Critiques de films. J’essaie de les rendres intéressantes.

Wanted

Ou : Lorsque qu’un faiseur de vampires russes s’essaie à l’univers des comics

Timur Bekmambetov avait déjà réalisé Nochnoy dozor (aka Nightwatch). Puis Dnevnoy dozor (aka Daywatch). Il aime les histoires fantastiques, et il le fait savoir au monde entier. La Russie a beau être nostalgique de son glorieux passé impérialiste et s’y réessayer, si l’on veut faire du cinéma a budget, c’est chez l’Oncle Sam que ça se passe; Bekmambetov, dont les canines ont été remarquées outre-pacifique, a signé une adaptation facho-esthétisée qui plaira beaucoup au fans de jeux vidéos, nourris à la Wolfenstein . Scènes aux discours que Joel Schumacher applaudirait des deux mains, l’invraisemblable divertissement a du mal a cacher son coeur malade, même si il palpite à 400 pulsations/minutes.

Pourtant, ça commence plutôt bien : Wesley Gibson (James McAvoy) végète dans un univers inspiré de Fight Club, où il achète des capotes à un son meilleur ami, un meilleur ami qui s’empressera de les utiliser avec sa fiancée. Sur une table (clin d’oeil appuyé) Ikéa. Il est cocu, et il le sait. Mais il se fout de tout. Son âme est vide, plus rien ne l’atteint vraiment; et de se rappeler Edward Norton, le regard creux, faisant des photocopies. Est-ce un hasard que McAvoy ressemble tant au fluet acteur de Fight Club ? Univers carcéral transposé dans un monde de gratte-papier, le début promettait. Mais la suite déçoit. L’histoire qui suit est en effet du pur jus hollywoodien dans ce qu’il a de moins intéressant : des sauts au-dessus de trains, voitures, immeubles, explosions à la Matrix, et, nouveautés esthétisante, balles qui peuvent suivre des trajectoires courbées. On se demande comment est-ce qu’on faisait des films avant l’arrivée du numérique.
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Cloverfield

Excellent film aux contradictions cohérentes : faire The Blair Witch Project avec 30 millions de dollars. Faire une publicité sans précédent pour un film vendu comme étant tourné caméra à l’épaule, et sans stars. Ou encore, faire un film de monstres et donner la parole non à ses preux combattants, mais à quelques obscurs et terrifiés fuyards. Filmer la guerre de Troie en se concentrant sur les galériens.

cloverfield tête de la statue de la libertéCloverfield se nourrit admirablement de toutes ses contradictions. Après tout, à ceux qui dénoncent les mensonges sur le réalisme du film (lumière et son trop réussis pour un film amateur, balancements exagérés), son budget démesuré pour un film de ce genre, on peut objecter qu’ils ont perdu de vue ce qu’était le cinéma; un total reformatage de la réalité. Une invention. Chercher ce qui est vrai ou faux là-dedans, alors même que le cinéma ne cherche qu’à réinventer la réalité, cela n’a aucun sens.

On peut ainsi critiquer la crédibilité de telle ou telle scène (le spectateur ne s’est pas senti assez immergé pour y croire), mais certainement pas la manière, la technique ou les moyens utilisés. Tout est artificiel, au cinéma; c’est peut-être la plus grande réussite du 7ème art que de s’être créé des détracteurs l’accusant d’irréalisme dans sa phase de production.
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Requiem for a dream

Hallucinant. C'est le meilleur terme pour définir le deuxième long-métrage de Darren Aronofsky, réalisateur de Pi et The fountain. Un film laboratoire, où toute une palette d'effets de raccords, d'esthétiques visuelles, de mises en scènes sont expérimentées. On aurait pu avoir du Godard, mais au final on a du Lynch. Aussi torturé, fantasmagorique et artistique que ce dernier : un régal pour les sens, mis à mal par un simple film. Si Requiem for a dream est aussi réussi, c'est…

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Rear window

Get a life – Fenêtre sur cour, une critique des real TV avant l’heure

Fenêtre sur cour, ou comment nous braquons les fenêtres de l’âme sur la vie d’autrui. Hitchcock, presque 50 ans avant les émissions de real TV, explore notre goût pour le voyeurisme. Un régal pour les yeux, tant le film s’est bonifié (et ce n’est pas toujours le cas pour les films du maître du suspense) avec les années. Ce n’est pas trahir l’oeuvre que de chercher à voir en elle une critique de notre façon de vivre, de la distance qui s’établissait déjà entre notre ego et l’alter, lorsque les villes avec leurs immeubles commençaient à pousser l’individu à s’isoler de l’autre, à oublier d’entretenir des relations réelles avec un monde réel. La récrimination de la voisine qui, ayant perdu son chat, est la clé de voûte du long métrage : « Des voisins devraient s’entraider, se parler, et non s’ignorer ». Dans fenêtre sur cour, tous s’épient, mais plus personne ne se parle. Or, dans la real TV, que fait-on d’autre que regarder des voisins, à qui on ne parle pas ?

L. B. Jefferies (James Stewart) est un photographe qui rêve d’aventure. Pourtant, à voir le plaisir qu’il prend à observer ses voisins, on se demande si la vie à la dure qu’il décrit à son amie, Lisa Fremont (Grace Kelly), n’est pas une pure invention de son esprit. Il aime regarder à un tel point se nouer des drames dans les appartements qui l’entourent, qu’il embarque tout son entourage dans sa coupable activité : son infirmière, son amie, son ami détective, tous finissent par le suivre dans son « obsession », comme il la dénomme lui-même. Bien que ses amis soient très critiques, voire dédaigneux, ils finissent par succomber à ce travers, avides de nouvelles de la voisine solitaire, de l’artiste mélancolique, du couple au ménage qui bat de l’aile. Jeffries vit à travers les autres, s’oublie, cloué par une jambe dans le plâtre à la maison; il passe ses journées à épier la grande cour jouxtant plusieurs immeubles, et les fenêtres qui l’entourent, vivant par procuration toute une série d’aventures rocambolesques, sans se déplacer. Jusqu’à débusquer, envers et contre tout, que l’un des locataires de l’immeuble d’en face a tué sa femme.

Si bien évidemment, il est hasardeux de faire expliquer à un film de 1954 ce que sera la real TV à la fin des années 1990, on peut s’avancer sans trop de risques que les comportements humains qui allaient y mener existaient bien avant son avènement. Hitchcock prend un malin plaisir, lui-même voyeur invétéré, lui-même amateur d’histoires qui tournent mal, à décortiquer le plaisir malsain que l’on peut prendre à suivre le quotidien de parfaits inconnus. Un plaisir d’autant plus condamnable que, au fond de nous, nous espérons assister à l’extraordinaire, à la violence, au sexe : cette scène truculente où Grace Kelly, pensant qu’il ne s’est rien passé chez le voisin observé, admet de manière désabusée qu’ils auraient souhaités être sur une affaire de meurtre, est d’une justesse dérangeante. Etre déçu que l’homme espionné ne soit pas un assassin… et reconnaître à quel degré on peut confondre fantasme et réalité. Serions-nous tous fous ?
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Rich and strange

Un homme égoïste, Fred, s'ennuie dans sa vie monotone. Heureusement pour lui, le voilà qui hérite d'un paquet d'argent, ce qui lui permettra de voir du monde. La trame est simple, tout comme le film. Filmé sans beaucoup d'imagination, les scènes se succèdent dans une longueur habituelle chez Hitchcock; sauf que là, on trouve le temps long, on est peu intéressé par les découvertes (Paulo) cohelosques du héros. Il va jusqu'au bout du monde, se détachant progressivement de sa vie…

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Spellbound

Une maison de fou pour présenter la psychiatrie; Hitchcock, qui s'intéresse comme un damné à cette discipline encore relativement peu connue du grand public à cette époque, et construit le film brique après brique telle une séance sur le divan. La symbolique est une merveille : de la femme débauchée (la sublissime Rhonda Fleming), jouant aux jeux de cartes et nymphomane, il passe à la psychorigide (Ingrid Bergmann), incapable d'aimer, qui est la psychiatre. L'une et l'autre sont opposées dès…

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Saikaku ichidai onna

50 ans avant Dancer in the Dark, Kenji Mizoguchi osait un portrait de femme dévastée à qui la vie n'épargne aucune horreur. Mais là où Lars Von Trier s'arrête, trouvant dans la mort le facile échappatoire aux souffrances endurées, Mizoguchi va plus loin, explore avec férocité toutes les facettes du désespoir féminin dans Saikaku ichidai onna (La vie de O Haru, femme galante, mais les traductions de ce titre diffèrent parfois). Ce film, sans concession ni fioriture, recule paradoxalement là…

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Big Fish

Dans tout mensonge, il existe une part de vérité.

Jouons franc jeu : il m’est totalement impossible d’être calme, objectif ou dans un état mental serein requis pour l’écriture d’un commentaire cinématographique qui se voudrait neutre sur Tim Burton. Complètement déjanté, il fait partie de cette clique de réalisateurs qui, depuis Eisenstein, n’ont cessés de développer le vocabulaire et la grammaire du 7ème art. Il a compris, aux côté des Fritz Lang, Kubrick ou Welles, que le cinéma n’est pas simplement un montage de photographies superposées les unes sur les autres. Il existe un cadrage, oui, mais les interstices calés entre les scènes sont des univers que « quelques uns » ne savent exploiter; Burton fait partie des « quelques autres », raison pour laquelle il restera, sans doute, parmi les quelques 50 ou 100 réalisateurs qui auront marqués le XXème siècle, le siècle du cinéma. Souvent subversif, anti-conventionnel, sensible, il fait voyager un spectateur qui oublie à chaque fois combien il va cruellement souffrir, lors de l’immanquable retour à la réalité de fin de projection; le monde semble si monochrome, en comparaison, et manque tellement de merveilleux.
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