Plaidoyer pour un activisme à tout âge

Je ne cesse de m’interroger face à ces hommes (et certaines femmes) blancs, d’un certain âge, qui se moquent de la jeunesse qui manifeste avec vigueur sur cinq continents pour le climat. Après tout, j’en suis un moi-même, je devrais mieux les comprendre, ces grincheux qui cherchent à percer la moindre contradiction de l’adolescence, qui pourtant en comporte déjà foison, sans avoir à en rajouter une couche supplémentaire.

Leur cynisme est si éreintant qu’il m’en fait perdre parfois mon objectivité. Ecoutez-les:
Les jeunes sont dans la rue pour demander un monde plus éco-compatible? Qu’ils jettent leurs smartphones, ces hypocrites enfants gâtés.
Les jeunes vont nettoyer les déchets dans la rue, dans les cours d’eau? Qu’ils commencent par ranger leur chambre.
Les railleries ont pour objet de délégitimiser un combat perçu comme enfantin, car mené par des jeunes adultes qui n’ont pas encore de responsabilités. C’est donc que la responsabilité se définirait comme la reproduction du courant, soit de nos échecs personnels. Ainsi, l’adulte se projette dans ce qu’il a été lui-même à cette âge (irresponsable), injectant une dose de son propre courant (cynisme actuel) dans ce qu’il perçoit de la jeunesse. C’est là que me semble résider la traîtrise de l’homme blanc quadra et plus, car selon lui les jeunes ne pourraient rien changer, puisque… moi-même je n’ai rien changé et je profite du confort moderne. Et ces jeunes m’apparaissent parfaitement responsables, car demandant aux autorités politiques de prendre des actions et sanctions, tout en étant d’accord d’en subir les conséquences. Regardez Greta: elle cherche, réfléchit, explore de nouvelles façons de faire et vivre.

Notre ronchon n’a lui pas participé aux manifs de mai 68. Aux grèves sociales des années 30. Aux demandes des minorités ethniques de toutes époques. Battu le pavé pour s’opposer à la guerre en Irak. Hurlé contre la peine de mort. Soutenu les revendications féministes vieilles d’un siècle. Ou que sais-je encore, les opportunités d’offuscations sont nombreuses dans un monde d’humains, donc imparfait par nature.

Mais vous savez quoi, cher ami qui me ressemblez tant et si peu? La plupart de ces revendications ont été traduites en lois et en changement sociaux. Mettez fin à vos ricanements cyniques, on les a entendus à toutes les époques. Les femmes les ont entendus. Les noirs. Les LGBT. Les étrangers. Les minorités religieuses. Les écolos. Le Front populaire. Tous ont été conspués par ceux qui n’avaient rien fait de leur vie pour un monde meilleur. Les activistes ont malgré tout fait bouger les lignes. Manifester, ça marche. Et ce fut presque toujours le fait des jeunes, qui n’avaient pas forcément un plan sur les actions à mener pour les prochaines cinquante années.

Il y a, on le voit bien, un lien entre le fait de se sentir impuissant face au réel et au courant, et la condescendence avec laquelle on observe la jeunesse dans la rue. Ces jeunes sont un miroir dans lequel nous contemplons avec effroi nos propres échecs, peurs, et lâchetés. Notre vie passée sans lutter pour l’autre. Plutôt que se retrousser les manches en vue d’aider cette jeune génération avec de nouvelles revendications, qui pourrait dramatiquement se planter comme elle le fit par exemple en Egypte en 2011, on préfère l’infantiliser car c’est rassurant. Comment quelqu’un qui aurait passé sa vie à ricaner que rien ne peut changer, n’a fait que choisir la voie la plus simple, pourrait ne pas chercher à se… protéger? Preuve par son contraire : qu’on me trouve un activiste passé ou actuel qui se moquerait de la jeunesse qui fait grève le vendredi. Celui-ci, en effet, s’est inscrit dans le monde, et n’a rien à se reprocher. Il regarde avec compassion ceux qui prennent son relais. Nous ne somme qu’un maillon de la chaîne, nous avons remplit notre devoir.

Je finis par une bonne nouvelle: la rédemption est à la portée de tous et à tout âge. Vieux blanc horrifié par la jeunesse des activistes, vous pouvez les faire profiter de vos expérences, de vos erreurs, la jeunesse pour mener le plus juste des combats à l’heure actuelle. Le combat est juste, vous le savez, donc dépensez votre énergie en les aidant plutôt qu’en ricanant. N’ayez pas peur: si des jeunes peuvent le faire, vous aussi. Vous ne serez pas jugé sur ce que vous avez fait jusqu’à maintenant, car hier ils étaient peu.

Mais sur ce que vous décidez de faire maintenant, car aujourd’hui, nous sommes beaucoup.

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