L’assurance maladie en Suisse : vers une caisse unique ?

Le 11 mars prochain, le peuple suisse se prononcera sur l’avenir de l’assurance-maladie, puisque le pays connaît depuis 1996 le régime légal LAMal (pour Loi fédérale sur l’assurance-maladie). A l’époque, le système introduit avec pour double objectif plus d’égalité, mais aussi plus de rentabilité dans la sécurité sociale suisse. Cette schizophrénie, dénoncée par les gens sérieux, va peut-être prendre fin. Alors que les accusations contre le nouveau modèle, soumis au peuple, dépassent rarement les attaques idéologiques (les épithètes et quolibets prenant invariablement source auprès de l’histoire de l’Union soviétique ou de la Chine de Mao), il est peut-être nécessaire de se pencher quelques instants sur notre loi actuelle, dont la durée de vie dépasse maintenant la décennie, et ne peut plus être décemment maintenue.

A l’origine de la loi actuelle, l’espoir de prendre le meilleur au privé et au public. Socialement à gauche et économiquement à droite; une idée venue d’autres temps. Et profondément naïve, puisqu’elle demande au secteur privé, dont le but est de faire de l’argent, de prendre sur lui et de traiter de manière égale tous les assurés. Je répète : on demande au secteur privé de faire de l’argent, en traitant de manière égalitaire tous ses assurés. Il ne doit pas exister d’autre exemple où l’on demande, sans lui permettre une discrimination, au privé de s’investir ainsi dans l’égalitarisme.

Pouvoir discriminer, c’est l’origine même du secteur privé : le faire sur le prix, le faire sur la rapidité, le faire sur l’efficacité, le faire sur la qualité, il n’existe aucune limite à la discrimination. Je conclue une assurance pour la voiture, et voilà que même le pays dont je suis originaire sera source d’augmentation de ma police d’assurance. Je me rends au supermarché, et c’est un savant mélange de coût-qualité-packaging qui décidera de mon achat. Il n’est pas nécessaire de suivre des cours avancés de marketing pour savoir que chaque entreprise (offre) cherche à cibler un certain type de clients (demande).

Or, le régime légal suisse demande l’irrationnel aux assureurs maladie du pays : faire un maximum d’argent, avec un système social. Peut-être est-ce sous l’inspiration des exemples anglo-saxons que cette loi avait été conçue, mais on peut affirmer sans trop se mouiller que sa réussite est à la hauteur de ce qui se fait aux USA ou en Angleterre : le résultat est inique. Les primes ont explosées. Les scandales se sont démultipliés. Les petits assureurs ont mis la clé sous le paillasson. Les coûts de la santé atteignent des chiffres vertigineux, même pour un pays montagneux comme le nôtre. Passons en revue quelques unes des catastrophes provoquées par la LAMal.

Exemple parmi tant d’autres, l’affaire des réserves. Certains assureurs provisionnent plusieurs centaines de francs par assuré, d’autres quelques dizaines de francs. Ces réserves, il faut bien les constituer… ce qui se fait par le biais de la prime. Ce qui demande une augmentation de cette dernière, pour tout nouvel assuré. Et qui n’est JAMAIS lâchée lors du départ de l’assuré. Et ces réserves augmentent, année après année, et ne disparaissent qu’en cas de faillite ou de (très fréquents) rachat ou fusion. Cet effet pervers de la LAMal, Pierre-Yves Maillard (vice-président du Parti socialiste suisse), ne le laisse jamais passer, interpellant année après année le gouvernement sur ce sujet.

Exemple démontrant la frustration des assureurs privés d’avoir à se comporter comme un service social étatique : l’acceptation d’un nouveau client – pardon, un nouvel assuré. La loi est pourtant claire :

Art. 4 LAMal : Les assureurs doivent, dans les limites de leur rayon d’activité territorial, accepter toute personne tenue de s’assurer.

Pourtant, l’assureur Assura pour ne pas le nommer, est bien connu par les professionnels de la branche pour ses restrictions à l’entrée des nouveaux assurés. N’acceptant qu’avec difficultés des personnes âgées, des personnes déjà malades, ou encore des personnes en défaut de paiement (non discrimination oblige), elle a le culot, depuis bien des années, de bafouer en toute impunité la loi, refusant les souscripteurs souhaitant bénéficier d’une franchise minimale. En effet, la LAMal est conçue avec un objectif de responsabiliser les assurés; ceux-ci doivent s’acquitter de leurs frais médicaux à concurrence de 300.- Frs aujourd’hui (150.- à ses débuts en 1996). Or, pour baisser ses coût faramineux d’assurance maladie, le citoyen suisse peut augmenter sa participation aux frais médicaux, avec un plafond fixé à 2500.- Frs, avec différents palliers intermédiaires (500, 1000, 1500, 2000 Frs); et cet assureur privé, l’un des plus florissant du domaine, refusait sans complexe tout nouveau souscripteur qui prenait la franchise minimum. Ses formulaires d’adhésions ne mentionnaient d’ailleurs même pas la possibilité de souscrire une assurance au montant de franchise minimum…

La surveillance des caisses maladie est un échec, car le travail est très complexe. Au sein de l’Office fédéral des assurances sociales, c’est tout une armée de fonctionnaires qui s’escriment sur des comptes flous, imprécis, transmis par les assureurs privés à des fins de vérifications. La montagne accouchant d’une souris d’une souris chaque année, les remontrances étant limitées à des conseils, on se demande le but visé par ce département.

Les restrictions faites aux assurés croissent avec la même régularité que les primes maladie : franchise qui augmente, choix du médecin qui se réduit, passage du tiers-payeur au tiers-garant (les médicaments doivent être immédiatement payés à la pharmacie, plus question d’avoir pour « caution » son assureur), beaucoup de pistes ont été explorées pour juguler le torrent de protestations liées aux carences de cette loi. Rien n’y fait, rien ne semble stopper l’hémorragie. Pascal Couchepin, Conseiller fédéral à l’économie, a été incapable de trouver des solutions transitoires.

Pourtant, l’origine de la plaie est facilement identifiable : demander au privé d’assumer le rôle du public. Comment forcer un assureur à accepter des mauvais payeurs, des mauvais risques ? Est-ce qu’un tel montage ne semblait pas, dès le départ, vicié ? Forcer les entreprises à faire des pertes ? C’est ridicule… Et le résultat était prévisible : elles ne joueraient pas le jeu, profiteraient du moindre interstice ouvert (les assurances complémentaires, qui viennent en sus de l’assurance obligatoire et augmentent le panel de soins remboursés) pour faire du profit. Pour se soustraire aux règles établies, des règles de secteur public.

Il existe des domaines qui doivent faire partie du giron étatique, sous peine de voir une catastrophe poindre à l’horizon. Il ne viendrait pas à l’esprit – d’un Européen continental, du moins – de privatiser l’armée; privatiser le secteur de l’assurance sociale est tout aussi absurde. L’assurance maladie est un domaine où aucune discrimination ne doit se faire, car le droit à des soins ne peut souffrir de restrictions. Aussi, bien que l’épouvantail français sera agité durant la campagne comme le symbole de l’échec des tentatives d’étatisation totale de l’assurance maladie, n’oublions pas lors des votations qu’avoir autre chose qu’une assurance maladie publique serait un fiasco programmé.

Cet article a 4 commentaires

  1. jcv

    Ps: Copie et diffusion encouragées pour autant qu’elles soient conformes à l’original.

    Précision ô combien utile au vu des révélations… J’ai beau partager les craintes exprimées, je n’en comprends toutefois pas cette dernière phrase.

  2. JMR

    Jusqu’à ce que mort s’ensuive !

    Ne nous trompons pas ! Dans nos pays dits « civilisés et humanistes », il y a des personnes qui souffrent le martyre sans que la chair soit elle-même torturée !

    En effet, il y a en Suisse une loi (la Lamal) qui oblige toute personne à souscrire une assurance maladie, qu’elle soit pauvre ou riche, qu’elle en ait les moyens ou non.

    Là où le bât blesse, c’est que des dizaines de milliers de pauvres (oui il y en a aussi en Suisse) ne sont plus capables d’en payer les primes.

    Ces derniers sont alors déférés devant des instances de recouvrement afin que leurs maigres biens soient saisis pour couvrir tout ou partie de leur créance mensuelle; créance qui se renouvelle chaque mois comme le dirait Monsieur de la Palisse !

    Notons encore que tant qu’il y a un arriéré dans le paiement des primes d’assurances (frais de rappel, de poursuites et intérêts de retard compris), aucun remboursement de leurs frais médicaux ou pharmaceutiques ne leur sera octroyé !

    Ainsi ces pauvres se trouvent pris dans une machinerie infernale sans avoir la possibilité d’en sortir, car l’assurance reste obligatoire.

    En résumé, l’État endette légalement et appauvrit ses citoyens vivant dans la précarité. Par cette attitude, il fait en sorte qu’ils ne bénéficient d’aucune prestation… jusqu’à ce que mort s’ensuive ! Mort naturelle ou par maladie non soignée !

    Jean-Michel R. – 16 février 2008
    – En faveur des opprimés de la Lamal - 

    (Les coordonnées de l’auteur seront données sur demande)

    Ps: Copie et diffusion encouragées pour autant qu’elles soient conformes à l’original.

  3. Jean

    Pour info voici une autre adresse d’un blog au sujet de la caisse unique

    La CAISSE UNIQUE –> NON

    La logique de tout humain est de ne pas foncer dans quelque chose à l’aveugle, on est résistant au changement.

    Il n’est pas possible de raconter des bêtises… que la caisse unique résoud tout… faux.

    Pour faire passer une caisse unique, il faut au moins amener un plan de financement qui tienne la route….

    lien publicitaire vers un pseudo-blog enlevé

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