Prise trois : l'extrémisme à nouveau au pouvoir

C'est ici que tout ce qui concerne les sujets du blog peut être évoqué. C'est un bon moyen de continuer une discussion un peu "à l'étroit" :)
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Prise trois : l'extrémisme à nouveau au pouvoir

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Le Figaro, Mardi 5 Octobre 1999


OPINIONS
L'extrême droite en Autriche

Un avertissement

Plus d'un Autrichien sur quatre a voté pour un parti dont le chef, Jorg Haider, est mondialement connu pour son admiration affirmée du système nazi. Quel que soit le gouvernement qui sera maintenant formé à Vienne, les quelque 27 % des voix recueillies par le FPÖ au scrutin de dimanche constituent un avertissement.
Les Autrichiens sont plutôt plus riches que les autres. Ils sont moins de 5 % à connaître le chômage. Ils ne sont menacés par personne et n'ont aucune revanche à prendre. Le phénomène Haider reste une exception en Europe et n'a rien à voir avec la montée des périls dans les années 30.
Mais il y a une phobie qui agite les Autrichiens et dont Jorg Haider profite sans scrupule : la peur d'une immigration incontrôlée, conjuguée avec la crainte, assez générale en Europe, d'une mondialisation qui implique une adaptation douloureuse.
En Autriche, l'immigration cristallise plus qu'ailleurs ces bouleversements : elle atteint près de 10 % de la population, le plus fort taux après la Belgique parmi les Quinze. Surtout, le phénomène est récent, puisqu'il est apparu avec la chute du rideau de fer, il y a dix ans. Jorg Haider y répond par une xénophobie teintée de racisme, en faisant miroiter l'arrêt complet de toute immigration.
Populiste et ultralibéral, Jorg Haider pourfend la bureaucratie et l'excès d'impôt, réussissant à séduire les jeunes avides de changement. Car l'ennui semble être le pire mal dont souffrent ces privilégiés d'Autrichiens : depuis l'après-guerre, sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates se succèdent au pouvoir, ou le partage maintenant depuis treize ans, au sein d'une grande coalition privée d'inspiration.
En fait, le succès du parti de Haider tient largement au recul des sociaux-démocrates, qui, en Autriche comme ailleurs, s'efforcent de convaincre leur électorat de gauche qu'il lui faut s'adapter à la concurrence mondiale.
C'est ce qui se passe en Allemagne, où le chancelier Schröder va de défaite en défaite dans les élections régionales, et où l'extrême droite progresse inexorablement dans les Länder de l'ex-RDA.
On aurait pu croire qu'en Allemagne et en Autriche le passé servirait de garde-fous. Mais, cinquante-cinq ans après la guerre, l'argument semble s'épuiser.
Jorg Haider ne cesse de se référer à l'époque nazie, sans encourir la moindre sanction de la part des électeurs. La politique de l'emploi du IIIe Reich est pour lui un modèle ; il confond les camps de concentration avec des camps de travail ; les Waffen SS lui inspirent un hommage ; il compare enfin la déportation des juifs à l'expulsion des Allemands des Sudètes après la guerre.
Le succès d'un parti populiste et anti-immigration n'est pas vraiment étonnant. Ce qui l'est davantage, c'est que le recours à une phraséologie nazie ne suscite pas un rejet immédiat. En Autriche comme en Allemagne et dans le reste de l'Europe, le devoir de mémoire devrait encore s'imposer à tous.



Pierre ROUSSELIN
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Libération, Mardi 5 Octobre 1999


MONDE

Haiderisation des esprits en Autriche. La coalition au pouvoir banalise l'extrême droite.

Soirée électorale à la télévision autrichienne: les chefs des cinq principaux partis sont assis en demi-cercle, discutent et plaisantent, comme si de rien n'était. Le parti d'extrême droite de Jörg Haider vient juste de remporter 27, 2% des voix, un nouveau record national. Wolfgang Schüssel, le leader du Parti conservateur, félicite les deux gagnants de l'élection: les Verts et les Bleus (la couleur du parti de Haider). La vie continue, enchaîne-t-il, l'Autriche demeure un pays stable, un pays magnifique.
A l'heure où, dans tout le reste du monde, les journaux titrent sur l'inquiétante percée de l'extrême droite autrichienne, les Autrichiens se congratulent. L'Autriche est un pays à succès, envié dans de nombreux pays, lance Viktor Klima, le chancelier social-démocrate sortant, cachant derrière un optimisme forcé la débâcle que vient de subir son parti: 33, 4%. Son pire score depuis la guerre. Durant les cinq heures de soirée électorale télévisée, personne quasiment ne s'inquiète du score engrangé par le FPÖ (l'extrême droite), parti dont la tête de liste, Thomas Prinzhorn, s'indignait pendant la campagne que les étrangers reçoivent gratuitement en Autriche des hormones de fécondité. Interrogé sur le gouvernement qu'il compte former et sur l'éventualité de négociations avec le FPÖ, Viktor Klima tend même la main à son voisin Haider: Le FPÖ a toujours été un interlocuteur. Nous avons toujours parlé ensemble.
Haiderisation. L'issue la plus probable de ces élections reste la reconduction de la grande coalition qui unit sociaux-démocrates (SPÖ) et conservateurs (ÖVP) depuis 1986. L'écart est si mince entre l'ÖVP (26, 9%) et le FPÖ (27, 2%) que les conservateurs ont encore l'espoir de reprendre leur seconde place après le dépouillement des quelque 200 000 votes par correspondance (attendu en fin de semaine) et, dans ce cas, de poursuivre la grande coalition.
Que l'extrême droite entre ou non au gouvernement, il est à craindre pourtant que la haiderisation des esprits continue en Autriche. Même s'il y a un nouveau gouvernement SPÖ-ÖVP, il va reprendre une grande partie de notre programme, pouvait triompher Haider dimanche soir à la télévision. Vous dites que vous êtes contre toute nouvelle immigration, lançait-il au social-démocrate Viktor Klima. C'est exactement ce qu'on nous a reproché pendant la campagne. Et maintenant c'est votre position. Je trouve ça super.
Immigration durcie. Pour tenter de contrer Haider, les sociaux-démocrates ont fortement durci leur politique d'asile et d'immigration ces dernières années. Le ministre de l'Intérieur, le social-démocrate Karl Schlögl, reprend parfois mot pour mot la formule du FPÖ: Non à toute nouvelle immigration. L'influence de Haider est aussi sensible à Bruxelles: sous la pression de ses surenchères contre l'élargissement, le gouvernement autrichien sortant entendait déjà lier l'adhésion de nouveaux pays de l'Est à leur abandon de centrales nucléaires jugées dangereuses.
Traits nazis. Les deux grands partis ont préparé le terrain au succès de Haider, accuse Michaela Sburny, secrétaire générale des Verts, seul parti désormais anti-Haider au Parlement, après l'effondrement du petit Forum libéral. Les sociaux-démocrates ont cédé à Haider en glissant de plus en plus vers la droite, ajoute-t-elle. Quant aux conservateurs, ils ont fait comme si le FPÖ était un parti normal, en concluant des alliances régionales avec lui. Ils ont rendu ce parti fréquentable, alors même qu'il a des traits et des méthodes nazis. Sous prétexte de ne pas faire de Haider un martyr, SPÖ et ÖVP l'ont laissé réélire en avril dernier au poste de gouverneur de Carinthie, depuis lequel il joue désormais les hommes d'Etat.
Balancement. Pour le politologue Karl Ucakar, les sociaux-démocrates ont aussi une responsabilité particulière dans l'ascension de Haider: Depuis quelques années, les sociaux-démocrates se présentent comme un parti du centre, mettant en avant leur compétence économique, acceptant le désengagement de l'Etat et un certain démontage social. Or on voit bien en Europe que seuls les partis qui continuent à se dire socialistes, comme le PS en France, ont du succès. En Autriche, le FPÖ a pu se présenter comme le vrai parti ouvrier, un peu comme le parti nazi dans les années 1930.
Parti néonazi ou parti normal? A mettre en quarantaine ou à intégrer au jeu du pouvoir? A force de balancer entre les deux stratégies, les grands partis autrichiens n'ont jamais su comment traiter le cas Haider. Ils le paient de plus en plus cher.



MILLOT Lorraine
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Le Monde, Mercredi 24 Novembre 1999



L'impasse politique persiste depuis sept semaines

La percée de la droite nationaliste autrichienne pèse sur la formation du gouvernement. Les deux grands partis traditionnels social-démocrate et conservateur envisagent l'un et l'autre de proposer à Jörg Haider une forme d'association. Pour certains socialistes, la participation du FPÖ à la coalition " est concevable ".

VIENNE de notre correspondant
Sept semaines de consultations intenses, cela paraît beaucoup pour la formation d'un gouvernement. Mais la percée de la droite nationaliste de Jörg Haider, devenu la deuxième formation de l'Autriche aux élections du 3 octobre, a créé une situation politique confuse. L'association du Parti libéral (FPÖ) aux affaires, qui semble de plus en plus inéluctable, oblige les autres formations à des contorsions difficiles pour tenir compte de l'opposition qu'elle susciterait dans une partie de l'opinion. Malgré les excuses publiques de Jörg Haider pour ses déclarations passées élogieuses pour le nazisme, une manifestation sur le thème de l'antiracisme a réuni , à la mi-novembre, plusieurs dizaines de milliers de personnes à Vienne contre la participation du FPÖ au gouvernement.
BONNES INTENTIONS
Le chancelier social-démocrate Viktor Klima, qui assure la gestion des affaires courantes, a multiplié les déclarations de bonnes intentions pour faire revenir à bord son allié politique depuis treize ans, le Parti populiste (conservateur) (ÖVP). Mais celui-ci doute de la volonté de réforme des sociaux-démocrates et critique leur immobilisme dans les questions clés qu'un futur gouvernement devra trancher. Au coeur des divergences entre les deux partis figure notamment la défense. Le Parti social-démocrate (SPÖ) s'accroche à la sacro-sainte neutralité de l'Autriche, héritée de l'après-guerre ; l'ÖVP souhaite son adhésion à la nouvelle politique de défense européenne et n'exclut pas une éventuelle intégration dans l'OTAN, torchon rouge pour la gauche.
Pour sortir de cette impasse, les sociaux-démocrates n'excluent plus un arrangement avec M. Haider. Résumant ses entretiens avec les autres partis, M. Klima a constaté qu'il " ne voyait pas de possibilité de former un gouvernement disposant d'une majorité stable au Parlement ". Par conséquent, il proposera début décembre au président Thomas Klestil un gouvernement minoritaire social- démocrate pour lequel il espère gagner des personnalités non socialistes " sur la base d'un programme de réforme centre-gauche ". Ce gouvernement chercherait le soutien au coup par coup du Parti libéral au Parlement. Le front du refus à l'égard du FPÖ s'effrite au sein du SPÖ. L'ancien chef du parti à Vienne, Hans Mayr, a déclaré que " le FPÖ est capable de gouverner " et qu'un gouvernement social-démocrate avec participation du FPÖ " est concevable ". Même son de cloche dans les Länder où la coopération avec le FPÖ fonctionne à tous les niveaux depuis longtemps.
La mise au point de ce programme de centre-gauche a engagé M. Klima dans un bras de fer avec les syndicats et l'aile gauche du parti qui souhaite " moins de Schröder et Blair et plus de Jospin ". Les critiques portent sur des points-clé comme la réforme du système des retraites, une relance des privatisations et un coup de frein sérieux aux dépenses sociales qui risquent de faire exploser à nouveau le déficit budgétaire. Le 1er décembre prochain, le présidium du SPÖ devra se prononcer.
Les sociaux-démocrates qui, pour la première fois depuis 1970, ne sont plus sûrs de rester au pouvoir, doivent convaincre le président Klestil (conservateur) de la viabilité de leur solution. Ce dernier ne semble pas prêt pour le moment à y donner son aval et pencherait pour charger quelqu'un d'autre de la formation du gouvernement. Le peu de respectabilité dont jouit Jörg Haider, surtout à l'étranger, donne à penser que le président fera plutôt appel à Wolfgang Schüssel, chef de l'ÖVP et ministre des affaires étrangères de la coalition sortante.
APPEL DU PRESIDENT
M. Schüssel aurait du mal à ne pas donner suite à l'appel du président. Il pourrait, à son tour, chercher à former un gouvernement de droite avec l'appui direct ou tacite du FPÖ au Parlement. Pour prix de l'entrée de son parti dans une coalition, Jörg Haider, confronté aux critiques massives de sa campagne xénophobe en Autriche et à l'étranger, paraît prêt à renoncer à entrer lui-même au gouvernement et se contenter de son fauteuil de gouverneur de Carinthie. Il a par ailleurs levé un des principaux obstacles à sa coopération avec les conservateurs en ne contestant plus l'élargissement de l'Union européenne, se bornant à insister sur des périodes de transition assez longues pour éviter un afflux de travailleurs étrangers. Une revendication qui est largement soutenue par les syndicats socialistes qui demandent, eux, que le niveau des salaires dans les pays candidats atteigne 80 % de celui de l'UE avant l'ouverture des frontières.



BARYLI WALTRAUD
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Libération, Jeudi 20 Janvier 2000


MONDE

La coalition reconduite en Autriche fait le jeu de Haider. L'immobilisme du pouvoir pourrait profiter à l'extrême droite.

Vienne, correspondance.
Trois mois et demi après les législatives d'octobre, marquées par la forte poussée de l'extrême droite, l'Autriche va enfin avoir un nouveau gouvernement. Même si l'on doit attendre encore un ou deux jours pour connaître le nom du chancelier et de ses ministres, une chose est sûre: les sociaux-démocrates et les conservateurs ont fini par se mettre d'accord, ils reconduisent la coalition qu'ils forment depuis déjà treize ans. Pour l'heure, le danger Haider est donc écarté. Réaction de ce dernier: Pour moi, ce n'est pas un échec. Au contraire: les Autrichiens veulent du changement, et on leur ressert encore une fois la même chose. Cette reconduction de la coalition sortante est le plus sûr chemin pour moi d'être numéro un en Autriche aux prochaines élections législatives.
Jörg Haider, le charismatique leader de l'extrême droite autrichienne, dont le but avoué depuis plusieurs années est de s'asseoir sur le fauteuil de chancelier, n'a peut-être pas tort de penser ainsi. Car cet épilogue aux interminables tergiversations de la classe politique, loin de l'écarter durablement du pouvoir, l'en rapproche au contraire plus que jamais. Et cela pour au moins trois raisons.
Première raison: les élections du 3 octobre avaient montré un désir très net de changement au sein de la population. Les sociaux-démocrates, (SPÖ: 33%, 65 sièges au Parlement), qui occupent le poste de chancelier depuis presque trente ans, avaient reçu une gifle, en perdant 5% des voix par rapport à 1995. Les Verts (7, 4%, 14 sièges) avaient accompli une percée. Mais surtout, l'extrême droite menée par Haider (FPÖ: 27%, 52 sièges) avait accédé au deuxième rang de l'échiquier politique, devançant de quelques centaines de voix les conservateurs (ÖVP: 27%, 52 sièges). Or, malgré les espoirs de changement, ce sont les mêmes partis au pouvoir, les mêmes personnes (même si deux ou trois têtes nouvelles devraient figurer au nouveau gouvernement) et la même classe politique qui se partagent le pouvoir en Autriche depuis cinquante ans. La reconduction de la vieille coalition, explique Bernhard Felderer, directeur de l'Institut des hautes études de Vienne, signifie la continuation de ce qu'on appelle le Proporzsystem, un système qui consiste, pour les sociaux-démocrates et les conservateurs, à se distribuer des centaines de postes à la tête des principales entreprises et institutions du pays. Or, tout le succès de Haider tient principalement à la dénonciation de ce système.
Deuxième raison: les trois mois et demi de discussions entre les cadres du SPÖ et de l'ÖVP n'ont fait que les décrédibiliser aux yeux des électeurs. Derrière une valse d'entretiens fondamentaux et fertiles afin de traiter des questions essentielles à l'intérêt des Autrichiens, c'est une âpre lutte pour le pouvoir qui s'est jouée. Ces trois mois et demi ont en fait été une formidable partie de poker, poursuit Felderer. Avec comme meneur de jeu Wolfgang Schüssel, chef des conservateurs, vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères du gouvernement sortant. Un homme politique qui s'est montré le plus fin des stratèges, puisqu'il a réussi à tenir le pays en haleine, alors que son parti était sorti perdant des élections. En échange de la participation de son parti à ce nouveau gouvernement, il a ainsi obtenu trois promesses de réformes qui lui sont chères: la vente des dernières parts détenues par l'Etat dans l'économie autrichienne (la décennie 90 a été marquée par un vaste programme de privatisations), une baisse des charges patronales et des mesures sévères afin de relever l'âge effectif du départ à la retraite. C'est une nouvelle politique d'austérité qu'ils vont essayer de nous faire subir, se plaint Alexander Van der Bellen, chef de file des Verts.
Enfin, dernière raison: malgré le lourd document du pacte de coalition, cette alliance renouvelée semble plus fragile que jamais. Les crispations, voire les animosités, qui se sont fait jour entre les anciens-nouveaux partenaires ne laissent rien présager de solide ni de durable. Que ce nouveau gouvernement se déchire dans six mois, un an ou deux ans n'étonnera que peu de gens, pronostique le politologue Anton Pelinka. A ce moment-là, toutes les chances seront du côté de Haider.



DAUM Pierre
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Edition de FIGARO
Samedi 22 Janvier 2000


INTERNATIONAL EUROPE
AUTRICHE. Deux jours après avoir reconduit leur coalition

Socialistes et conservateurs divorcent

Rebondissement à l'italienne dans le psychodrame politique que vit l'Autriche depuis trois mois. Le remariage entre les socialistes (SPÖ) et les conservateurs (ÖVP) auquel le président Thomas Klestil était parvenu mercredi, après neuf séances houleuses de tractations, ne sera pas consommé. Les ultimes conditions posées par les conservateurs (ÖVP) l'obtention du poste clé des Finances, jusque-là détenu par un socialiste, et l'approbation à l'unanimité par le SPÖ du pacte gouvernemental ont eu raison de la patience du chancelier socialiste, Viktor Klima. " Il y a des limites aux concessions ", a-t-il expliqué.
Arrivé en tête des élections législatives du 3 octobre, qui avaient vu ses anciens partenaires conservateurs rétrogradés à la troisième place, Viktor Klima avait à l'époque envisagé de former un gouvernement minoritaire. Le chef de l'Etat, Thomas Klestil, conservateur, avait catégoriquement refusé une telle perspective, arguant qu'elle mènerait à une paralysie des institutions. C'était, selon lui, reculer pour mieux sauter. Thomas Klestil voulait également à tout prix éviter un retour prématuré aux urnes. Sa crainte était motivée par le score historique atteint par le parti d'extrême droite de Jörg Haider, le FPÖ, avec 27, 22 %. Depuis, le FPÖ a encore conforté sa position, thésaurisant 31 % des intentions de vote selon les sondages.
Mais, hier, Thomas Klestil était acculé. Pour empêcher une quelconque alliance de l'un ou l'autre grand parti avec le FPÖ, il s'est résolu à admettre un gouvernement minoritaire socialiste, composé de techniciens. Le chef de l'Etat a mis les points sur les " i " en demandant à Viktor Klima d'entrer en contact avec tous les partis, sauf le FPÖ, afin de s'assurer de leur appui pour les grandes décisions gouvernementales. Une solution risquée puisque pour chaque vote, ce cabinet d'experts devra quémander les voix pour constituer une majorité ad hoc.
Le parti conservateur (ÖVP) a déjà fait savoir qu'il rejetait cette formule. Dans ses rangs, on soupesait encore les chances d'une association avec le FPÖ, qui aurait permis aux conservateurs de ne pas sombrer dans l'opposition et même d'obtenir le poste de chancelier.
Au SPÖ aussi, certains étaient prêts à vendre leur âme au " diable " Haider. Le ministre des Finances, Rudolf Edlinger, laissait ainsi entendre qu'il " existe d'autres options, pour peu que l'on dépasse les exacerbations émotionnelles ". En clair, selon le socialiste styrien et dirigeant du syndicat des métallurgistes, Kurt Gennaro, " on ne peut plus à l'avenir continuer à ostraciser le FPÖ ".
D'ailleurs le FPÖ n'avait-il pas, dès l'annonce du divorce entre les rouges et les noirs, annoncé qu'il était prêt à participer à un gouvernement de coalition avec les conservateurs ou les sociaux-démocrates.
Rejeté une fois de plus par le fait du prince, Jörg Haider est persuadé que la seule issue est un nouveau scrutin législatif qui, cette fois-ci, le mènera sans conteste au pouvoir.



Françoise LEPELTIER
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Edition de FIGARO
Vendredi 28 Janvier 2000


INTERNATIONAL EUROPE
AUTRICHE. Le FPö de Jörg Haider juge que l'indignation internationale répond à des " motivations politiques "

Vienne dénonce toute ingérence

" Tollé général contre l'Autriche ", " Le FPö dans le gouvernement : un problème pour l'Europe ", " Pire que la crise Waldheim " : les grands titres de la presse rendant compte des discours de la conférence de Stockholm sur l'Holocauste ont brutalement enlevé leurs illusions aux Autrichiens. En se préparant à être gouvernée par des ministres issus de l'extrême droite, l'Autriche découvre qu'elle s'est mise au ban des nations.
" Ces réactions sont excessives. L'Autriche ne s'est jamais immiscée dans les affaires intérieures des autres pays ", a commenté la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères du gouvernement sortant, Benita Ferrero-Waldner. Déjà le 3 octobre dernier, après la formidable poussée de l'extrême droite aux élections, le cabinet du chancelier socialiste Viktor Klima avait dénoncé l'ingérence d'Israël, qui avait menacé de rompre toutes relations avec l'Autriche.
" Nous comprenons la sensibilité aiguë avec laquelle les autres pays ont réagi, déclare au Figaro la secrétaire générale du parti conservateur (ÖVP), Maria Rauch-Kallat. A nous maintenant de les informer pour leur faire comprendre qu'il s'agit d'un changement normal dans une démocratie, et qu'après treize ans de gouvernement de centre gauche, il y ait un gouvernement de centre droit. "
Mais elle ajoute : " Nous sommes parfaitement conscients que nous prenons un risque en tentant de former un gouvernement avec le FPö. Et nous avons longuement hésité avant d'en arriver là. Mais c'était la seule chance qui restait d'avoir un gouvernement pourvu d'une majorité stable. Et contrairement à la vision que l'on peut avoir de l'étranger, le FPö est certes un parti populiste, mais ce n'est ni un parti extrémiste ni un parti fasciste. Et je suis convaincue que l'indignation des autres pays européens va retomber rapidement. "
" Nous prenons ces réactions très au sérieux ", admet Susanne Riess-Passer, secrétaire générale du FPö et proche conseillère de Jörg Haider, dans un entretien avec Le Figaro. Mais, plaide-t-elle, " je souhaiterais que les prises de position à l'égard du FPö ne se limitent pas à de vieux préjugés et que l'on tienne compte du travail politique du FPö, qui est déjà représenté dans plusieurs gouvernements régionaux. Nous avons fait la preuve que nous sommes totalement ancrés dans le sol démocratique. "
La collaboratrice de Haider " pense qu'il serait fair-play de donner une chance au FPö de pouvoir faire partie du gouvernement et de nous juger d'après nos actes. Je veux également souligner qu'une partie des réactions qui se sont manifestées à Stockholm a été émise par des chefs de gouvernement sociaux-démocrates, et que leurs motivations sont politiques. "
La secrétaire générale du FPö rappelle qu'" il ne faut pas non plus oublier qu'il y a encore quelques jours, le chancelier Klima est venu nous trouver pour que nous apportions notre appui à un gouvernement minoritaire socialiste. Dans ce cas de figure, nous étions assez bons pour eux. Et le SPö nous a menacés très clairement en déclarant que si nous ne lui apportions pas notre soutien, il y aurait des réactions virulentes de l'étranger. "
Cette ambiguïté est à l'image d'une Autriche qui s'est toujours considérée comme la première victime de la Seconde Guerre mondiale et qui n'a jamais vraiment entrepris un travail d'expiation de son passé. Pourtant, celui-ci l'avait déjà rattrapée avec l'affaire Waldheim en 1986.
L'ancien secrétaire général des Nations unies Kurt Waldheim, qui s'était porté candidat à la présidence, avait été accusé, photos à l'appui, d'avoir été un officier zélé du nazisme. L'Autriche avait alors connu un premier boycott et les Etats-Unis avaient inscrit le nom de Waldheim sur leur liste noire.
Pourtant, à la même époque, l'Autriche était gouvernée depuis trois ans par une coalition entre le FPö et les socialistes, dirigés par le chancelier Bruno Kreisky. Mais une telle association n'avait pas soulevé d'indignation au-delà des frontières. Il est vrai que c'était encore au temps de la guerre froide et que, surtout, le leader du FPö ne s'appelait pas Jörg Haider.



Françoise LEPELTIER
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Libération, Samedi 29 Janvier 2000


REBONDS

Pétition. L'Europe doit stopper Haider.

Après trois mois de tergiversation, les conservateurs autrichiens viennent d'ouvrir des négociations avec l'extrême droite pour former ensemble un gouvernement. Le parti de Jörg Haider est ouvertement ethniciste, xénophobe et anti-européen. Son chef a plusieurs fois tenu des propos admiratifs du nazisme. La participation d'un tel parti au pouvoir serait sans précédent dans notre Europe. Si cela se produisait, l'image de l'Autriche serait gravement altérée. La formation d'un gouvernement est évidemment de la compétence de chacun des Etats membres. Aucun ne saurait cependant oublier que l'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme (article 6 des traités). L'Union européenne ne peut laisser sans réagir la droite extrême s'avancer vers le pouvoir en Autriche. Il est encore temps pour que les démocrates européens s'y opposent.
Olivier Duhamel et Marie-Noëlle Lienemann, eurodéputés. Cette pétition a déjà été signée par 102 parlementaires européens.
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Le Monde, Samedi 29 Janvier 2000



Indignation européenne et discrétion américaine

(AFFAIRE MABETEX ET AEROFLOT)

VIENNE de notre correspondante
" L'Autriche n'est pas un pays nazi ! " : reprenant une déclaration du chancelier socialiste Viktor Klima, ce cri du coeur barre la " Une " du quotidien le plus populaire du pays, le Kronenzeitung, qui déjà, tout au long de l'affaire Waldheim, avait défendu la patrie contre des critiques jugées " excessives ", en utilisant au besoin une rhétorique ouvertement antisémite.
Mais, cette fois, il est difficile de dire que le concert de protestations qui a accueilli en Europe les discussions entre la droite conservatrice et l'extrême droite populiste émane seulement d'Israël et d'organisations juives, ou des amis socialistes du SPÖ, comme le suggérait mardi la députée européenne Ursula Stenzel, une ancienne journaliste de la télévision, très respectée en Autriche, qui dirige la fraction ÖVP au Parlement de Strasbourg.
Entre-temps, Nicole Fontaine, présidente française du Parlement européen et elle-même membre d'un parti conservateur, n'a pas mâché ses mots, s'affirmant, dans une déclaration rendue publique jeudi, " inquiète de la perspective de l'entrée de Jörg Haider au gouvernement autrichien ". " Le parti de Jörg Haider, a ajouté Mme Fontaine, véhicule une idéologie aux antipodes des valeurs humanistes qui fondent toute société démocratique [et] il serait intolérable qu'un parti qui nie ces principes fondamentaux accède au pouvoir dans un des pays de l'Union. "
PROPOSITION BELGE Au cours de son briefing quotidien, la Commission s'est en revanche abstenue de tout commentaire sur cette participation, notamment sur l'attitude du commissaire autrichien Franz Fischler, en dépit de l'avalanche de questions des journalistes. " Lorsque le gouvernement sera formé, la Commission examinera les actions et les déclarations de celui-ci. Si elle le juge nécessaire, elle fera une déclaration ", a dit le porte-parole européen Jonathan Faull.
De son côté, la Belgique exige une " déclaration commune " de l'Union européenne pour mettre en garde l'Autriche contre les conséquences néfastes d'un tel choix. Tandis que son premier ministre, Guy Verhofstadt, demande au Portugal, qui assure actuellement la présidence des Quinze, de convoquer une réunion des ministres des affaires étrangères afin de faire part des préoccupations européennes à Wolfgang Schüssel. Le chef de l'ÖVP, qui est toujours le chef de la diplomatie de son pays, s'est efforcé à nouveau d'apaiser les craintes lors d'une intervention, jeudi, au Conseil de l'Europe.
De fait, l'éventualité d'un gouvernement ÖVP-FPÖ n'a guère rencontré jusqu'alors que l'approbation du chef du Front national, Jean-Marie Le Pen, et de la dirigeante de l'Alliance nationale (extrême droite) italienne, la nièce du duce Alessandra Mussolini. Pour sa part, le chef du gouvernement italien, Massimo D'Alema, s'est dit " préoccupé " en tant que " démocrate et citoyen européen ", par le risque d'une telle alliance.
Les médias autrichiens accordent une large place aux prises de position françaises, notamment à celle de Lionel Jospin et du président Jacques Chirac, la " grande nation " (périphrase qui désigne couramment ici l'ancienne rivale de l'empire des Habsbourg) étant considérée à Vienne comme un contrepoids bienvenu, voire indispensable, à l'influence économique et politique du " grand frère " allemand. En revanche, on souligne la discrétion et la modération des réactions américaines, Jörg Haider ayant manifestement réussi à impressionner favorablement ses interlocuteurs lors de sa rencontre avec un haut responsable du département d'Etat, il y a quinze jours à Washington.
Sans se laisser troubler, apparemment, par la vague d'indignation européenne, l'ÖVP et le FPÖ poursuivent leurs discussions, traitant point par point d'un futur programme. Ils sont tombés d'accord sur un projet de budget qui prévoit d'économiser 10 milliards de shillings dans la fonction publique, la libéralisation du secteur gaz-électricité, un allongement de la durée des cotisations pour la retraite et la création d'un fonds de dédommagement des travailleurs forcés sous le régime nazi. Vendredi, il devait aborder le volet social, en particulier le projet central d'un salaire maternel, tandis que les organisations féministes protestent contre leur intention de supprimer le ministère de la condition féminine et redoutent " un retour aux ténèbres du machisme ".
Le président Thomas Klestil, auquel Viktor Klima a rendu compte jeudi de son incapacité à former seul un gouvernement, s'est bien gardé pour le moment de confier la même tâche aux chefs des partis arrivés en deuxième et troisième positions lors du scrutin du 3 octobre, Jörg Haider et Wolfgang Schüssel. Il ne les recevra que lundi, et sera placé alors devant la décision politique la plus difficile, et la plus lourde de conséquences pour l'Autriche, depuis son élection en 1992.



STOLZ JOELLE
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Le Monde, Mercredi 2 Février 2000


L'Autriche en état de choc après la décision des Quatorze

La France se félicite du consensus obtenu avec ses partenaires

(LUNDI 31 JANVIER 2000 - DANS ENSEMBLE D'UNE PAGE 1/2)

LES TRACTATIONS n'ont pas duré longtemps. L'avertissement que la présidence portugaise de l'Union européenne a rendu public, lundi 31 janvier à Lisbonne, au nom des 14 partenaires de l'Autriche, pour prévenir Vienne qu'un gouvernement intégrant l'extrême droite populiste du FPÖ aurait des conséquences au sein de l'UE, a fait l'objet assez rapidement d'un consensus sur le fond. Il a cependant fallu convaincre les Britanniques d'accepter que la mise en garde des Européens ne soit pas de pure forme, mais prévienne officiellement les Autrichiens que la trangression d'un tabou - celui de la présence dans un gouvernement de membres d'un parti ne défendant pas les valeurs de l'Union -, marquerait une rupture.
Le texte communiqué aux dirigeants autrichiens a le mérite de la clarté. Apparemment les conservateurs autrichiens, qui n'ont, semble-t-il, pas cherché ces dernières semaines à sonder leurs amis en Europe, ne s'attendaient pas à une telle mise en demeure. Il n'y aura pas de " business as usual ", prévient la présidence portugaise. Les 14 sont d'accord pour dire que la présence de ministres du parti de Jörg Haider au gouvernement entraînera un gel des relations bilatérales au niveau politique entre l'Autriche et ses partenaires. Les ambassadeurs autrichiens en poste dans les capitales européennes ne seraient plus associés non plus aux consultations politiques des Quinze entre eux et verraient leur fonction ramenée à un rôle purement technique.
Le président Chirac qui avait appelé, samedi matin, le premier ministre portugais, Antonio Guterres, pour lui demander de sonder leurs partenaires sur de telles mesures, avait également suggéré la menace d'un rappel des ambassadeurs à Vienne en consultation, ce qui n'a pas été retenu pour le moment.
Les traités européens ne permettaient pas aux 14 d'aller plus loin. La suspension des droits de l'Autriche en tant que membre de l'Union supposerait que celle-ci contrevienne aux obligations qui sont les siennes et qu'une procédure soit ouverte à cet effet contre elle en vertu de l'article 7 du Traité d'Amsterdam. C'est ce qui amène la Commission européenne, gardienne des textes commmunautaires, à rester pour le moment prudente dans ses réactions, en indiquant qu'il faudrait juger de la pratique politique du futur gouvernement autrichien avant de faire quoi que ce soit. Dans l'immédiat, le gel des relations bilatérales n'empêchera pas l'Autriche de participer aux réunions du Conseil européen et à celles des conseils de ministres.
La réaction indignée de Wolfgang Schüssel à cet avertissement n'a guère ému ses pairs. On indiquait lundi à l'Elysée que le président Chirac avait de longue date attiré l'attention des dirigeants autrichiens sur les conséquences d'une telle situation. Le chef de l'Etat en avait parlé avec M. Schüssel lors du sommet européen de Tampere, en novembre, puis lors du sommet de l'Organisation de sécurité et de coopération en Europe, à Istanbul, en décembre. " Parce qu'il est des principes sur lesquels on ne peut transiger, le président de la République avait proposé samedi matin plusieurs mesures concrètes ", a souligné la porte-parole de l'Elysée, Catherine Colonna . " Il salue le résultat des efforts de la présidence portugaise de l'Union, la rapidité de son action et la cohérence de la réaction des Européens ", a-t-elle ajouté. " Il était important que ces mesures soient arrêtées et rendues publiques avant que l'Autriche ne prenne sa décision afin que chacun en soit conscient ".
La position française avait été arrêtée de concert, vendredi, entre le président et son premier ministre, Lionel Jospin. Devant les élèves de l'Ecole polytechnique, Pierre Moscovici, le ministre délégué aux affaires européennes, avait souligné lundi matin, aux côtés de Petre Roman, son homologue roumain, l'importance de bien marquer que l'Europe ne pouvait tolérer que ses valeurs soient transgressées.



BRESSON HENRI DE
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L'Humanité, Mercredi 2 Février 2000


INTERNATIONAL

Lionel Jospin : " l'objectif est d'interrompre ce projet "

Lionel Jospin a assuré mardi à l'Assemblée nationale que la pression exercée par l'Union européenne sur l'Autriche avait " pour objectif " que " le projet d'alliance " entre le Parti conservateur et le parti d'extrême droite FPÖ " soit interrompu ". Répondant à une question du député communiste Jacques Brunhes, le premier ministre a fait valoir que " la pression exercée " par les quatorze partenaires européens de l'Autriche était " absolument nécessaire ". " L'objectif est de faire en sorte, a-t-il dit, que monte une prise de conscience en Autriche et que ce projet soit interrompu. " Lionel Jospin a prévenu que sinon le gouvernement français serait amené, et notamment pendant la présidence française de l'UE au second semestre 2000, " à prendre toutes mesures " pour que l'Autriche de Jörg Haider, chef du FPÖ, et de Wolfgang Schussel, chef du Parti conservateur, " soit politiquement isolée en Europe ". Réfutant les accusations d'ingérence, Lionel Jospin a insisté sur le fait que l'Autriche appartenait à l'UE, une " communauté de principes et de valeurs humanistes "..
Le président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, Alain Bocquet, a estimé mardi qu'il fallait " mettre un coup d'arrêt " au projet " d'alliance ". " Qu'un parti d'extrême droite fascisant puisse prétendre participer à la gestion des affaires d'un pays européen comme celui-là, c'est grave. Toutes les positions qui contribueront à isoler ce comportement, voire isoler l'Autriche si elle franchissait le cap, me paraissent utiles ", a déclaré Alain Bocquet. Le député s'est félicité des positions déjà prises par les dirigeants européens et par le gouvernement français. " Il faut mettre un coup d'arrêt. La bête est toujours vivante, il faut la conjurer ", a-t-il conclu.
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Libération, Vendredi 4 Février 2000


EVENEMENT

Le président de la République autorise les conservateurs et le parti de Haider à former un gouvernement. Autriche: l'extrême droite au pouvoir. Le parti populiste obtient cinq portefeuilles. Wolfgang Schüssel est chancelier.

Vienne, de notre correspondant.
Le pas est franchi. L'extrême droite populiste de Jörg Haider gouvernera l'Autriche aux côtés des conservateurs de Wolfgang Schüssel. Le président Thomas Klestil a finalement donné hier soir, vers 19 h 30, son feu vert à la coalition bleue-noire qui suscite les réactions indignées des autres pays de l'Union européenne, des Etats-Unis ou d'Israël. Le nouveau chancelier est comme prévu le leader conservateur. C'est une femme, Susanne Riess-Passer, fidèle gestionnaire du FPÖ, qui obtient le poste de vice-chancelière. Le cabinet devrait prêter serment ce matin à 11 heures. Après trente ans de pouvoir social-démocrate, les conservateurs viennent de réaliser leur rêve: accéder à la tête de l'Etat autrichien. Même au prix d'un isolement complet du pays et de déchirements intérieurs sans précédent depuis la guerre.
Les extrêmes à l'écart. La composition du gouvernement a été soigneusement pesée. Côté conservateurs, on retrouve les grosses figures incontournables, toutes déjà présentes dans le gouvernement précédent. Côté FPÖ, ce sont au contraire des seconds couteaux qui ont été choisis, afin de prêter, le moins possible, le flanc aux critiques. Deux personnalités importantes ont été rayées par le président lui-même: Thomas Prinzhorn, qui menait la liste FPÖ lors des législatives d'octobre et qui avait affirmé que les étrangers vivant en Autriche recevaient des traitements aux hormones pour avoir plus d'enfants que les Autrichiens. L'autre, Hilmar Kabas, président de la section FPÖ de Vienne, avait organisé une campagne d'affichage dénonçant le trop grand nombre d'étrangers sous un slogan: Überfremdung (l'invasion étrangère), qui rappelle trop la propagande nazie.
A reculons. Le Président a retardé le plus possible l'annonce. Il était plus ou moins obligé d'accepter cette coalition. Mais il a ainsi voulu montrer à nos partenaires qu'il prend ses distances avec ce nouveau gouvernement, explique le politologue Anton Pelinka. L'autre signal fort était la déclaration sur les valeurs démocratiques européennes que Schüssel et Haider ont été forcés de signer (lire ci-contre). Si le message est reçu, on se retrouverait alors dans une situation inverse de celle de l'époque de l'Affaire Waldheim. Le Président était alors persona non grata à l'étranger, alors que les ministres entretenaient des relations normales avec leurs homologues.
En fin de matinée, Wolfgang Schüssel et Jörg Haider présentaient, pour la seconde fois en quarante-huit heures, leur programme de gouvernement. Devant des décors flamboyants aux couleurs de l'Europe et de l'Autriche, les deux hommes ont énuméré dans une belle harmonie les différents points d'une politique néo-libérale conçue dans l'intérêt du peuple autrichien. Privatisations massives, augmentation de la redevance d'électricité, politique familiale accrue et limitation de l'immigration en ont constitué les points principaux.
Simple changement. Plus que la présentation d'un programme déjà largement connu, cette conférence de presse avait surtout pour but de faire passer un message au monde entier, à travers les 60 équipes de télévision et les 200 journalistes. S'exprimant indifféremment en allemand ou en anglais, les deux hommes ont rivalisé de didactisme, afin de faire comprendre que le gouvernement qu'ils sont en train de mettre en place représente un simple changement de pouvoir de la gauche vers la droite, comme c'est en usage dans toutes les démocraties vivantes. Des journalistes ont demandé s'il n'était pas surréaliste de présenter pendant une heure des détails de politique intérieure, alors que le monde entier s'inquiète de l'avenir démocratique du pays.
Pendant ce temps, dehors, plusieurs centaines de manifestants exprimaient leur refus à cette coalition pseudo-chrétienne et fascistoïde. Après avoir accueilli le matin Jörg Haider sous une pluie d'oeufs et de tomates (sans l'atteindre), ils ont continué leur manifestation sous les fenêtres de la salle de conférences munis de minitéléviseurs pour suivre en direct les propos des deux leaders de droite.



DAUM Pierre
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Libération, Samedi 5 Février 2000


EVENEMENT

Le gouvernement d'alliance extrême droite - conservateurs a pris ses fonctions vendredi à Vienne. Premières sanctions contre l'Autriche. Les mesures de rétorsion décidées par les quatorze membres de l'Union européenne sont entrées en vigueur. Jörg Haider menace de bloquer les institutions de l'UE.

Le poulailler européen s'excite alors que le renard n'y est pas encore entré, se moquait jeudi Jörg Haider. Maintenant que le renard y est, comment la basse-cour, pour reprendre ses termes méprisants, va-t-elle se faire à ce dérangeant intrus? Plusieurs capitales européennes semblent prêtes à durcir leurs sanctions contre l'Autriche sans que l'on voie encore très bien comment les quatorze partenaires de Vienne comptent sortir du bras de fer qu'ils ont initié lundi en la menaçant de geler leurs relations bilatérales si l'extrême droite accédait au pouvoir.
Aller plus loin, en la marginalisant au sein de l'Union, c'est prendre le risque d'une paralysie des institutions européennes. Jörg Haider a d'ailleurs menacé, vendredi soir, d'utiliser le droit de veto de l'Autriche si les Quatorze se décidaient à s'engager dans cette voix: Tout le monde dans l'UE devra se mettre à table avec nous, sinon il n'y aura aucune décision en Europe. Sans nous, rien n'est possible. Alors que la Conférence intergouvernementale (CIG), dont le but proclamé est de fédéraliser davantage le fonctionnement de l'Union, doit s'ouvrir le 14 février prochain à Bruxelles, les Quatorze peuvent difficilement ignorer un tel avertissement. A moins qu'ils ne considèrent l'échec de la CIG et, donc, le report de l'élargissement comme quantités négligeables.
D'ores et déjà, les capitales de l'Union ont annoncé qu'elles appliqueraient les sanctions décidées lundi: elles refuseront tout contact politique bilatéral officiel avec l'Autriche, ne soutiendront pas les candidats autrichiens à des fonctions internationales et les ambassadeurs autrichiens ne seront reçus qu'à un niveau technique. Des mesures qui n'affectent pas, en théorie, le fonctionnement de l'Union. Mais le glissement a déjà commencé. Ainsi, la présidente du Parlement européen, la Française Nicole Fontaine (UDF-PPE), a annoncé qu'elle ne se rendrait pas en Autriche tant que le Parti de la liberté sera au pouvoir.
Le président du gouvernement espagnol, José Maria Aznar, a demandé aux conservateurs autrichiens de se retirer du Parti populaire européen (PPE), et donc du groupe politique du PPE, qui regroupe les conservateurs et les démocrates-chrétiens au Parlement européen. Il rejoint ainsi les souhaits exprimés par les droites française, belge, néerlandaise et, en partie, italienne.
Plusieurs pays, Belgique et France en tête, souhaiteraient aller encore plus loin. La porte-parole de l'Elysée, Catherine Colonna, n'excluait pas, jeudi soir, que, si nécessaire, de nouvelles mesures (seraient) décidées. Parmi ces sanctions, le rappel temporaire des ambassadeurs européens en poste à Vienne, préconisé par le Premier ministre belge Guy Verhofstadt, reste à l'ordre du jour. Jacques Chirac l'avait proposé le week-end dernier, mais Londres avait refusé. Le Premier ministre portugais, Antonio Guterres, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE, pourrait aussi décider, si ses partenaires sont d'accord, que sa tournée des capitales précédant un sommet ne passera pas par Vienne. Il est, enfin, envisagé de ne pas inviter les ministres autrichiens aux réunions informelles qui permettent de préparer des décisions arrêtées lors d'un Conseil des ministres. Le problème de ces sanctions supplémentaires est qu'elles toucheraient à l'Union elle-même: Vienne serait alors fondé à bloquer un texte dont le principe aurait été acquis en son absence. Les Quatorze s'engageraient sur la voie de l'exclusion de l'Autriche juridiquement impossible.
De son côté Washington a décidé vendredi soir de rappeler pour consultations son ambassadeur à Vienne. Nous avons décidé de limiter nos contacts avec le nouveau gouvernement et nous verrons si d'autres mesures sont nécessaires pour faire valoir notre soutien aux valeurs démocratiques a déclaré Madeleine Albright.



DUBOIS Nathalie; QUATREMER Jean
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Le Monde, Mardi 8 Février 2000



Le MNR veut voir dans le succès du FPÖ autrichien un " signe du destin "

(MANIFESTATION DEVANT L'AMBASSASE S'AUTRICHE LE 5 FEVRIER 2000)

L'ACTUALITE, avec l'accession au pourvoir, en Autriche, du parti de Jörg Haider, ne pouvait pas mieux servir Bruno Mégret, le président du Mouvement national républicain (MNR), qui, depuis quelques temps, cherchait désespérement à être audible. Les communiqués succèdent aux communiqués, et les manifestations aux manifestations, pour soutenir cet alter ego autrichien d'extrême droite. Ainsi, samedi 5 février, quelques deux cents responsables et militants du MNR se sont rassemblés devant l'ambassade d'Autriche aux cris de " Mégret, Haider, même combat ", ou " France, Autriche, solidarité ".
Juché sur un banc, Pierre Vial, conseiller régional de Rhône-Alpes et proche de la Nouvelle Droite, s'est chargé de chauffer l'assistance en fustigeant à la fois le premier ministre et le président de la République qui se sont, tous deux, inquiétés de l'accord de gouvernement passé entre les conservateurs et l'extrême droite en Autriche. Cette attitude a été qualifiée de " scandaleuse " et d' " indécente " par M. Vial qui a dénoncé le fait que M. Jospin gouverne avec des ministres communistes. Habitué des clins d'oeil pour initiés, le président de l'association Terre et peuple n'a pas manqué d'inviter les militants - en reprenant la trinité pétainiste - à " redonner [en France comme en Autriche] la parole à ceux qui se battent pour la patrie, la famille et le droit au travail " !
" Qu'est-ce que c'est que cette Europe qui entend dicter leurs droits aux peuples et qui préfère la Turquie islamique à l'Autriche nationale ? ", s'est à son tour exclamé M. Mégret avant d'inviter " le peuple à rejeter ses dirigeants indignes et à imiter le peuple autrichien ". " Ce qu'a fait Haider, nous voulons et nous allons le faire ", a promis le dirigeant d'extrême droite. Une heure auparavant, M. Mégret, qui présidait un conseil national de son parti, a rappelé que le MNR a choisi comme ligne politique celle du FPÖ de M. Haider et non celle " de M. Le Pen qui conduit à la ghettoïsation des idées " ou celle de " M. Fini ", président de l'Alliance nationale en Italie, " qui mène à une intégration docile et soumise au sein du sytème ". Voulant croire que la victoire du FPÖ constitue pour son parti " un signe du destin ", M. Mégret a demandé aux responsables du MNR d' " essayer de faire aussi bien que le FN en 1995 " dans la présentation des listes aux élections municipales. " Nous avons déjà plus de 300 têtes de liste. Je veux que nous en ayions plus de 400 " lors des assises municipales du MNR prévues début mars, a précisé M. Mégret, qui n'a pas cherché à masquer les difficultés que rencontre son parti, sur le plan financier mais aussi pour faire connaître son nom et son emblème. " On peut nous occulter médiatiquement à l'échelon national, nous existons à l'échelon local ", a-t-il insisté.



CHOMBEAU CHRISTIANE
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Libération, Samedi 12 Février 2000


EVENEMENT

L'UE dans le piège des sanctions. La stratégie d'isolement de l'Autriche est vouée à l'échec.

L'Union européenne est dans la nasse. Après avoir essayé de ramener le conservateur Wolfgang Schüssel à la raison, puis menacé Vienne de mesures de rétorsion si l'extrême droite accédait au pouvoir, puis appliqué des sanctions formelles ­ le gel des relations bilatérales ­ contre le nouveau gouvernement autrichien, elle se retrouve fort démunie. Car sa stratégie a manifestement échoué: le parti libéral est solidement installé dans les palais viennois, et Jörg Haider, resté hors du gouvernement, continue à distiller ses petites phrases haineuses qui font la joie d'une bonne partie de la population locale, indignée de l'ingérence de l'Union dans ce qu'elle considère comme ses affaires intérieures.
Otage. L'Europe peut difficilement aller plus loin dans ses sanctions, sauf à violer sa propre légalité: l'exclusion ou la suspension d'un pays n'est prévue qu'en cas de violations graves et persistantes des principes fondamentaux de l'Union, ce qui n'est manifestement pas le cas aujourd'hui. Un boycott économique serait tout aussi illégal au regard des règles du marché unique. La proposition, finalement rejetée, de n'inviter les représentants autrichiens qu'aux seuls Conseils des ministres formels et non aux réunions informelles ne violait certes pas le traité. Mais cette mesure se serait retournée contre ses promoteurs puisque l'Autriche aurait été fondée à refuser des compromis élaborés en son absence ou, en cas de vote à la majorité qualifiée, à prendre en otage d'autres dossiers nécessitant l'unanimité.
En outre, ignorer systématiquement la République alpine et ne pas tenir compte de ses intérêts légitimes afin de la pousser à la faute, c'est utiliser des méthodes de voyou contre un pays qui est toujours un Etat de droit imbriqué dans une Europe du droit. C'est aussi prendre le risque de paralyser l'Union par une guerre de tranchées dont on discerne mal le but ultime: il n'est pas question, que l'on sache, d'envoyer l'Eurocorps à Vienne pour chasser l'extrême droite De cela, les Quatorze ont conscience. Mis à part quelques manifestations symboliques ­ refus de saluer les ministres d'extrême droite ou d'écouter leurs discours ­, il est clair pour tout le monde qu'il va désormais falloir travailler avec l'Autriche, même si elle est placée sous haute surveillance. Romano Prodi, le président de la Commission, souhaite ainsi une coopération fructueuse et constructive avec le nouveau gouvernement autrichien, comme il l'a écrit cyniquement mais avec réalisme dans un message de félicitations envoyé lundi au chancelier autrichien.
Alors, tout ça pour ça? La frustration était bel et bien le risque dans cette affaire. La sortie de crise ­ réaliste, forcément réaliste ­ ne va pas être facile à gérer: pour les opinions publiques des Quatorze, le business as usual est difficile à comprendre après ces deux semaines d'effets de manche. Le désenchantement, voilà ce dont l'Union n'a guère besoin. Pour que l'affirmation de l'Europe politique qu'a constituée l'indignation unanime des Quatorze ne reste pas sans lendemain, les gouvernements ont l'obligation de transformer l'essai.
Fédéralisation. Le calendrier leur en fournit l'occasion: lundi à Bruxelles s'ouvre la conférence intergouvernementale (CIG) qui doit, d'ici à la fin de l'année, réformer les institutions de l'Union avant son élargissement. La plupart des pays, la France en particulier, se préparait à se contenter du service minimal. S'ils sont conséquents avec eux-mêmes, ils doivent donner vie à l'union politique en accentuant le caractère fédéral des institutions bruxelloises. L'Autriche devra, in fine, donner son accord à une réforme qui diminuera son influence dans l'Union, notamment en étendant le vote à la majorité qualifiée. Si elle s'y refuse, elle autorisera les autres à continuer leur chemin sans elle. Mais si les Quinze échouent collectivement à conclure la CIG, Haider pourra triompher: il aura démontré que l'Union n'est qu'une baudruche.



QUATREMER Jean
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Libération, Lundi 14 Février 2000


MONDE

Jörg Haider méprise tous ses détracteurs

Le dirigeant autrichien d'extrême droite Jörg Haider a rejeté comme antidémocratiques les réactions européennes à l'entrée de son parti, le FPÖ, au gouvernement, dans un entretien publié hier par un quotidien grec. L'Autriche ne doit pas être exagérément sensible aux réactions [de la communauté internationale] et doit les ignorer ostensiblement, déclare Haider dans cet entretien, dont la date n'est pas précisée par le journal. Il réitère aussi ses accusations contre le complot des sociaux-démocrates [autrichiens] corrompus qui ont téléphoné à leurs amis en Europe pour les soulever contre nous. Haider, enfin, s'en prend aux manifestants autrichiens mobilisés quotidiennement contre la coalition gouvernementale: 90% d'entre eux descendent dans la rue pour s'amuser, il s'agit de marginaux qui ont trouvé une occasion de perdre leur temps et de boire de la bière.
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Le Monde, Mercredi 1er Mars 2000



Le leader de l'extrême droite autrichienne a abandonné lundi soir 28 février la présidence de son parti, le FPÖ. Le jour même, il expliquait qu'il n'excluait pas de briguer la chancellerie aux prochaines élections

(IL EST REMPLACE PAR LE VICE-CHANCLIER SUSANNE RIESS-PASSER - DANS ENSEMBLE D'1 PAGE 1/2)

AUTRICHE Le dirigeant de l'extrême droite Jörg Haider a démissionné, lundi 28 février, de sa fonction de président du Parti de la liberté (FPÖ). Son successeur sera Suzanne Riess-Passer, la vice-chancelière de l'actuel gouvernement de coalition entre les conservateurs et le FPÖ. LES REACTIONS en Autriche et dans le monde sont pour le moment marquées par la prudence, ou une satisfaction mêlée de scepticisme quant au retrait réel de Jörg Haider de la vie politique. LES MEMBRES de l'Union européenne n'entendent pas pour le moment modifier leur politique de sanctions à l'égard de l'Autriche. EDMUND STOIBER, président du Land de Bavière et chef de file de la droite conservatrice allemande, espère, dans une interview au Monde, que cette démission permettra la levée des sanctions des Quatorze européens contre l'Autriche.

VIENNE de notre correspondante
Il faut savoir opérer une retraite stratégique pour mieux gagner une guerre : en vertu de ce vieil adage militaire, Jörg Haider a abandonné lundi 28 février la présidence du Parti de la liberté (FPÖ), qu'il dirigeait sans partage depuis près de quatorze ans, sans renoncer pour autant à ce qui reste au coeur de son ambition - devenir dès que possible chancelier d'Autriche.
Le chef de l'extrême droite populiste a pris de court partisans comme adversaires, grâce à un de ces coups de théâtre médiatiques dont il a le secret. Juste avant que ne débute, dans un hôtel de Vienne, la réunion de la direction du FPÖ, les grands quotidiens du soir annonçaient la nouvelle au conditionnel : " Haider envisage de démissionner " titrait l'influent Kronenzeitung, dont le directeur Hans Dichand n'hésite pas à comparer le fils de militants nazis au général De Gaulle, " qui s'est jadis retiré dans la solitude de son village, pour mieux revenir ensuite en "sauveur" au pouvoir ".
Officiellement, c'est donc pour " ne pas entraver le travail " de la coalition formée il y a trois semaines par les conservateurs du Parti du peuple (ÖVP) avec leurs nouveaux alliés du FPÖ, que Jörg Haider quitte son poste, auquel le remplace une de ses fidèles, le vice-chancelier Susanne Riess-Passer, qui bénéficie d'une meilleure image dans l'opinion publique comme auprès des médias étrangers. Celui qui avait conquis de haute lutte le pouvoir en 1986 au sein du petit parti FPÖ, en s'appuyant alors sur l'aile " national-allemande ", voire " national-socialiste ", pour éliminer la frange libérale, veut désormais se consacrer à son travail de gouverneur dans la province de Carinthie. " Si ce gouvernement travaille bien, il n'a pas besoin de moi " a expliqué Jörg Haider, qui ne veut plus apparaître comme le " chancelier de l'ombre " auquel devraient se référer systématiquement ses ministres avant toute décision engageant la coalition. Il a cependant souligné qu'il continuerait à coopérer " étroitement " avec Mme Riess-Passer.
" GRANDEUR D'ÂME "
Sa soudaine démission, au terme d'une réunion qu'on dit houleuse, a provoqué un choc parmi ses troupes, et les visages de plusieurs participants trahissaient leur désarroi. Tandis que le jeune ministre des finances Karl-Heinz Grasser saluait une " grandeur d'âme et un désintéressement peu communs dans la vie politique autrichienne ", son collègue à la défense Herbert Scheibner, interrogé l'après-midi par le Kronenzeitung au Portugal jugeait qu'un retrait de Haider serait " très mauvais ". Le vice-président du Parlement Thomas Prinzhorn, tête de liste du FPÖ aux législatives du 3 octobre, assure que Jörg Haider demeure " le chef " incontesté d'un parti qu'il a su propulser de 5 % à plus de 27 % des voix. " On se reverra aux prochaines élections nationales ", a-t-il lancé lundi soir aux journalistes. Enfin, l'un des plus proches conseillers de Haider, le député européen Peter Sichrovsky, a déclaré à la radio que cette volte-face de Haider ne pouvait que servir sa carrière politique, et un travail sérieux à son poste de gouverneur embellir sa " carte de visite " pour une future candidature à la chancellerie.
En Autriche, les commentaires sont unanimes pour considérer qu'une démission du Haider ne signifie nullement son retrait de la vie politique. Dans un entretien au magazine Format, lundi matin, le chef de l'extrême droite populiste n'estimait-il pas que son rêve de devenir chancelier avait encore " gagné en probabilité " en dépit des innombrables critiques qu'il a essuyées depuis un mois ?
Mais, selon l'une des meilleures biographes de Haider, la journaliste Christa Zöchling, cette brusque " sortie de scène " de l'acteur autrichien le plus courtisé par les médias traduit malgré tout un dépit de n'être pas cru lorsqu'il assure qu'il veut devenir un homme d'Etat responsable. Enfin, le refus des ministres du FPÖ de reverser la plus grande partie de leur salaire à un " fonds social " du parti, comme les populistes s'y étaient solennellement engagés il y a quelques années, a pu être ressenti par Haider comme une défaite personnelle.
Haider, sans doute, ne s'attendait pas à subir un tel tir de barrage à l'étranger. Le climat d'hostilité générale, dans lequel il s'est efforcé de garder bonne figure, a fini par produire des effets parmi ses partenaires conservateurs. Selon le magazine Format, chacune ou presque de ses interviews sonnait l'alarme parmi les fonctionnaires de l'ÖVP. Le futur chef de la Chambre économique, le conservateur Christoph Leitl, a ainsi accusé Haider d'être un " nymphomane du micro " possédé " par une pulsion suicidaire " lorsqu'il qualifie l'euro de " fausse-couche " ou flatte les sentiments anti-européens de son électorat. Moins durs, mais plus significatifs étaient les reproches publics adressés il y a quelques jours par une journaliste de Klagenfurt : " M. le gouverneur, si vous voulez continuer à courir le monde pour l'amour de votre ego, très bien. Mais il ne faut pas rester gouverneur de Carinthie ".
Haider a donc choisi, pour le moment, de retourner sur ses terres carinthiennes afin de retirer tous les bénéfices de son " sacrifice ", et d'attendre le moment favorable pour revenir à l'assaut du pouvoir.
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Libération, Vendredi 24 Mars 2000


MONDE

La surenchère patriotique face à l'Union. Le gouvernement autrichien joue les victimes.

Vienne, de notre correspondant.
Il aura tout essayé! Wolfgang Schüssel, chancelier d'un gouvernement autrichien isolé sur la scène européenne, aurait aimé paraître à Lisbonne comme représentant d'un peuple autrichien tout entier uni derrière son chef. Lundi, il avait invité les chefs des quatre partis représentés au Parlement: lui-même, donc, pour les conservateurs, la vice-chancelière Susanne Riess-Passer pour le FPÖ (extrême droite), le social-démocrate Alfred Gusenbauer et Alexander Van der Bellen pour les Verts. Le but de cette rencontre: obtenir la signature d'une déclaration commune affirmant que les sanctions européennes sont injustifiées, exagérées et contraires au traité de l'Union européenne.
Pas de chèque en blanc. Peine perdue: les chefs des deux partis d'opposition ont naturellement refusé de signer une telle lettre. Le gouvernement attendait de nous que nous lui signions un chèque en blanc, expliqua le social-démocrate Gusenbauer à la sortie de la rencontre. Ce dont il n'est absolument pas question de notre part. Même tonalité côté vert: Nous refusons catégoriquement de resserrer les coudes avec le FPÖ.
Si les partis peuvent paraître désunis sur l'attitude à tenir au sein de la famille Europe, ils s'accordent tous, en revanche, pour estimer que leur pays est victime d'une injustice. Face à une opinion publique qui ne comprend toujours pas où est le problème, aucun responsable politique ne considère ­ ou ne se permet de dire à haute voix ­ que les sanctions décrétées par les Quatorze sont légitimes. Aucun, non plus, ne fait l'effort d'analyser précisément les raisons de ces sanctions, à savoir la participation au gouvernement d'un parti xénophobe dont plusieurs leaders ont tenté d'affaiblir la portée des crimes du nazisme. Au lieu d'un grand débat sur la démocratie, on assiste en Autriche à une course au patriotisme, à laquelle nul n'échappe.
Dans une telle compétition, les conservateurs de l'ÖVP arrivent largement en tête. Tous ceux qui ne sont pas opposés à ces sanctions sont de mauvais patriotes, affirmait mercredi le chef des députés conservateurs, Andreas Khol, à la tribune du Parlement. Depuis le début, les conservateurs ont adopté une stratégie à double face: d'une part, jouer les innocents incompris et répondre à l'accusation d'alliance honteuse avec l'extrême droite par un sempiternel: l'Autriche n'est pas un pays nazi. Tactique qui permet de rassembler derrière soi la population qui, évidemment, n'est, ni ne se sent, nazie. Le but est d'introduire le plus d'émotion dans le débat, afin de resserrer les Autrichiens derrière leur chef et contre un ennemi clairement désigné: l'Union européenne, explique Thomas Angerer, professeur d'histoire à l'université de Vienne. Le mécanisme manipulateur fonctionne de la même façon que lors de l'affaire Waldheim (ancien président de la République, soupçonné d'avoir participé à la déportation de juifs, ndlr).
Pour alimenter cette démarche, tous les coups sont permis. Depuis un mois, l'ORF (l' office de radiotélédiffusion publique) ne rate aucune histoire de pauvres-Autrichiens-maltraités-à-l'étranger. Dernière en date: un groupe de lycéens viennois qui a essuyé à Strasbourg quelques insultes du type: Sales racistes Evénement qui a suscité un émoi considérable. Autre spécialité des médias autrichiens: relever le moindre dérapage raciste de la part, principalement, des Français et des Belges. C'est ainsi que les propos anciens de Jacques Chirac dénonçant le bruit et l'odeur des immigrés ont été mille fois répétés.
Complot socialiste. L'autre versant de cette stratégie est la contre-attaque. Menaces plus ou moins voilées contre les Quatorze, frein mis à certains dossiers ou plainte devant la Cour de justice européenne. Mais, surtout, les conservateurs dénoncent un complot fomenté par les socialistes européens, seuls responsables de tous les maux qui se sont abattus sur le pays. Associé à d'aussi bons défenseurs de la patrie, le FPÖ peut se tenir en retrait. Une attitude facilitée par le retour du tonitruant Jörg Haider sur ses terres de Carinthie, il y a deux semaines.
Côté opposition, force est de constater qu'aucune voix ne s'est élevée pour tenter de reposer correctement les termes du débat. Les sociaux-démocrates du SPÖ, qui restent la première force politique du pays, sont eux-mêmes tombés dans le piège de l'Autriche victime. Ils ont ainsi lancé l'action Patriotisme de gauche, multipliant voyages et coups de téléphone à travers l'Europe, afin d'expliquer à leurs amis que l'Autriche n'est pas Haider. Quant aux Verts, encore tout joyeux de leur récent succès (7% aux dernières élections, mais 14% dans les sondages actuels), leur ligne consiste à définir une frontière radicale entre le gouvernement et les Autrichiens et à demander ainsi aux Quatorze de ne surtout pas sanctionner la population par des boycotts inconsidérés.
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Libération, Mardi 7 Novembre 2000


MONDE

Autriche: débandade de l'extrême-droite

Un troisième ministre FPÖ a quitté la coalition ce week-end.

Vienne de notre correspondant
C'est la débâcle au sein de l'extrême droite autrichienne, après la démission ce week-end du ministre des Transports Michael Schmid, le troisième (après celui des Affaires sociales et celui de la Justice) à quitter le gouvernement de coalition formé en février entre le parti conservateur (ÖVP) du chancelier Wolfgang Schüssel et le FPÖ de Jörg Haider. Alors qu'aucun ministre de remplacement n'a encore été trouvé, le chef du parti social-démocrate (SPÖ, opposition), Alfred Gusenbauer, clame déjà avoir été contacté par "des personnalités de haut rang" de l'ÖVP, afin d'envisager un changement de coalition. "Il n'y a aucune nécessité de changer de gouvernement", a immédiatement démenti Maria Rauch-Kallat, secrétaire générale de l'ÖVP.
Gifle électorale. La démission soudaine de Michael Schmid, un des six ministres d'extrême droite du gouvernement de Wolfgang Schüssel, est avant tout une conséquence directe de la gifle reçue par le FPÖ aux élections régionales de Styrie à la mi-octobre. Ayant perdu presque cinq points par rapport aux élections précédentes, la section locale du parti a décidé de faire le ménage à sa tête. Clairement désavoué par sa base, le ministre, membre depuis onze ans de la section styrienne du FPÖ, a rendu son maroquin et décidé d'abandonner la politique. Furieux d'avoir perdu ce premier test électoral depuis l'arrivée du FPÖ au pouvoir, Jörg Haider a très mal encaissé le coup: au lendemain de ces élections, celui qui reste l'homme fort du parti s'est répandu en invectives contre l'ÖVP, qu'il a accusé de "trahison", et a limogé la ministre des Affaires sociales Elisabeth Sickl, qui avait jusqu'ici brillé par son incompétence et l'impopularité de ses coupes budgétaires.
"Le retrait complet de Michael Schmid ajoute une touche supplémentaire au tableau d'un navire-FPÖ en train de couler, que les rats chercheraient à fuir le plus vite possible", commente un des éditorialistes du magazine Profil, Georg Hoffmann-Ostenhoff. Depuis dix mois que l'extrême droite participe au pouvoir en Autriche, elle n'a cessé d'accumuler bourdes et défaites, pour atteindre un état de crise d'une profondeur inégalée depuis 1986, date de la prise en main du FPÖ par le populiste Jörg Haider.
Espionnage. "Le déclin du charisme de Haider est la principale explication de la crise que traverse le FPÖ", poursuit Hoffmann-Ostenhoff. Pour cet observateur rigoureux de la politique autrichienne, ce déclin est le prix que paie Haider pour les coups de gueule qu'il a persisté à pousser à tort et à travers durant l'époque des sanctions européennes, alors que l'ensemble du pays aurait préféré faire le dos rond en silence.
Autre raison de cette crise, et de taille: la très embarrassante affaire d'espionnage politico-policière, qui touche l'ensemble des partis, mais dans laquelle le FPÖ semble plus compromis que les autres. Début septembre, l'ancien président du puissant syndicat FPÖ de la police, Josef Kleindienst, révélait dans un livre-confession une pratique courante parmi ses collègues: la communication de fiches de renseignements confidentielles à des responsables politiques ­ la plupart issus du FPÖ Â­ en quête d'informations sur leurs adversaires. Onze policiers ont déjà été suspendus, à la suite de recherches sur les ordinateurs de la police. Il y a dix jours, le parquet de Vienne a ouvert une enquête contre plusieurs membres du FPÖ, dont Jörg Haider, son garde du corps, son attaché de presse et Hilmar Kabas, chef de la section viennoise du parti. La levée de l'immunité parlementaire de ce dernier, ainsi que du secrétaire de la section, sera débattue demain à la Diète, et très probablement décidée.
Enquête. La coalition gouvernementale est-elle aujourd'hui en danger? "Dans l'immédiat, non", répond le politologue Anton Pelinka. Avant d'ajouter: "Mais à moyen terme, certainement!" Tout dépend de l'enquête en cours sur le "scandale de l'espionnage". Jusqu'à présent, il semble que les enquêteurs bénéficient d'une certaine indépendance. Le ministre de l'Intérieur, le conservateur Ernst Strasser, malgré de violentes attaques verbales de la part du FPÖ, n'entend pas se laisser influencer dans sa mission.
Quant au ministre de la Justice, Dieter Böhmdorfer, son amitié avec Jörg Haider et sa possible implication dans l'obtention illégale d'informations policières (du temps où il était l'avocat du FPÖ) l'obligent à se montrer respectueux de l'indépendance des juges. Critiqué de tous côtés (le rapport des trois "sages" européens mettait notamment en doute la "compatibilité" de sa personne avec ses obligations), il pourrait être le prochain démissionnaire de ce gouvernement à la dérive.
Autre paramètre en jeu: les échéances électorales. Des régionales sont prévues en décembre au Burgenland, et l'an prochain à Vienne. Si le FPÖ subit de nouvelles défaites, ce qui est probable, la poursuite de la coalition deviendra impossible. Face à une telle crise, le silence tonitruant du chancelier Schüssel ne s'explique que par son désir de sauver à tout prix l'alliance qu'il a formée avec l'extrême droite. "Pour l'ÖVP, il existe encore une solution : se tourner à nouveau vers les sociaux-démocrates; mais pour Schüssel, il n'en existe aucune", conclut Anton Pelinka.



DAUM Pierre
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Le Monde, Mardi 10 Septembre 2002


Europe

En Autriche, les radicaux du FPÖ font éclater la coalition de droite

L'élargissement de l'Union européenne et la baisse des impôts ont provoqué une rupture au sein du parti de Jörg Haider

Vienne de notre correspondante
La coalition entre conservateurs et populistes a éclaté, l'Autriche se dirige vers des législatives anticipées - sans doute dans la deuxième quinzaine du mois de novembre -, et le chancelier Wolfgang Schüssel ne peut que constater l'échec de l'expérience qu'il avait amorcée, en février 2000. Tel est le résultat du bras de fer engagé par les éléments radicaux du parti libéral FPÖ, soudés derrière Jörg Haider, contre les pragmatiques qui avaient pris goût, depuis deux ans, à la gestion des affaires de l'Etat.
Dimanche 8 septembre, à l'issue d'une ultime confrontation, la vice-chancelière et présidente en titre du FPÖ, Susanne Riess-Passer, son ministre des finances Karl-Heinz Grasser, ainsi que le chef de la fraction parlementaire, Peter Westenthaler, ont présenté leur démission. Comme le souhaitait l'aile dure qui a rassemblé les signatures de 380 des 750 délégués du dernier congrès, des assises extraordinaires du FPÖ sont convoquées le 20 octobre, afin d'élire une nouvelle direction.
Les autres membres populistes du gouvernement restent pour le moment à leur poste, le ministre de la défense Herbert Scheibner devant assurer l'intérim en tant que vice-chancelier. Les trois "sacrifiés" ont été longtemps des fidèles de Jörg Haider, avant de prendre progressivement leurs distances. Aucun des trois ne semble désireux, ni d'ailleurs en mesure, de fonder une dissidence libérale du FPÖ.
Comme M. Westenthaler, Mme Riess-Passer a déclaré que le FPÖ restait sa "patrie politique" et la "vraie force réformatrice en Autriche". Mais elle a refusé de se laisser forcer la main par Jörg Haider sur deux sujets essentiels pour l'action gouvernementale : le report de la réforme fiscale et l'élargissement de l'Union européenne vers l'est, en faveur duquel elle avait exigé, dimanche, un engagement clair et irrévocable de tous les dirigeants du parti.
"Il faut reconnaître que les dissensions étalées par le parti au cours des derniers jours étaient devenues difficilement supportables pour l'opinion publique", a commenté le jeune ministre des finances, de loin le plus populaire des dirigeants du FPÖ. M. Grasser n'avait accepté d'entrer au gouvernement qu'à la condition que Haider le laisse travailler en paix. C'est le report à 2004 de la réforme fiscale, décidé par le gouvernement après les inondations catastrophiques du mois dernier, qui a poussé les radicaux du parti à l'offensive. Jörg Haider craignait que, sans un allègement substantiel d'impôts pour les foyers les plus modestes, le FPÖ n'ait qu'un bilan trop maigre pour justifier son alliance avec les conservateurs lors des prochaines législatives, prévues à l'automne 2003.
Evitant d'abord d'attaquer de front la vice-chancelière, à laquelle il avait "confié" le parti en mai 2000, le chef populiste a réservé ses piques à M. Grasser puis incriminé l'ensemble de la direction, selon lui "tenue en laisse" par les chrétiens conservateurs de l'ÖVP.
Les pressions croissantes des radicaux, conduits par l'ancien chef de la fraction parlementaire Ewald Stadler, surnommé le "Doberman", ont fait le reste : alors qu'il se posait, la veille encore, en réconciliateur et invitait les fractions ennemies à "fumer le calumet de la paix", Jörg Haider s'est fait acclamer par une base qui brûle de retourner dans l'opposition.
L'offre de "compromis" élaborée samedi 7 septembre était un camouflet pour Mme Riess-Passer, et a aussitôt mis en alarme le direction de l'ÖVP : elle remettait notamment sur le tapis la question d'un veto de l'Autriche à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque. Vienne s'est efforcée, ces derniers mois, d'aplanir le différend avec Prague sur la centrale nucléaire de Temelin, et de résoudre le contentieux des décrets Benes, qui ont exproprié après la deuxième guerre mondiale les minorités germanophones et magyares.
Aux yeux des dirigeants conservateurs, des gouverneurs de région et du patronat, il n'est pas envisageable de continuer à gouverner avec des "putschistes" qui remettent en cause un point essentiel de l'accord de coalition signé avec Haider fin janvier 2000 : l'élargissement de l'Europe vers l'est. Dès dimanche, le chancelier Schüssel évoquait l'hypothèse d'élections anticipées : "Dans une telle situation, les électeurs doivent pouvoir se prononcer, et je n'ai pas peur de ce vote".
Joëlle Stolz
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Le Monde, Jeudi 21 Novembre 2002


Horizons

Le FPÖ perd ses derniers intellectuels

En chute libre à la veille des législatives autrichiennes, le parti de Jörg Haider voit fuir les rares membres de l'intelligentsia qui l'avaient rejoint. Son "juif de cour" s'explique dans "Profil"

Des intellectuels dans le FPÖ, ça existe ? Oui, mais ils sont une espèce en voie d'extinction, si l'on en juge par la vitesse avec laquelle les rares spécimens que l'on puisse qualifier comme tels, déjà bien isolés parmi les petits fonctionnaires en veste de loden ou les chefs d'entreprise en blazer, s'éloignent du navire en perdition.
Le plus connu est Peter Sichrovsky, dont le livre Naître coupable, naître victime (récits croisés d'enfants d'anciens nazis et de déportés juifs) a été traduit en français. Son ralliement à une droite populiste alors en pleine ascension électorale lui valut le surnom de "juif de cour de Jörg Haider". Motivée par le désir morbide de flirter avec l'infamie afin d'en tirer un jour un roman à clés ou, plus prosaïquement, le besoin de payer la pension alimentaire de ses ex-épouses et nombreux enfants, cette conversion avait fait grand bruit. C'est désormais sur sa rupture avec un FPÖ "réhaidérisé" qu'il se répand dans la presse, notamment en avouant à l'hebdomadaire Profil qu'il "considère sa carrière politique comme un échec".
Député européen, cet écrivain a démissionné avant l'été de son poste de secrétaire général du Parti libéral (FPÖ), où il était conseiller à la culture, puis de politique étrangère. Mais il a attendu la seconde visite de Haider à Saddam Hussein, début novembre, pour dénoncer "l'antisémitisme grossier" du leader populiste. Ce qui l'a "le plus blessé" est de l'entendre mettre Israël dans le même sac, au chapitre de la démocratie, que le régime irakien. Ou encore ses diatribes contre le jeune ministre FPÖ des finances, Karl-Heinz Grasser, accusé d'avoir courbé l'échine devant "le lobby de la Côte est", terme codé pour désigner les milieux financiers juifs américains. Le journaliste lui faisant remarquer qu'il a mis du temps à ouvrir les yeux, il évoque l'hypocrisie de la classe politique : parlait de "Côte Est", ça n'indignait personne. Quand Haider le fait, si."
Il n'en tire pas moins un bilan sévère des équipées dans le monde arabe du leader du FPÖ, qui se glorifie de "jouer les garçons de courses pour un des dictateurs les plus dangereux de la planète". Sichrovsky avait organisé pour Haider une tournée au Proche-Orient, mais n'a pu le suivre, car "son entourage pensait qu'emmener un juif dans le monde arabe serait mal perçu : c'est le niveau intellectuel de ses conseillers. Lui-même est convaincu que son isolement est dû à l'influence des organisations juives en Europe et aux Etats Unis". Selon lui, Jörg Haider est "psychiquement incapable"de suivre la même voie qu'un Gianfranco Fini, le chef des post-fascistes italiens, qui s'est excusé pour la responsabilité du fascisme dans l'Holocauste : "Fini vient d'être invité en Israël, cela fait enrager Haider."Pourquoi ne pas rendre sa carte du FPÖ ? "Je reste tant qu'on me tolère. Si j'entends encore quelques petites phrases sur les SS "qui n'étaient pas tous si mauvais", je partirai."LE PARTI LE PLUS STUPIDE
D'autres n'ont pas son masochisme. Après le "putsch" de l'aile dure, l'historien Lothar Höbelt, qui avait aidé à rédiger le programme politique du FPÖ avant les législatives de 1999, a rejoint les chrétiens conservateurs du chancelier Wolfgang Schüssel : "Aucun parti ne s'est conduit aussi stupidement" que le FPÖ, a-t-il affirmé lors d'une discussion très ouverte avec un de ses anciens camarades de parti, le journaliste Andreas Mölzer, dans le quotidien de gauche Der Standard. Pour Höbelt, "il n'y a que deux catégories morales, bête ou intelligent : quand des gens veulent faire chuter le gouvernement, je combats ce projet, mais je peux le respecter. Mais je n'ai aucune compréhension pour des gens qui montent un putsch, puis disent qu'ils n'ont pas voulu ça".
Mölzer, qui considère "tous les partis comme des organisations minables, surtout celui auquel [il appartient]", se prépare à retourner au maquis : "Nous étions toujours des hors-la-loi. Nous le sommes à nouveau." Au moins, espère-t-il, "c'en sera fini de ce culte de la jeunesse" au sein du FPÖ, où seuls "les sportifs et les étalons de moins de 30 ans pouvaient devenir députés". Mais les deux intellectuels s'accordent sur un point : le FPÖ va redescendre autour de 10 %.
Joëlle Stolz
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Edition de FIGARO
Lundi 25 Novembre 2002




Victoire historique de la droite autrichienne

La victoire est historique. Pour la première fois depuis 1966, avec 42, 27 % des voix, le Parti conservateur (ÖVP) devient la plus importante formation d'Autriche. Le chancelier Wolfgang Schüssel devra encore transformer ce succès électoral en formant une coalition. Mais aucun autre parti n'est en mesure d'en former une sans les conservateurs.
Les sociaux-démocrates, traditionnellement la première formation politique du pays, n'ont obtenu que 36, 9 % des suffrages. Avec seulement 10, 16 % des voix, l'extrême droite (FPÖ) du populiste Jörg Haider, s'est écroulée : elle perd 33 sièges et plus de 16 points par rapport aux législatives de 1999 ! Les Verts, qui espéraient franchir la barre des 10 %, n'ont obtenu que 8, 96 % des voix.
" Le résultat est inattendu, mais, grâce à Dieu, il est clair, s'est écrié le chancelier à l'annonce de son score. Nous sommes un véritable parti populaire mais, malgré l'ampleur de la victoire, nous devons rester modestes et garder les deux pieds sur terre. "
Les conservateurs " ont très nettement gagné et je les félicite ", a concédé le chef du SPÖ, Alfred Gusenbauer, à la télévision nationale. " Il est absolument clair que si les deux partis du gouvernement, ÖVP et FPÖ, veulent continuer à gouverner ensemble, ils peuvent le faire : ils ont une majorité solide au Parlement, a-t-il poursuivi. J'ai dit avant l'élection que la deuxième place signifierait notre retour dans l'opposition. Ma position est toujours valable. "
Annonçant qu'il remettrait aujourd'hui sa démission aux instances dirigeantes de son parti, le ministre des Affaires sociales et tête de liste du FPÖ, Herbert Haupt, a sobrement indiqué qu'il n'avait " pas atteint l'objectif que nous nous étions fixé ". Il s'est néanmoins dit favorable à une reconduction de la coalition sortante. Quant à Jörg Haider, il gardait pour l'instant le silence. Dans les derniers jours de la campagne, il avait multiplié les attaques contre le chancelier, le traitant, entre autres amabilités, de " fou " et de " Napoléon de réserve ". Pour l'analyste politique Anton Pelinka, " l'autorité de Jörg Haider n'est plus ce qu'elle était. S'il acceptait une participation du FPÖ au gouvernement, ce serait un signe supplémentaire de son affaiblissement ".
Le président autrichien, Thomas Klestil, a annoncé dans la soirée qu'il entamerait dès aujourd'hui des consultations avec les chefs des quatre partis et a espéré la formation rapide d'un gouvernement. Quel qu'en soit le résultat, le triomphe des conservateurs constitue une revanche personnelle pour le chancelier sortant, premier dirigeant en Europe à avoir accepté de gouverner avec l'extrême droite, en février 2000. Mis au ban de l'Union européenne pendant sept mois par ses quatorze partenaires, Wolfgang Schüssel pourra désormais faire valoir qu'il a durablement affaibli à son profit l'extrême droite de Jörg Haider.
" Il est clair que non seulement M. Schüssel sera le prochain chancelier mais qu'en plus, il a en main toutes les options pour former la prochaine coalition, explique le politologue Peter Filzmaier. Il semble qu'une grande partie des anciens électeurs FPÖ soit passée à l'ÖVP. Il s'agit d'un grand succès pour M. Schüssel, qui a misé sur la continuité, la fiabilité et qui a profité à plein de la prime au sortant en menant une campagne centrée sur sa personne. "
Le coup de maître de Wolfgang Schüssel

" Qui, sinon lui ? ", interrogent les affiches du chancelier Wolfgang Schüssel. Conservateur tranquille mais combatif, Wolfgang Schüssel, 57 ans, restera dans les mémoires pour avoir organisé la chute de la maison Haider, le tribun populiste et xénophobe, qui, fort de près de 27 % des voix, avait fait entrer, en 2000, son Parti de la liberté (FPÖ) au gouvernement.
L'" erreur historique ", selon les mots du ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer pour qualifier l'alliance avec l'extrême droite, s'est transformée en coup de maître. Après sept mois de sanctions, l'Autriche reste isolée sur la scène européenne. Ce qui, paradoxalement, renforce la cote personnelle de Wolfgang Schüssel auprès de ses compatriotes. Pendant ce temps, le FPÖ se délite : en la confrontant aux réalités du pouvoir, Wolfgang Schüssel réussit à diviser l'extrême droite entre les tenants de la ligne gouvernementale et les tenants d'une ligne d'opposition, incarnée par Jörg Haider. Après la démission de plusieurs ministres libéraux, en septembre, le chancelier décide que la situation est mûre pour convoquer des élections anticipées.
Le stratège continue de prendre des pions à l'adversaire. A quinze jours du scrutin, l'une des personnalités les plus populaires du FPÖ, le ministre des Finances Karl-Heinz Grasser, déserte son camp, affichant haut et fort son soutien au chancelier.
Célèbre pour ses talents artistiques et musicaux qui lui ont valu le surnom de " Petit Prince ", Wolfgang Schüssel est né en juin 1945 à Vienne. Il commence sa carrière en 1978, en tant que député conservateur. Il devient ministre de l'Economie en 1989, puis ministre des Affaires étrangères en 1995, année de l'accession de l'Autriche à l'Union européenne. Au sein du dernier gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates, il est vice-chancelier.
Mais pour ses détracteurs, il reste " le chancelier qui se tait " : Wolfgang Schüssel, qui n'a jamais exclu, tout au long de la campagne, de reconduire son alliance avec l'extrême droite, n'a pas, non plus, ouvertement condamné les voyages de Jörg Haider chez le président irakien Saddam Hussein, ni ses rencontres avec d'autres leaders européens d'extrême droite pour tenter de créer un mouvement paneuropéen.



Stéphane KOVACS
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Edition de FIGARO
Samedi 1er Mars 2003


INTERNATIONAL, EUROPE
AUTRICHE Après trois mois de négociations

Schüssel renoue avec l'extrême droite

" Mais pourquoi donc avons-nous voté ? ", s'interroge, mi-figue, mi-raisin, le quotidien Kronen-Zeitung. Il aura fallu trois mois de négociations ardues entre les conservateurs, grands vainqueurs des élections de novembre, et les autres partis politiques pour aboutir à la formation... de cette même coalition qui avait volé en éclat deux ans et demi à peine après son investiture.
Malgré le tollé qu'avait provoqué, en Europe, leur première alliance, en février 2000, les conservateurs du chancelier Wolfgang Schüssel et l'extrême droite ont reconduit, hier, leur coalition.
" Le nouveau gouvernement est donc l'ancien gouvernement ", ironise l'hebdomadaire Profil, ravi de pouvoir ressortir toutes ses vieilles photos et caricatures.
En remportant les législatives du 24 novembre dernier avec 42, 3 % des voix, Wolfgang Schüssel avait propulsé son parti conservateur (ÖVP) au rang de première formation d'Autriche, pour la première fois depuis 1966. Minée par des querelles internes et décrédibilisée par les frasques de son ancien leader, Jörg Haider, l'extrême droite (FPÖ), elle, avait perdu les deux tiers de ses électeurs, et franchi de justesse la barre des 10 %.
En décidant de reconduire son alliance avec l'extrême droite, Wolfgang Schüssel a donc fait le pari risqué de gouverner avec le moins exigeant mais aussi le moins fiable des trois partis siégeant au Nationalrat.
Le chancelier, estiment les analystes politiques, n'a pas levé " l'hypothèque Haider ", son ennemi personnel qui s'était récemment brutalement opposé à la reconduction d'une nouvelle alliance avec les conservateurs.
Hier, lors de la prestation de serment du nouveau gouvernement, le président Thomas Klestil, l'air sombre, lui a souhaité " plein succès, dans l'intérêt de la République autrichienne ". Le président s'était exprimé à deux reprises en faveur d'une " grande coalition " entre les conservateurs et les sociaux-démocrates. Mais, lorsqu'il avait engagé, la semaine dernière, des négociations directes avec le FPÖ pour former son gouvernement, Wolfgang Schüssel avait expliqué que les sociaux-démocrates, l'autre grande formation du pays, étaient trop exigeants pour qu'il puisse les accepter dans son cabinet. Peu auparavant, il avait mis un terme à des pourparlers avec les Verts, les négociations ayant achoppé sur des questions comme les privatisations et la politique fiscale.
Sur dix-huit membres quatorze hommes et quatre femmes , onze appartiennent au Parti conservateur (ÖVP) du chancelier Wolfgang Schüssel et six au FPÖ, le parti d'extrême droite dirigé en coulisses par Jörg Haider. Le ministre des Finances, le très populaire Karl-Heinz Grasser, est un ancien cadre du FPÖ, aujourd'hui indépendant. La coalition ÖVP-FPÖ disposera de 97 sièges au Parlement contre 86 pour l'opposition formée par les sociaux-démocrates et les Verts.



Stéphane KOVACS
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