réélection. Les libéraux et le pôle démocratique. Le problème qu’ils ont est qu’ils ne peuvent pas aborder des thèmes trop à  gauche, de peur d’être accusé de guérilleros. Le résultat électoral qui s’en suivrait, serait alors catastrophique.

Comme je l’ai déjà  mentionné, les FARC ne font pas avancer le débat…

Cependant je parle ici de Bogotà¡, la “zone libre” avec le centre du pays … alors imaginez les zones où sont présents les groupes armés. Un petit tour d’horizon des départements concernés, une zone (au sud du pays) contrôlée par les FARC et l’autre (tout le nord du pays) contrôlée par les “ex” paras, nous donne une idée de ce que peuvent être les élections en Colombie :

Zone FARC :

Caquetà¡: il est impossible de faire campagne en campagne. Les FARC l’ont interdit. Le seul lieu ou la les candidat ont pu se déplacer est la capitale Florencia.

Guaviare : dans ce département les FARC ont interdit aux candidats de s’inscrire… Actuellement les militaires ont repris la capitale, mais il est difficile de faire de la politique avec la menace des paramilitaires encore présents, et des FARC qui tentent de récupérer leur territoire.

Zone “ex” Paramilitaire :

Santander: apparemment il n’y a pas de pression directe, cependant les campagnes des partis proches des paras ont un budget démesuré.

Norte de Santander: grosse présence de groupes armés. La population a demandé qu’on ne marque pas l’index avec l’encre indélébile, comme il se doit, pour éviter des représailles.

Antioqua: région avec un passé de violence politique, les paras ont déjà  tué plusieurs politiciens. Mais avec la démobilisation plusieurs leaders paras sont entrés en politique et il est possible de les retrouver sur certaines listes pour la ville de Medellin.

Cordoba: c’est une des régions mères du paramilitarisme … d’après Semana, les leaders para décident et dirigent tout. Dans cette région il n’y a presque pas de candidat de gauche.

Bolivar: Cartagena (la capitale) rime avec corruption, clientélisme, alliances familiales… le candidat principal est le fils de la « gérante » du département. La Dame décide tout, la drogue, le business, les paras … D’autres candidats ? Non la dame ne veut pas trop.

Cesar: Les paras se sont démobilisés. Comme dans les précédents départements mais là  elle à  l’air plus effective. Le parti de gauche peut faire campagne et apparemment ça marche. Ils craignent bien sûr les représailles mais, pour l’instant, rien de concret.

Magdalena: lors des dernières votations le candidat de la droite conservatrice a obtenu 90% des votes. La démobilisation devrait permettre cette fois des élections un peu plus libre. Mais les gens ont peur d’aller voter car les paras maîtrise les bureaux de vote. Donc les élections 2006 ne seront pas très différentes des précédentes. Il y aura juste plus d’un candidat…

Atlà¡ntico: Barranquilla, c’est l’autre paradis du clientélisme et des fraudes : une enquête a montré des irrégularités concernant 63% des cartes d’identités enregistrées.

L’avantage est que les résultats, dans ces régions, sont connus d’avance. Il reste cependant tous les autres départements et là  il est possible de rêver d’une nette avancée des partis plus démocratique. Les libéraux ont de bonne chance d’augmenter leurs nombres d’élus et on espère que le pôle démocratique gagne un peu de terrain. Ensuite, on s’attend, ou on espère, une alliance de ces deux partis pour les présidentielles, qui auront lieu dans 2 mois, avec comme but d’emmener le “seigneur” Uribe au 2e tour.

Ce serait déjà  une victoire.

 

Source

Le périple divin de l’émeraude

La légende nous suggère que l’El Dorado se trouve en Colombie, et c’est une des grandes raisons pour laquelle je suis presque sûr de retrouver, un jour, une trace de Corto Maltese dans ce pays. (cf intro)

Mais pour attirer ce marin de légende, la Colombie possède d’autres atouts. Une motivation pourrait être la guérilla (on l’a déjà  vu en soutenir une, cf Tango) mais en regardant la tournure que celle-ci a pris, j’ai quelques doutes. Il y a l’or aussi, mais les mines s’épuisent par ici. De plus leur intérêt n’a jamais été vraiment fabuleux. Par contre l’émeraude est largement à  la hauteur de notre homme. Et la Colombie est le pays par excellence de ce bijou, qui nous rappelle la profondeur de la nature, puisque c’est ici qu’on trouve les plus belles et les plus grosses.

A travers l’histoire cette pierre a toujours provoqué une grande fascination, les anciens Incas et les Aztèques la vénéraient comme pierre sacrée. Ce joyau aurait une provenance divine:

Pour certains il s’agirait d’une pierre tombée du Ciel (lapis e coeli). Il est apparemment d’usage de relier cette lapis e coeli au célèbre et énigmatique épisode de la Bible tiré des prophéties d’Isaïe:

“14:12 Comment es-tu tombé du ciel, Astre brillant, Fils de l’Aurore? Comment as-tu été précipité à  terre…”

D’autres pour des raisons assez obscures, la prétendent adressée à  l’Ange déchu, Lucifer porteur initial de la Lumière Divine. Dans sa chute, l’Émeraude qu’il portait à  son front, symbole et signe de son dépôt, serait tombée sur le sol, en signe de déchéance. Les anges, non rebelles, l’auraient reprise et emportée au Ciel.

Finalement Richard Wagner dans son récit Lohengrin ne parle plus de l’Émeraude tombée du front de Lucifer qui est rapportée par les anges sur terre, mais bien la Coupe précieuse qui servit au Christ, le Graal:

Dans un pays lointain, inaccessible à  vos pas, se trouve un château nommé “Montsalvat”; un temple lumineux se dresse en son milieu, si précieux que sur Terre, rien de tel n’est connu; à  l’intérieur, un vase doté d’un pouvoir miraculeux y est gardé comme le Saint des Saints; pour être confié aux soins des plus purs parmi les hommes, il fut apporté par une troupe d’anges; chaque année, du ciel s’approche une colombe, pour fortifier de nouveau sa vertu miraculeuse.”

Corto est bien capable de venir dans ce pays lointain, pour affronter la troupe d’anges et tenter l’entrée dans “Montsalvat”. Il admirerait simplement le temple lumineux, pour ensuite entrer dans le jardin de Dieu, l’éternel printemps, et voir ce vert, vif, intense et profond qu’est l’émeraude.

L’analyse biblique de l’émeraude se poursuit et nous amène à  la comparaison entre Lucifer, porteur de lumière, et Prométhée, voleur du Feu des dieux. Alors se pose la question “Lucifer avait-il volé la Lumière pour la donner aux hommes?”

Je suis convaincu, à  nouveau, que la question pourrait préoccuper notre marin. Tout au moins pour justifier certains de ses actes ou amis. Même le diable serait capable d’aider l’humanité! Alors imaginez Raspoutine!

Il faut aussi penser que notre gentilhomme de fortune n’est point fou: une émeraude, qu’elle provienne de Lucifer ou non, peut valoir des millions de dollars. Alors pourquoi se priver d’une aventure enrichissante!

Bien sûr une telle entreprise ne s’improvise pas, il lui faut connaître les différentes réincarnations de la lumière de Lucifer à  travers l’histoire. La route de notre marin a dû être longue, car les premières émeraudes proviennent de l’époque des Pharaons égyptiens (3000-1500 avant notre ère) mais leur mines étaient déjà  épuisées quand elles furent redécouvertes. Ensuite, on retrouve la trace de l’émeraude dans les anciennes écritures sacrées de l’hindouisme. Elles étaient fort prisées pour leur pouvoir de guérison.

Apportaient-elles la protection de Lucifer?

 

C’est à  ce moment qu’apparaît l’une des plus grandes émeraudes du monde dite “du Grand Moghols”. Découverte en 1695, elle pèse 217,80 carats et mesure environ 10 cm. de haut. L’une de ses faces est couverte de textes de prières. Une autre comporte des ornementations florales foisonnantes, gravées dans la matière.

La couleur verte de cette semi divinité est aussi un symbole, que ce soit dans la Rome antique où c’était la couleur de Venus, déesse de l’amour et de la beauté, ou pour l’Islam où elle symbolise l’unité de leur religion.

 

D’un point de vue plus terrien (ou marin) l’émeraude est un silicate de béryllium et d’aluminium. Elle fait partie de la famille des béryls. Cependant le béryl pur n’a aucune coloration. La couleur n’apparaît que lorsque des traces de certains éléments s’ajoutent au processus d’élaboration. L’émeraude gagne sa couleur grâce aux traces de chrome.
De manière générale, ces éléments sont concentrés dans l’écorce terrestre à  des endroits complètement différents de ceux où se trouve le béryllium, de telle sorte qu’il ne devrait pas du tout exister d’émeraude!
Toutefois, au cours de bouleversements tectoniques d’importance extrême, ces éléments antinomiques ont été mis en contact. Le processus de cristallisation est dû à  des températures extrêmement élevées et à  des pressions gigantesques.

 

Lucifer interviendrait-il pour retrouver son bien?

 

On trouve la trace de ces forces immenses dans le coeur même de cette pierre. Ce processus impressionnant et brutal qui contribue à  la création de cette beauté incomparable laisse des traces: des fissures plus ou moins apparentes, un mini-cristal ou une petite bulle…

Connaissant tout cela il reste une question en suspend: Pourquoi la Colombie et pourquoi Bogotà¡? Tout d’abord, comme je l’ai dit plus haut la Colombie produit les plus grosses et les plus belles émeraudes, ensuite les gisements les plus important se situent dans un périmètre de 100 kilomètres autour de Bogotà¡. Alors comme pied à  terre Bogotà¡ est le lieu parfait. Corto ne peut être qu’ici!

Pour l’explication divine cliquez ICI

Pour l’explication scientifique cliquez ICI

Dans la Jungle

La Colombie détient un record: celui du nombre de séquestrés. Bien sûr on pourrait rêver d’une meilleure publicité pour un pays si diversifié. Jusqu’en 1999 la moyenne atteignait environ 3000 enlèvements par année et actuellement on compte un peu plus de 5000 détenus. Les FARC n’en détiennent “que” 2000, la pression politique est une des causes, la rançon en est une autre. Les 3000 autres, sont détenus sans que l’on sache par qui (source).

Ingrid Betancourt fait partie de ces statistiques froides que je viens de citer. Elle a été enlevée, avec sa directrice de campagne, le 23 février 2002… il y a un peu plus de 4 ans.

Son histoire a largement été médiatisée, principalement en France. En partie car elle a été mariée avec un français, mais aussi parce qu’elle a toujours été proche des élites colombiennes et françaises. Son père a été ministre, sa mère sénatrice, Dominique de Villepin était un compagnon d’uni, …etc.

Les médias français la présentent facilement comme une sauveuse, l’unique à  se battre contre la corruption de ce pays. Même Renaud a écrit une chanson pour elle (“Dans la Jungle“) où il la décrit comme la seule à  lutter contre le double ennemi fasciste (Uribe et les FARC).

Il faut dire qu’elle-même se présente comme cela dans son dernier livre, la rabia en el corazà³n. Elle décrit son combat, d’abord au Congrès puis au Sénat, contre les politiciens corrompus des partis traditionnels. Il est vrai qu’elle s’est engagée corps et âme dans ce combat (discours, campagne, grève de la faim,…) qu’elle a risqué sa vie, détruit l’unité (physique) de sa famille. Cependant l’objectivité des médias français laisse parfois penseur. Au point où plusieurs se fâchent. La preuve en est le livre de Jacques Thomet: “Ingrid Betancourt: histoire de coeur ou raison d’Etat”. Ce journaliste accuse le gouvernement français de manipuler la presse et l’opinion publique, de détruire l’image de la France en Colombie et de détériorer les relations franco-colombiennes. Selon lui, la France aurait perdu des contrats équivalents à  700 millions de dollars. Tout ça pour libérer Ingrid.

Du côté colombien aussi, on peut voir certains s’en prendre à  la Ingridmania française. Une journaliste de El Tiempo le montre très bien :

C’est que personne n’a dit aux Français que beaucoup d’autres sont depuis plus de 7 ans dans la forêt. Aussi l’histoire de la Franco-Colombienne Aïda Duvaltier, enlevée en 2001 par l’EPL [Armée populaire de libération, maoïste] et dont les restes furent découverts la semaine dernière, n’a-t-elle provoqué aucune réaction massive de ses compatriotes. Et la mort du major Julian Guevara aux mains des FARC [séquestré depuis 1998, il est décédé le 28 janvier dernier] n’a même pas été commentée en France.” (El Tiempo – Article publié le 21 février 2006 traduit par : Latin reporter)

Certes… il est un peu dur d’expliquer pourquoi la France ne réagit pas plus…

Cependant il faut aussi savoir qu’Ingrid a quelque peu secoué la classe politique colombienne, et de la même manière que le gouvernement français influence la presse Française, le gouvernement Colombien le fait avec la presse colombienne.

Alors Ingrid est-elle la Jeanne d’Arc des Andes ? Est-elle juste la copine de Villepin qui coûte très cher à  la France ?

Peut-être les deux à  la fois, mais en étant pragmatique on pourrait simplement penser qu’au moins, grâce à  elle, la France se mobilise pour un sujet d’une importance fondamentale pour la Colombie.

Les FARC

En Colombie l’affirmation : “pour comprendre le présent il faut connaître l’histoire”, est encore plus vraie que dans les autres pays auxquels j’ai pu m’intéresser. La majorité de l’actualité concerne le conflit armé. On parle autant des actions des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC) que des actions contre elles, des négociations de l’Ejercito de Liberacià³n Nacional (ELN) avec le gouvernement, ou de la démobilisation des paramilitaires (AUC) (( Pour ceux que ça intéresse et qui veulent, vite fait, avoir une idée je vous invite à  lire l’historique du conflit )) .

Ces dernières années, avec le gouvernement Uribe, la situation semble avoir évolué. Tout d’abord, le Président a établi un programme de réinsertion pour les paramilitaires qui désiraient rendre les armes (( voir La Démobilisation des Paramilitaires )) . Ensuite il a militarisé le pays et contraint les FARC à  reculer dans la jungle. Ceci rend le pays plus sûr, certes, mais ne résout pas le problème de fond: les inégalités sociales, la concentration croissante de la richesse, la réforme agraire, etc.

En théorie tous ces maux sont combattus par les FARC, mais alors pourquoi ont-elles une si mauvaise image ?

Revenons à  la fin des années 80. Les forces de gauche ont enfin la possibilité de former un parti politique légal (l’Union Patriotique) et d’entrer dans le débat politique. Cependant les ultraconservateurs craignent leur montée en puissance. La persécution anti-militant de gauche débute et s’avère efficace. Plus de 4000 sont assassinés par les paramilitaires. Ceux qui sont encore vivants aujourd’hui sont ceux qui ont réussi à  fuir le pays. Suite à  de tels événements il était difficile de ne pas reprendre la lutte armée. Cependant, une seconde tentative de légalisation du mouvement des FARC a été tentée par l’ex-président Pastrana. Il leur a offert un territoire pour que les négociations se fassent dans de bonnes conditions.

Les négociations n’ont abouti à  rien. Le résultat a été catastrophique. Les FARC en ont profité pour s’enrichir (à  travers la plantation de coca et les enlèvements) et développer une véritable armée.

Suite à  cette tentative présidentielle avortée, il était évident que le peuple colombien n’allait plus accorder de confiance à  un mouvement dont le seul moyen pour atteindre leur but, est la guerre. Ces soi-disant défenseurs du peuple s’attaquent à  des villages, enlèvent n’importe quels péquins. Même les militants de gauche les rejettent.

La conséquence est l’élection du président actuel, Uribe, qui propose l’éradication pure et simple des FARC. La violence par la violence. Sa cote de popularité avoisine les 75% depuis 4 ans. Il est sur le point de se faire réélire … et les FARC existent encore.

Une bonne théorie du complot pourrait nous dire que c’est un arrangement entre eux. Cela ferait de beaux titres genre : “Les FARC et les paramilitaires se mettent d’accord pour se partager le pouvoir !”.

En étant un peu plus sérieux on peut simplement conclure que les FARC ont raté leur sortie. La sanction du peuple s’appelle Uribe. Cependant la question qu’ils devraient se poser avant d’aller voter est : qui est-ce qu’ils sanctionnent en votant pour lui ?

Pourtant je n’oserai pas affirmer que les Colombiens sont masochistes…

 

 

 

Note : pour les motivés de l’info sur les FARC: vous pouvez visiter leur site

Campagne Colombienne

 

Les campagnes électorales suisses : des débats enflammés, des politiciens hystériques qui crient dans les rues, des affiches qui pullulent dans tous les coins, des militants qui manifestent leur foi en leur candidat. Bref, le pays s’enflamme pour quelques temps avant de retomber dans sa tranquillité légendaire…

Ceci ce passe dans mes rêves les plus profonds, car le débat politique suisse est bien organisé, très civilisé et on aime le dire. On se retrouve tous et on discute autour d’une table.

En Colombie, j’en suis sûr, le potentiel existe pour que les campagnes électorales soient comme dans mes rêves : pétillantes et passionnantes. Les Colombiens ont l’énergie et l’hystérie pour s’emballer dans un débat politique, pour faire vivre une démocratie.

Cependant, la situation de conflit dans laquelle se trouve le pays depuis si longtemps, ne permet pas un épanouissement du débat politique.

Le président Uribe a beau dire que la Colombie est une démocratie (et c’est vrai), les droits et les libertés sont quelque peu différentes de celles qu’on connaît outremer.

En fait, ce cher président ressemble étrangement à  Bush, c’est un peu son petit frère. C’est un puritain qui aime l’armée et les chevaux. Il aime tellement l’armée qui l’a envoyée partout dans le pays pour écraser la guérilla. Quelque soit le prix. Du cheval il en fait à  une heure du matin dans le « Parque Nacional » en plein centre de Bogotà¡ et peu l’importe s’il doit réveiller la moitié du bataillon de la ville pour sa protection.

Son côté obscur réside dans ses liens avec les paramilitaires. Ses liens ne sont pas si obscurs car, en ce moment le soupçon qu’une partie de ses fonds de campagne proviennent du narcotrafic se camoufle entre les lignes des nouvelles colombiennes. Son « aura » est telle que le scandale a peu de chance d’éclater réellement. De plus c’est un homme de confiance, il fallait bien remercier ce petit geste financier alors, il a amnistié tous les paramilitaires qui voulaient rendre leur armes. Leurs crimes (pire que notre l’imagination nous le permet) ne seront jugés que si quelqu’un veut les dénoncer (( J’aborderai ce thème de manière plus approfondie dans un autre article. )) .

Le résultat de ce magnifique plan de paix est que maintenant 25’000 bourreaux se promènent en toute liberté et impunité.

Il est facile d’imaginer qu’une campagne électorale dans ses conditions est vite tendue. Les régions qui étaient sous l’emprise des paramilitaires le restent avec la différence que ceux-ci peuvent se présenter aux élections. Dès le mois de janvier Amnesty International a commencé à  dénoncer cette situation (rapport d’Amnesty). Il faut dire que plusieurs journalistes ont reçu des menaces de mort, à  ce jour quatre candidats ont été assassinés et nombreux sont ceux qui ont été menacés. « On savait comment allait être la campagne, l’important est de faire très attention à  soi et de ne pas se laisser intimider » (( Ya todos sabà­amos cà³mo iba a ser la campaà±a, lo importante es cuidarse mucho y no dejarse intimidarsemana )) nous dit Gustavo Petro du parti Polo Democratico Alternativo (gauche).

Cependant il ne faut pas croire que les menaces sont le monopole des « ex » paramilitaires, la guérilla use aussi ce procédé dans les régions qu’elle maîtrise. Il est d’ores et déjà  possible d’établir une carte des résultats du moment où l’ont connaît les déplacements des forces en présence.

Les seuls lieux où on aperçoit encore la lumière de la liberté ce sont les grandes villes comme Bogotà¡. Mais là  encore il ne faut pas trop rêver, les quartiers défavorisés ne sont pas des havres de paix. Les leaders de gauche se voient confinés à  la maison s’ils veulent pouvoir continuer leur lutte après les élections.

Il ne nous reste plus qu’à  se demander : mais que fait la police ? Où est l’armée ? La réponse est simple : elles obéissent au Président.



Quelle liberté?

Ouh la la !

Quelques malheureux dessins font couler une sacrée quantité d’encre. On en entend parler jusqu’en Colombie. A la vue de tout ce qui ce passe ici tous les jours on pourrait penser que c’est pour changer notre quotidien électoral relativement tendu. C’est vrai que la réflexion est intéressante. Dans une situation comme celle-ci, la question clé n’est pas celle de la liberté de presse ou d’expression. Il me semble que l’interrogation qui doit se poser est : jusqu’où la liberté (tout court) peut-elle aller ?

Un bon Anarchiste peut répondre sans doute, qu’elle n’a pas de limite. Pourtant, l’Anarchie n’est pas un bordel irrespectueux de la personne, au contraire c’est un monde parfait où tout le monde vit en harmonie. C’est un système qui fait appel à  notre sens commun. Alors soyons un peu anarchistes, oublions pour une fois nos grands principes et faisons appel à  notre sens commun: tentons une comparaison avec un fait qui s’est déroulé sous mes latitudes il y a environ un mois.

Une entreprise européenne de T-shirt légèrement alternatif s’est lancée dans la production de modèle à  l’effigie des FARC (Forces Armées Révolutionnaire Colombienne), soit avec le portrait du chef soit avec un militaire et une banderole des FARC. Un pourcentage des ventes est reversé à  l’organisation. Ce n’est pas un secret que les FARC ne sont pas vraiment une association caritative, donc je doute que l’argent récolté aille pour les enfants de paysan qui n’ont pas les moyens de se payer l’école. Non, les FARC s’achètent des 4à—4 derniers modèles et des bazookas derniers modèles aussi. Oui, ce sont des révolutionnaires qui avaient une idée de base intéressante et une partie de leur combat est encore d’actualité. Mais la méthode n’est plus: ils séquestrent, coupent des têtes, violent, maltraitent, etc.

A la vue de ces faits, revenons à  la question de départ: la liberté. De quel droit cette entreprise finance une bande de barbare… simplement au nom de notre sacro-sainte liberté?

Eh bien ici cette liberté a choqué, choque encore.

La majorité des Colombiens rêvent de liberté qu’elle soit d’expression, de mouvement, de réunion, comme celles qu’on a en Europe. Mais je suis sûr qu’ils ne rêvent pas d’une liberté irrespectueuse.

Certains, sûrement, vont faire la différence entre des dessins qui, à  priori ne sont pas une incitation à  la violence et ces T-shirt qui financent une guerre. Certes il en existe une, mais je vois aussi un point terriblement commun: le manque de respect vis-à -vis d’une population.

Ce n’est pas une caricature qui choque, c’est la représentation d’Allah. Elle est interdite chez les musulmans, purement et simplement. On peut caricaturer Jésus, oui ; les chrétiens ne l’interdisent pas ; Bouddha aussi, si cela nous amuse ; mais Allah non.

Je finirai par la citation d’un ami :

“Si on ne doit pas transiger avec nos principes fondamentaux, rien ne sert de blesser gratuitement. La liberté d’expression devrait tendre à  nous rendre un peu plus ouvert d’esprit, et non accrochés à  des principes intangibles.” (lire l’article de Psykotik)

Et pour une fois je suis d’accord avec lui.