La ville de Chiclayo de la côte pacifique nord du Pérou est relativement méconnue. Pas de belles plages, une ville quelconque, et le prix des logements pourrait décourager les voyageurs sac-à-dos. Pourtant, il existe une forte densité de sites archéologiques et de musées se rapportant aux cultures Mochica (du nord), Lambayeque, et Chimú. La région abrite également l’un des plus anciens complexe urbain du pays, tutoyant l’ancienneté de Caral. Je présente ici brièvement la manière d’attendre les plus connus et quelques-uns un peu moins connus de manière autonome, vous permettant d’étaler votre visite sur plusieurs heures au lieu de les survoler avec une agence de voyage. Presque tous, à l’exception de Pampa Grande, sont directement et facilement accessibles. Il serait dommage de se priver de ces merveilles antiques du Pérou, cette région est un musée à ciel ouvert offrant beaucoup de liberté au voyageur passionné d’archéologie. Le foisonnement des cultures dans la région est inouï et offre des découvertes enrichissantes en permettant de découvrir les cultures antérieures et postérieures aux Mochicas.
Terminologie: Le débat pour déterminer le nom de la culture « Lambayeque » ou « Sicán » n’étant pas clôt, je retiendrai ici le terme de « Lambayeque » pour désigner la culture « Lambayeque ou Sicán » à des fins de lisibilité. Je tranche également entre « Moche » et « Mochica » en faveur de ce dernier, plus proche de muchik, la langue parlée par certains villages qui donna son nom à cette civilisation.
Presque tous les départs en combi se font depuis deux terminaux de bus à Chiclayo; l’Ovalo del Pescador, 15 minutes depuis le Parque principal du centre-ville, et l’Epsel Terminal à environ la même distance du centre. La ville de Lambayeque a son propre terminal, proche du Parque, que l’on atteint tout droit depuis la rue Elias Aguirre en arrivant sur l’avenida Antonio Raimondi. Le prix des destinations oscille entre 1,5 et 2,5 soles.
Musée des Tumbas Reales de Sipán (musée des tombes royales), Lambayeque
On vous dira que le musée des Tumba Reales de Sipán est magnifique. C’est en dessous de la réalité, car il est certainement l’un des plus beaux musées d’Amérique Latine. Sa muséologie, tout d’abord, est savamment choisie : 3 étages, une rampe d’accès copiant les temples mochicas, tout rappelle la découverte de la tombe du Seigneur de Sipán autour de laquelle est organisé le musée. La tombe, découverte par Walter Alva en 1987, fut l’une des plus grandes découverte archéologique d’Amérique Latine. A une époque où le Pérou était en crise économique, la Huaca (sépulture andine) risquait d’être livré aux pilleurs de tombes, qui sévissaient en bandes. Alva décida de déplacer les artefacts à Lambayeque afin de les protéger, ce qui sauva certainement une collection funéraire nous venant de l’an 250 de notre ère, une période où l’art et l’architecture de la civilisation mochica se développait à toute vitesse. Il s’agissait de la première tombe intacte retrouvée d’un chef de clan important, que certains n’hésitent pas à comparer à la découverte de la tombe de Toutankhamon. Notre connaissance de la culture mochica fit un bon en avant, en particulier sur sa cosmovision et son travail d’orfèvrerie. Le musée contient sans aucun doute des pièces uniques, qu’il est malheureusement (et de manière incompréhensible) interdit de photographier.
La tombe du Seigneur de Sipán provient de la Huaca Rajada, un complexe archéologique qui contient son propre musée aujourd’hui, et détaillé ci-dessous. On trouve également exposé dans le musée des Tumba Reales les artefacts retrouvées dans une autre tombe, qui serait contemporaine au Seigneur, celle d’un prêtre (la tumba del Sacerdote) qui éclaire sur la cosmovision dualiste andine. Tout est ici prétexte à symbole, de l’alliage utilisé par les artistes mochica aux formes et aux couleurs des artefacts. L’or et l’argent représentent ainsi les pôles féminins ou masculins, la Lune ou le Soleil.
Les images suivantes sont quelques-unes des pièces exceptionnelles que l’on peut admirer au musée :
Comment s’y rendre: Se rendre au terminal Lambayeque. Une fois arrivé dans la ville, vous marchez environ 5 à 7 minutes pour atteindre le musée de las Tumbas reales, à la forme pyramidale très caractéristique. La ville de Lambayeque est très petite, on trouve le musée très facilement en demandant son chemin ou sur googlemaps. Profitez pour faire le musée de Brüning dans la même journée, il est de l’autre côté de la ville, et très proche de la route principale où vous trouverez les combis vous ramenant à Chiclayo. Le prix d’entrée du musée des Tumbas reales est de 10 soles.
Musée de Brüning, Lambayeque
Comment s’y rendre: depuis le musée des Tumbas Reales de Sipán, c’est tout droit en rebroussant chemin depuis ce dernier. Depuis Chiclayo, suivre les instructions liées au musée des Tumba Reales de Sipán. La ville de Lambayeque est très petite, on trouve le musée très facilement en demandant son chemin ou sur googlemaps. Le prix d’entrée du musée est de 8 soles.
Musée et site archéologique de Huaca Rajada, Sipán
Le musée est d’intérêt mineur en comparaison avec ses confrères de Lambayeque, car il aborde des thèmes mieux développés ailleurs. Toutefois, certaines céramiques, telle le dieu grenouille, ou une poterie sur laquelle semble peinte ce que l’on prend pour une swastika au premier coup d’oeil, valent le détour.
Si vous croisez l’archéologue résident, Anaximandro Nuñez, il vous racontera avec passion certaines anecdotes du site.
Comment s’y rendre: Prenez un combi depuis le terminal Epsel pour Sipán. Puis marchez ou prenez une mototaxi jusqu’au site archéologique, ce n’est pas très loin. L’entrée du site est à 8 soles. Vous pouvez profiter de vous rendre à Pampa Grande dans la même journée.
Site archéologique de Pampa Grande
On peut également voir un certain nombre de sites de fouilles, dont l’un, situé au nord du temple majeur, présente une construction étonnante sur deux niveaux de matériau, une de pierres et une d’adobe. Cela m’a été confirmé par Anaximandro Nuñez, on ne retrouve pas ce type de technique à Huaca Rajada/Sipán.
Comment s’y rendre: depuis le site de Huaca Rajada, prenez un combi en direction de Pampa Grande. Ils passent régulièrement. Assurez-vous de prendre un combi à Pampa Grande pour rentrer à Chiclayo avant 18h, plus tard il devient difficile de repartir depuis Pampa Grande. Il est certainement possible de se rendre à Pampa Grande directement depuis Chiclayo au terminal Epsel, mais je n’ai pas testé.
Sanctuaire historique du Bosque de Pómac et Batán Grande
Depuis la Huaca Las Ventanas, la vue panoramique sur la forêt de Pómac est impressionnante. Des peintures murales représentant Naylamp, le héros mythologique de la culture lambayeque, fondateur de civilisation venu par la voie des mers, ont été retrouvées. Selon certains archéologues, il s’agirait d’un navigateur aztèque venu du Mexique. La légende de Naylamp est très présente dans toute l’iconographie lambayeque, et il est difficile de ne pas le lié à Taycanamo, le fondateur mythique de la civilisation Chimú venu lui aussi par la grande bleue. A ma connaissance, les peintures murales ne sont pas visibles, elles doivent avoir été
Comment s’y rendre: Prenez un combi depuis le terminal Epsel pour Batán Grande (ou Pómac, c’est la même chose). Une fois arrivé, vous pouvez marcher dans le site, mais l’aller-retour jusqu’aux pyramides de la Huaca Las Ventanas peut s’avérer très long (plus de 14 kilomètres au total). Afin de profiter pleinement du site, j’ai personnellement pris un mototaxi puis suis rentré à pied prenant les différents sentiers plus ou moins bien organisés. Le mototaxi coûte environ 30 soles, que vous pouvez partager avec d’autres touristes qui se joignent à vous. Le prix d’entrée du site est de 30 soles.
Musée national de Ferreñafe
Comment s’y rendre: Prenez un combi depuis le terminal Epsel pour Ferreñafe. Le musée est facile à attendre en marchant, mais vous pouvez prendre un mototaxi. Le prix d’entrée du musée est de 10 soles.
Site archéologique et musée de Túcume
C’est peut-être la combinaison la plus réussie entre un musée et un site archéologique dans la région de Lambayeque. Le site est passionnant à découvrir à pieds, et les pièces présentées dans son musée sont tout simplement extraordinaires pour l’archéologue amateur qui souhaiterait en savoir plus sur la civilisation Lambayeque. Tout est organisé autour de son Cerro La Raya (aussi connu sous El Purgatorio au sein des locaux), qui est situé au centre du site. La ville antique aurait été fondée par le Naylamp, rien que ça. Elle se trouve relativement proche du complexe de Batán Grande à vol d’oiseau.
Elle n’est pas toujours accessible, sans que l’on comprenne pourquoi. Si elle ne l’est pas lors de votre visite, rendez-vous y malgré tout. Il y a peu de gardiens, faites jouer votre charme si on vient vous ennuyer, parlez et montrez votre sincère intérêt à la voir. Cela vous permettra de passer les obstacles en cas de pépins. Les Péruviens sont souvent surpris de l’intérêt que peuvent porter les étrangers à leur patrimoine culturel, faites vibrer la corde patriotique auprès des personnes vous refusant les accès. Essayez de rencontrer Renzo Ventura, un archéologue passionné par son travail réalisant actuellement des fouilles.
Comment s’y rendre: Prenez un combi depuis l’Óvalo del Pescador pour Túcume. Le combi vous déposera à environ 2 ou 3 kilomètres du musée. Vous pouvez marcher ou prendre un mototaxi (2 soles). Le prix d’entrée du complexe est variable, entre 8 et 12 soles selon les lieux que vous souhaitez visiter. Personne ne contrôlera vos allées et venues, payez le prix que vous souhaitez. Si vous décidez de payer 12 soles, ce ne sera pas trop cher payé au vu de la qualité du site.
Site archéologique de Ventarrón, Pamalca: oubliez Caral !
Le 13 novembre 2017, une catastrophe s’est produite au Pérou dans l’indifférence la plus totale. L’un des temples les plus anciens d’Amérique du Sud (il est en concurrence avec Caral sur la question de l’ancienneté) a en partie brûlé, la faute aux champs de maïs trop près du site. Les travaux de restauration se font avec les moyens financiers d’une cafétéria d’étudiant, et n’avancent qu’à une lenteur d’escargot. Le chef de la restauration m’a expliqué disposer d’environ 10’000 dollars pour la restauration de ce site… mais aussi d’autres sites de la région.
Comment s’y rendre: prendre une combi à Chiclayo en direction de Pomalca, depuis le Terminal Epsel. Puis à Pomalca, prendre un mototaxi pour le site de Ventarron. Il est possible que le mototaxi ne connaisse pas le nom usuel du site, indiquez que c’est le dernier site archéologique sur le chemin. Demandez-lui de vous attendre. L’aller-retour devrait vous coûter 10 sols, que vous complétez pour son attente de quelques sols.
Le nord du Pérou est sous-exploité, pour le grand plaisir des amateurs de nature ou d’histoire antique. Profitez-en avant que cela ne change !
Merci pour ce sympathique commentaire et les informations complémentaires partagées!
Pour le musée de Sipán, je ne sais toujours pas si c’est l’écrin ou le diamant qui fait tant rêver. La muséologie est incroyable, les pièces exposées splendides, je partage votre opinion : c’est l’un des musées les plus réussis, à voir absolument!
Dans son genre, le Musée des Tombes Royales de Sipan est le plus beau que j’ai pu visiter de part le monde. Et j’en ai visité pourtant beaucoup, beaucoup… Collection riche et bien exposée, explications claires et didactiques. En particulier sur les personnages A, B, C, et D, que vous évoquez dans votre article sur la Dama de Cao.
Pour éviter la surfréquentation, à visiter dès l’ouverture, avant que les visiteurs n’arrivent de Chiclayo après leur petit-déjeuner. Pour cela, j’avais choisi de coucher à Lambayeque la veille après avoir visité Tucume et Sipan.
Le musée du site de Sipan, certes modeste, a lui l’avantage d’autoriser les photos. Appréciable pour le souvenir.
Pour compléter votre inventaire, à 10 km au sud-ouest de Lambayeque, site archéologique de la Huaca Chotuna Chomancap.
Sur la fin des Mochicas, visionner « Le crépuscule des Mochicas » au sein de l’excellente série documentaire « Enquêtes archéologiques ».
Fabrice