Une maison de fou pour présenter la psychiatrie; Hitchcock, qui s’intéresse comme un damné à cette discipline encore relativement peu connue du grand public à cette époque, et construit le film brique après brique telle une séance sur le divan.
La symbolique est une merveille : de la femme débauchée (la sublissime Rhonda Fleming), jouant aux jeux de cartes et nymphomane, il passe à la psychorigide (Ingrid Bergmann), incapable d’aimer, qui est la psychiatre. L’une et l’autre sont opposées dès les premières images du film, mais Hitch ne suivra que la seconde, puisqu’après tout elle a réussi sa vie.
Ce qui n’a pas pris une ride en revanche, c’est la folie des personnages, qu’on croirait parfois sortis tout droit de l’imagination de Salvador Dali et non d’Hitchcock. L’artiste à la célèbre moustache, qui a contribué aux décors, a dû exciter les envies de métaphore de Hitchcock. « Le complexe du culpabilité », coeur du film, est très vite effacé par les tourments qu’affrontent les protagonistes, tous plus perturbés les uns que les autres. Phobie de la couleur blanche et amnésie chez Cary Grant, mais aussi sociopathie chez les psychiatres, et ils sont nombreux dans le film.
Rationnel froid de la science, mais aussi irrationnel fou de l’amour. Une scène-clé du film réside dans l’embrassade du psychiatre et son patient, devant un portier de train atterré par tant d’indécence publique : Hitchcock semble déclarer ici que, au-delà de la normalité qu’on voudrait obtenir grâce aux psychiatres, la rupture des conventions est jouissive, bonne pour l’âme.
Spellbound est incontestablement à voir et revoir, pour saisir les nuances, les jeux de mots, les métaphores cachées insérées par Hitchcock. L’humour, le suspense, les métaphores sexuelles ou non, le cocktail se boit délicieusement couché sur le divan… du salon.