La Colombie détient un record: celui du nombre de séquestrés. Bien sûr on pourrait rêver d’une meilleure publicité pour un pays si diversifié. Jusqu’en 1999 la moyenne atteignait environ 3000 enlèvements par année et actuellement on compte un peu plus de 5000 détenus. Les FARC n’en détiennent “que” 2000, la pression politique est une des causes, la rançon en est une autre. Les 3000 autres, sont détenus sans que l’on sache par qui (source).
Ingrid Betancourt fait partie de ces statistiques froides que je viens de citer. Elle a été enlevée, avec sa directrice de campagne, le 23 février 2002… il y a un peu plus de 4 ans.
Son histoire a largement été médiatisée, principalement en France. En partie car elle a été mariée avec un français, mais aussi parce qu’elle a toujours été proche des élites colombiennes et françaises. Son père a été ministre, sa mère sénatrice, Dominique de Villepin était un compagnon d’uni, …etc.
Les médias français la présentent facilement comme une sauveuse, l’unique à se battre contre la corruption de ce pays. Même Renaud a écrit une chanson pour elle (“Dans la Jungle“) où il la décrit comme la seule à lutter contre le double ennemi fasciste (Uribe et les FARC).
Il faut dire qu’elle-même se présente comme cela dans son dernier livre, la rabia en el corazà³n. Elle décrit son combat, d’abord au Congrès puis au Sénat, contre les politiciens corrompus des partis traditionnels. Il est vrai qu’elle s’est engagée corps et âme dans ce combat (discours, campagne, grève de la faim,…) qu’elle a risqué sa vie, détruit l’unité (physique) de sa famille. Cependant l’objectivité des médias français laisse parfois penseur. Au point où plusieurs se fâchent. La preuve en est le livre de Jacques Thomet: “Ingrid Betancourt: histoire de coeur ou raison d’Etat”. Ce journaliste accuse le gouvernement français de manipuler la presse et l’opinion publique, de détruire l’image de la France en Colombie et de détériorer les relations franco-colombiennes. Selon lui, la France aurait perdu des contrats équivalents à 700 millions de dollars. Tout ça pour libérer Ingrid.
Du côté colombien aussi, on peut voir certains s’en prendre à la Ingridmania française. Une journaliste de El Tiempo le montre très bien :
“C’est que personne n’a dit aux Français que beaucoup d’autres sont depuis plus de 7 ans dans la forêt. Aussi l’histoire de la Franco-Colombienne Aïda Duvaltier, enlevée en 2001 par l’EPL [Armée populaire de libération, maoïste] et dont les restes furent découverts la semaine dernière, n’a-t-elle provoqué aucune réaction massive de ses compatriotes. Et la mort du major Julian Guevara aux mains des FARC [séquestré depuis 1998, il est décédé le 28 janvier dernier] n’a même pas été commentée en France.” (El Tiempo – Article publié le 21 février 2006 traduit par : Latin reporter)
Certes… il est un peu dur d’expliquer pourquoi la France ne réagit pas plus…
Cependant il faut aussi savoir qu’Ingrid a quelque peu secoué la classe politique colombienne, et de la même manière que le gouvernement français influence la presse Française, le gouvernement Colombien le fait avec la presse colombienne.
Alors Ingrid est-elle la Jeanne d’Arc des Andes ? Est-elle juste la copine de Villepin qui coûte très cher à la France ?
Peut-être les deux à la fois, mais en étant pragmatique on pourrait simplement penser qu’au moins, grâce à elle, la France se mobilise pour un sujet d’une importance fondamentale pour la Colombie.