A gauche toute!

« A gauche toute !»
C’est le nouveau slogan en Amérique du Sud. Après Chavez, Lula, Kirchner voilà  que Evo Morales est élu en Bolivie et Michelle Bachelet au Chili.

En regardant une carte d’Amérique Latine on voit que la gauche est en pôle position. Elle est favorite au Pérou et au Mexique. La Colombie est la tache sur cette belle perspective apparente. Je dis apparente car en réalité ce n’est pas une gauche unie et solidaire qu’on trouve en Amérique Latine mais plusieurs.

En effet, en regardant d’un peu plus près, on peut voir que l’équipe de Chavez ne fait pas l’unanimité. Michelle Bachelet, première femme au pouvoir dans un pays latino, est la continuation du pouvoir en place. Son élection est logique car le gouvernement satisfait en majorité les chiliens, l’économie se porte assez bien, la réconciliation avance …etc.

Cependant le modèle économique utilisé est toujours le même. C’est-à -dire celui instauré par Pinochet qui est, et pas grand monde ne le contredit, un système vraiment intéressant et sain.

Or ce système économique se rapproche de celui de la Colombie et du Mexique et son développement logique est l’entrée dans un marché commun avec les Etats-Unis. Donc on imagine facilement que le Chili, la Colombie et le Mexique s’allient pour faire avancer les négociations dans ce sens.

De l’autre côté on retrouve en tête de file notre ami démagogue Chavez avec ses camarades Castro, Lula, Kirchner, Morales et probablement Humala (candidat favori au Pérou). Cette ligue anti-Etats-Unis prône un système d’un capitalisme différent, où le FMI qui aligne bourde sur bourde rentrerais à  la maison (mais pour cela il faut avoir les moyens). Cette ligue avance plus dans une direction de marché commun sans les Etats-Unis. Il essaye petit à  petit de se défaire de la politique de bon voisinage américaine, de gagner en indépendance. Le Brésil et l’Argentine ont, en décembre, payé par avance des dettes qu’ils ont avec le FMI. Le but est bien sûr de réduire les intérêts à  payer mais c’est aussi une manière de gagner en indépendance économique.

Plusieurs gauches sont donc présentes, et même si elles partagent de nombreuses valeurs communes, les intérêts de chaque pays resteront probablement les facteurs principaux des politiques extérieures de chacun. Je ne crois pas encore dans l’alliance sud-américaine contre le grand voisin du Nord même si celui-ci perd un peu de son influence.

Chavez une star?

On connaît tous le très people Chavez. Il est partout, c’est l’homme de l’année en Amérique du Sud, la nouvelle référence du mouvement alter mondialiste. Au point qu’un Forum Social s’est déroulé à  Caracas. Chavez La Star, crie à  l’Assemblée Générale ce que beaucoup pensent tout bas et nous rappelle son ami Fidel dans ces heures de gloire. Bush est son terroriste… il en faut un à  chacun pour être heureux.

Il adore les grands coups médiatiques, où il est sûr de se faire des ennemis comme lorsqu’il envoie du pétrole aux familles pauvres de Boston, ou lorsque qu’il achète des tracteurs en Iran.

C’est un démagogue, aucun doute possible. Il aime le pouvoir c’est sûr aussi, l’assemblée est prête à  voter une loi pour la réélection infinie. Pourtant comme le souligne Semana (du 26.12.2005 au 9.01.2006) son discours révolutionnaire en période de globalisation est un anachronisme. Certes la révolution socialiste des années 60 n’a plus aucun sens, mais Chavez a réussi à  donner vie à  son discours. En partie grâce à  Bush et son impérialisme forcené mais aussi, car il a su utiliser le pétrole. Il a compris que c’était une arme très puissante au niveau international et cela lui assure des alliés régionaux.

Le pétrole lui assure aussi un revenu bien conséquent qui lui permet d’investir dans l’éducation et la santé. Il est clair que les résultats ne sont pas instantanés mais le nombre d’analphabètes diminue progressivement. On peut penser à  Cuba où certes il y a de nombreuses carences mais la population reçoit une éducation relativement poussée par rapport à  ses voisins.

Mais Chavez, l’idole des alters, à  aussi une face obscur: c’est un ancien putschiste, et cette partie de l’histoire il l’a effacée des manuels scolaires. Grave? Je crois, oui. Personne n’est parfait et tout le monde le sait, alors pourquoi vouloir voiler l’histoire? Pourquoi vouloir biaiser le savoir? Investir pour l’éducation est problablement la meilleure chose que peut faire un gouvernement pour son pays mais aprendre des choses fausses, à  quoi ça sert?

On peut craindre alors que Chavez se Fidélise trop. Qu’il devienne un «président» indétrônable, que la liberté de la presse monopolisée n’ait plus le goût de la critique, que finalement l’histoire se répète. On peut craindre tout cela et c’est légitime mais on peut aussi espérer qu’il réussisse son pari. Pour qu’on puisse rêver encore quelques années qu’un monde meilleur est possible.

Une sortie de riche

Andrés Carne de Res

Le riz est en train de cuire, il est 9h 9h30 et aucun plan à  l’horizon pour nous divertir vraiment si ce n’est d’être posé à  discuter des élections à  venir ou de la prochaine pièce de théâtre de la Candelaria.

Le téléphone vibre et tout s’accélère : “dans une demi heure on se retrouve pour aller à  Andrés Carne de Res”. Et c’est quoi ça? Une boite, restau, bar… tout en un!

Bref on est dans le centre, il nous faut trotter au nord pour arriver chez nous. Petit changement de tenue et c’est parti.

D’abord on se retrouve chez une connaissance et on attend que le reste de la troupe arrive, qu’elle se change, qu’elle se maquille… Parfait pour faire connaissance avec les autres.

Après une bonne heure on est tous en route, entassé dans deux voitures. Le groupe est assez hétéroclite, il y a des étudiants d’art, de science-po et quatre dindes* dans toute leur splendeur. Bien sûr comme à  mon habitude je me retrouve dans la voiture avec les dindes. Et là , les sujets s’enchaînent tous aussi fascinants les uns que les autres. Première constatation que je fais: la dinderie est internationale. La tenue, la mode et le look représentent bien les 80% du temps de parole. Difficile à  suivre, elles gloussent de nombreux termes que je ne comprends pas, mais je m’accroche c’est l’occas d’être à  la page. Ensuite les histoires des conquêtes et désenchantements amoureux prennent le relais…

Le temps passe vite en écoutant ces histoires et heureusement car le trajet est assez long, on sort de Bogotà¡ pour arriver dans un bled complètement perdu mais noir de monde. C’est impressionnant le parking accueille environ deux mille voitures. Les Porsche Cayenne côtoient les BMW. Et après avoir passé la fouille habituelle on entre dans une ferme. C’est immense, démentiel, les gens se bousculent, boivent du rhum, mangent des grillades, dansent sur les tables… On est à  Andrés Carne de Res, la boite la plus « play » de Bogotà¡.

La décoration sort de l’imaginaire genevois. On trouve de tout: des casseroles qui pendent, des Jésus entourés de tête de mort, des piliers en capsule de bière, des malles, des dizaines de bar en bois, des petits escaliers qui mènent nulle part, des moulins, des arbres, des anges et j’en passe… c’est impossible à  décrire il y a tellement de choses, du kitsch ou moins kitsch, c’est vraiment chargé mais c’est fait avec beaucoup de goût. Une équipe de décoration vient chaque semaine pour modifier, améliorer une salle. Le lieu est presque magique, on a l’impression d’être dans un conte fantastique; on s’attend à  ce que le grand père d’Harry Potter vienne saluer Bilbo le Hobbit. Même le bar des cowgirls de New York avec ses 10’000 sous-tif accrochés au plafond, ses drapeaux américains, son comptoir en bois où les filles dansent et crachent du feu, n’arrive pas à  la cheville d’Andrés.

Le rhum coule, on danse, les pirates festoient, et la nuit passe. Les pauvres serveurs n’en peuvent plus, ils ont beau être 200 il faut courir pour servir tout ce monde.
La musique s’adoucit, les gens s’effacent. Il est l’heure de rejoindre nos oreillers mais la magie d’Andrés nous fera rêver en douceur.

* Pour avoir des précisions sur ce qu’est une dinde lisez “La Dinde attitude” page 35 du Comet n°2