• Publication publiée :8/11/2005
  • Post category:Politique

Feu de joie triste, mai 68 est définitivement mort et enterré

Dans une ambiance qui n’a absolument rien à voir avec les émeutes de mai 1968, la France vit depuis 11 nuits les émeutes les plus violentes depuis 35 ans.

Alors qu’on se souvient des étudiants qui montaient aux barricades, qui s’opposaient aux forces de l’ordre en lançant des pavés, en scandant des slogans égalitaristes, aujourd’hui on assiste à une flambée de haine déchaînée par les déshérités des banlieues. Les deux sont parfois comparées dans la presse, est-ce à juste titre ?

Mai 68 était une révolution de bourgeois : ces jeunes voulaient détruire une société sclérosée par son aspect patriarcal. « Tu es jeune, attend que ça passe », disaient les chefs d’une société hautement traditionnaliste. C’était aussi des « tu es femme, trouve un mari et consacre-toi à ton foyer » beaucoup plus définitifs.

Quand on combat pour la liberté d’être un jeune, d’être une femme, c’est une lutte de riche; la panse est suffisamment remplie pour se préoccuper d’autres aspects de sa vie. Est-ce que les banlieues à feu (et à sang ?) ne sont pas de même des combats de bourgeois ?

Évidemment, les banlieues ne sont pas les régions les plus productives de France. Si on trouve une concentration tout à fait anormale de vêtements de marque relativement au revenu par habitant, il ne faut pas en tirer des conclusions hâtives. Ces jeunes, totalement rejetés dans une société qui ne les aime pas, ont un besoin presque maladif d’exister : si ça passe par des baskets nike, des casquettes NYC ou de grosses vestes mamouth, c’est déjà signe d’un malaise. Ces mômes, déracinés – une fois qu’ils ont appris qu’ils ont des racines au Maghreb -, déscolarisés, dépréciés et dénigrés, se doivent de trouver des moyens d’exister. Des parents au chômage, ou exerçant un travail totalement rejeté par la société ultra-élitiste dans laquelle nous vivons, ils n’ont pour seul référence les médias – principalement audio-visuels.

Et que font ces médias ? Les assommer encore davantage. Les présenter comme des sous-hommes, impossible à comprendre. Qui s’expriment dans un langage – le verlan – que personne de civilisé ne peut comprendre. La caricature est tellement reprise, que l’animal politique opportuniste, Nicolas Sarkozy, en a fait depuis longtemps son cheval de bataille. Et c’est ici que je veux tenter une comparaison audacieuse, mais que je ne crois pas fallacieuse : à l’image d’Ariel Sharon se promenant sciemment devant le mur des lamentations (le 28 septembre 2000), prévoyant une réaction émotionnelle revancharde mais plutôt pratique pour les élections qui se profilaient en Israël, le ministre de l’intérieur français n’a cesser de déambuler devant le mur des banlieues.

« Racaille », bons être « nettoyés au karcher », les provocations de Sarkozy ont été non seulement démagos, mais ont attisés le foyer de haine des jeunes des régions défavorisés. La contagion a dépassé Paris, pour s’étendre même à d’autres pays, comme l’Allemagne ou la Belgique. Ces jeunes en ont assez d’être considérés comme du gras sur une viande. A la recherche d’identité, sans perspectives d’avenir, les instrumentaliser pour des calculs politiques méprisables (mais M. Sarkosy en a fait une seconde nature, se souvenir de la prise d’otage dans une maternelle tellement médiatisée qu’elle ressemblait à Truman Show), voilà qui est condamnable.

Dans le même temps, le comportement de ces ados est tout aussi répréhensible: on ne lance pas des cailloux sur les pompiers, on ne frappe pas des sexagénaires, on ne brûle pas des écoles. On a la désagréable impression que les jeunes sont en train de se ligoter eux-mêmes, voire de creuser leur propre tombe. Leur avenir déjà bouché, les voilà qui à l’image de chiens de combats, s’entre-dévorent entre eux. Les obstacles risquent de devenir insurmontables. Les premiers à payer ces émeutes seront les… déshérités, justement. Ceux qui ne pourront se rendre à leur travail parce que leur voiture a brûlé, ceux qui se retrouveront au chômage technique parce que le bus qu’ils conduisent s’est définitivement enflammé. Assurément, les émeutes n’ont rien de bourgeois, bien que la recherche d’une identité soit au coeur de la révolte d’aujourd’hui comme d’hier. La lutte met en avant la recherche du respect, en 68 comme en 05.

Mais Mai 68 voyait les bourgeois s’en prendre aux bourgeois : novembre 05 voit les prolétaires s’en prendre aux prolétaires. Autant dire, qu’à moins d’une surprise extraordinaire (contagion dans les centres villes, extension profonde dans les autres pays), cette révolte est morte dans l’oeuf. Sans soutien ni réelle sympathie des anciens soixante-huitards embourgeoisés, sans large soutien non plus des habitants des habitants des banlieues, ces jeunes vont devoir progressivement rentrer dans le rang, comme l’a fait la génération précédente en son temps.

Mais Mai 68 a trouvé sa solution, puisque des changements légaux et sociétaux ont été opérés. La situation dont découlent les émeutes françaises va perdurer tant que le gouvernement ne prendra pas des mesures autres que répressives. Ce gouvernement français est considéré comme illégitime par tous les partisans de gauche – ceci est un constat, pas une analyse -, et honni par une partie bruyante des habitants de banlieues. Presque à l’image de la 4ème République, changement de gouvernement sur changement de gouvernement, il aura avancé cahin-caha durant 5 ans. Si il y a eu des succès en politique étrangère, le bilan interne des Raffarin et de Villepin aura été catastrophique. Même si tout rentre à la normal, aucun homme politique français n’est suffisamment visionnaire pour oser le changement, dire que c’est une société à construire qu’il faut envisager. Ce n’est pas des doses homéopathiques, mais une thérapie de choc qu’il faut envisager. Un projet de société cohérent, futuriste, rassembleur doit émerger, maintenant.

Le roi est mort, vive le roi ! Oui, le jour où l’on comprendra que ce sont les idées qui comptent, et non les hommes.

Cet article a 3 commentaires

  1. paupi et riri

    salut on fait nos T.P.E (travaux personnels encadrés) sur les différences entre les générations.le changement étant constaté en mai 1968 on aimerait trouver des études sur les adolescents d’avant mai 68 pour pouvoir comparer avec les ado actuels.si vous avez une solution ou un conseil n’ésitez pas a nous en faire part merci beaucoup 🙄

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