Santa Fé, royaume des plaisirs négociés

 

Ce texte est le premier épisode d’une série titrée “Un regard sur la prostitution en Colombie: Maru, princesse du quartier Santa Fe à  Bogotà¡” écrit par Sablebel.

Il est 7h30. Des cantonniers municipaux balaient en silence les ordures amassées le long des trottoirs. Les vendeurs de rue installent tranquillement leurs étals de cigarettes et de bonbons en s’échangeant quelques mots. Les devantures des magasins s’ouvrent une à  une dans un crissement métallique. On ne sait pas vraiment si le quartier Santa Fé s’éveille ou bien s’il s’éteint lentement après une nouvelle nuit à  la dérive. Une nuit de plus à  divertir les poignées d’hommes venus se déniaiser au contact des corps négociés, venus tromper la vigilance des épouses trop occupées à  maintenir les foyers à  flot. Une nouvelle nuit passée à  transformer quelques milliers de pesos économisés en fantasmes assouvis, à  baiser contre rançon les créatures de paillettes alignées sur les trottoirs de la Calle 22 ou bien sur le perron des bordels attenants.

Quand on parle de prostitution dans ce contexte, il ne faut pas s’imaginer la “prostitution de papa” chez Madame Régine dans les années 50, ni même celle des motels aseptisés sur le bord de la Route 66. Non, il s’agit là  d’une prostitution organisée, d’une véritable industrie du sexe, désormais institutionnalisée. Organisée puisque plusieurs centaines de femmes, plus de mille selon les sources, exercent “le plus vieux métier du monde” dans les quelque 130 bordels concentrés dans une zone d’à  peine dix rues sur dix, aux confins de l’Avenue Caracas et de la Calle 22. Institutionnalisée en véritable industrie puisque la Mairie locale vient de doter la zone d’un “Pacte” encadrant les activités de prostitution dans le quartier, sur le modèle du tristement fameux Quartier Rouge d’Amsterdam.

Le travail sexuel est pourtant officiellement considéré comme illégal en Colombie, en raison notamment d’un lobby catholique persistant, mais la zone disposait jusqu’à  présent d’une appellation spécifique de “Zona de Tolerencia”, permettant aux maisons closes et autres bars de nuit d’avoir pignon sur rue sans être trop inquiétés par la police.

Les autorités de Bogota avaient ainsi choisi de tolérer la prostitution dans un seul quartier de la ville plutôt que de légiférer de quelque manière que ce soit sur le sujet. En octobre 2006, cette appellation spécifique de “Zona de Tolerencia”, qui finalement ne signifiait pas grand-chose du point de vue légal, a évolué en statut de ” Zona de Alto Impacto”.

Ce nouveau statut confère un cadre officiel et légal aux activités de prostitution sur la zone. Il a ainsi été signé un accord entre les principaux protagonistes de la zone (travailleurs sexuels, propriétaires d’établissements, services de police, services sociaux, associations de quartier, “usagers”…) assignant des droits et devoirs aux uns et autres afin de règlementer l’activité pour une meilleure protection collective. Ainsi, par exemple, les propriétaires doivent désormais respecter un certain nombre de normes de sécurité et d’hygiène dans leurs établissements, les travailleurs et travailleuses sexuels doivent éviter les attitudes exhibitionnistes pendant la journée, la police s’est engagée à  effectuer des rondes à  horaires fixes, les associations à  mettre en place des activités de formation professionnelle pour les personnes prostituées…

En résumé, un bel accord de principe sur le papier. Une réalité autrement difficile à  mettre en oeuvre.

 

Avis de marée humaine

Ciclovia nocturnaHier soir, jeudi 14 décembre, a eu lieu la ciclovia nocturne. La ciclovia se déroule normalement le dimanche et les jours fériés. Ce sont quelques heures où les grandes avenues sont fermées aux voitures. C’est, en général, un moment parfait pour faire du vélo, du roller où simplement aller courir. La particularité de hier était la composante nocturne, en fait l’idée est de permettre à  tout le monde d’aller profiter des illuminations de la ville.

Le résultat est une véritable marée humaine, les organisateurs parlent de 3 millions de personnes, presque la moitié de la ville! Le vélo n’était pas le plus approprié, les deux jambes étaient bien plus pratique pour se faufiler à  travers cette immense foule et profiter de cette bonne humeur ambiante…

J’avais malheureusement oublié mon appareil, je récupère alors une photo d’El Tiempo…

Bogotá ville moderne!

BogotàƒÂ¡.JPGLa Xe biennale d’architecture a eu lieu à  Venise pendant le mois de novembre et bien sûr Bogotà¡ a gagné!
La capital colombienne a réussit une transformation ces dix dernières années que peu de ville ont tenté. Les trois derniers maires, de bord complètement différent (Garzà³n, Mockus et Peà±alosa) ont eu des politiques complémentaires et visionnaires qui ont permis un développement exceptionnel. La mobilité a été modernisée avec le transmilenio et les nombreuses pistes cyclables, des zones piétonnes ont été créées. Une grande quantité d’espaces publics ont été aménagé. Une modernisation importante mais en respectant les parties ancienne, le quartier de la Candelaria (la vielle ville) a gardé tout son charme.
De même au niveau social les progrès sont immenses, une cinquantaine d’écoles construites et une quarantaine de bibliothèques permettent aux enfants d’avoir accès à  une éducation moderne.
Bogotà¡ est maintenant considéré comme un exemple d’urbanisation en Amérique Latine, de nombreuses délégations viennent visiter les progrès de la ville et plusieurs échanges se sont mis en place. La police bolivienne copie le programme de formation de la police urbaine bogotienne, le Transmilenio s’est exporté dans d’autre ville, etc.
On parle aussi du développement culturel qui s’est produit, une diversification des restaurants, la création de musées et la rénovation d’autres… bref Bogotà¡ est une ville dynamique où il fait bon vivre. Même en terme de sécurité Bogotà¡ n’est pas mal lotie, bien plus sûr que beaucoup d’autre ville Latino-Américaine.
Alors le titre de la biennal, Bogotà¡, la ville la plus intelligente est largement mérité, et est maintenant, la nouvelle fierté de ces habitants !

Moments sympathiques

Hier soir des feux d’artifices et des bougies ont allumé toute la ville, et malgré la pluie et le froid la foule a envahi les rues. La nuit du 7 décembre est un grand moment, et qu’on veuille ou non participer, c’est un jour parfait pour se promener la nuit dans la Candelaria (vieille ville). N’étant pas un quartier très sûr, flâner dans les ruelles de nuit n’est pas une activité commune. Le jour des lumières est bien différent et cela fait plaisir de pouvoir seulement traîner, suivre la foule et profiter. De plus comme le 8 est un jour férié on termine dans un bar-boite-de-nuit. Le choix est ample et divers, même si j’ai une préférence pour El Goce Pagano, Quebracanto ou Escobar y Rosas il y en a pour tous les goûts.

Le seul inconvénient de rentrer à  5 heures est que le lendemain je n’ai pas eu le courage d’aller voir la course de la tour Colpatria. C’est une tour de 48 étages et le but est bien logiquement d’arriver le plus vite possible en haut. Le premier a mis 5 minutes et 19 secondes; je suis sûr qu’il a traîné. L’année prochaine je m’inscris et je lui montre.

Les revues intelligentes ne sont pas rentables et alors?

MalpensantePendant que chez nous certain défende la création de journaux gratuit comme moyen de démocratisation de l’information ici, en Colombie, on fête les dix ans de la revue Malpensante. Elle n’a, parait-il, jamais été rentable. Ils produisent à  perte depuis dix ans alors la question évidente serait comment font-ils pour continuer? …. Mais il paraît que cette question ne se pose pas.
L’intérêt immense de cette revue est que c’est probablement la seule qui va vraiment à  contre courant de toutes les idées imaginables, probablement même à  contre courant d’elle même, dans la mesure du possible.

Pour son anniversaire Malpensante s’est offert un petit festival où elle a invité différentes personnalités du monde culturel: poètes, écrivains, journalistes etc.

Pendant 3 jours tout ce beau monde est venu parler de différents thèmes et Fernando Vallejo, écrivain colombien, s’est particulièrement fait remarquer. Il a réussit en un temps record à  “pourrir” le monde entier et particulièrement Medellin. Selon lui la Colombie est le pire endroit du monde et Medellin est le pire qui existe en Colombie… C’est dire!

Il a aussi attaqué l’ancien Maire de Bogotà¡ l’accusant d’électrocuter les chiens de rue. Sinon le gouvernement d’Uribe est le pire que n’à  jamais connu la Colombie, mais ceux de Pastrana et de Gaviria n’ont pas été bien mieux! Les espagnols sont responsables de massacrer des ours etc. Les religions chrétiennes et musulmanes sont des plaies de ce monde…
Par contre il défend les curés pédérastes, en disant qu’un môme de 14 ans, si un curé ne le masturbe pas, il le fait tout seul…

Forcément sa prestation a fait réagir et c’était, sans doute aucun, le but. Jusqu’où peut aller la provocation et comment la maîtriser pour qu’elle reste compréhensible par la majorité. Une provocation trop acerbe est-elle utile pour l’avancée d’un débat?… voilà  un sujet pour le prochain numéro de Malpensante, dont la tradition de non rentabilité devrait se poursuivre. Pourvu que ça dure!