Dans la peau d’une blonde

C’est l’histoire d’un mec…

commençait Coluche. Eh bien non, ce n’est pas l’histoire d’un mec, mais d’une nana. Une femme, qui se trouve être une amie, qui se présente à un entretien d’embauche. Jusque là, rien de bien exceptionel : travailler pour manger, voilà la condition humaine résumée de manière pas très originale.

Le problème, c’est que cette femme est une femme. En plus d’être une femme femme, c’est une femme blonde. Des cheveux décolorés à la californienne, une vraie blonde (enfin, pour ce que j’en sais, aussi), qui doit subir gags, moqueries, épithètes peu glorieux depuis 5-6 ans. Depuis qu’il est à la mode de chercher la blague ridiculisant le plus cette minorité capillaire. Je ne critique pas, je participe aussi au mouvement.

Si se moquer des blondes est relativement neuf, sous-estimer ou déconsidérer les femmes est une nouveauté bourgeoise. Mai 68 et tout le mouvement féministe ont-ils changé cela ?

Je ne me pose pas cette question gratuitement. J’entends régulièrement des phrases comme « ces féministes, elles en font trop ». Pire, des « je ne suis pas une féministe, moi, je n’ai pas basculé dans l’extrémisme » sont proférés très couramment dans mon entourage féminin. Etre féministe, en plus d’être has been, c’est être extrémiste. Parler d’Isabelle Alonzo déclenchait un torrent de protestations, autant de prises à distances qu’il convenait de mentionner à l’égard du gentil mal.

J’ai écouté platement pendant des années de tels discours, articulés par des lèvres féminines, sans bronché. J’ai certainement pris un très grand plaisir à les entendre, me confortant peut-être dans ma certaine idée de la virilité qui doit rester dans la société. Il y a quelques mois encore, je me moquais d’un site « trop engagé ».

Si je n’ai pas changé d’avis sur un certain activisme outrancier de certaines femmes, qui savent parfois se métamorphoser en véritables castratrices, je m’interroge sur la pertinance de la distanciation qu’opèrent les femmes « modernes » (comprendre : elles rejettent le féminisme) vis-à-vis du combats de leurs soeurs des années 60.

Pour revenir à mon amie aux cheveux rappelant le blé, elle s’est donc présenté à un entretien d’embauche. En face, un vrai professionnel de la communication : il ne se mouille jamais, fait référence à des amis jamais citer quelqu’un nommément, vous propose un salaire que refuserait un réfugié en vous faisant croire que c’est votre idée. Bref, un recruteur.

Mon amie avait l’outrecuidance de viser un travail qualifié pour ce recruteur. Un travail à responsabilité, un travail d’action, en fait, quelque chose qui correspondait à ses envies et à sa formation. Le professionnel du recrutement lui a expliqué, de manière polie, ses collègues ne prendraient pas au sérieux une blonde; que quand les entrepreneurs viendraient la rencontrer, ils risqueraient de marginaliser ses propositions sous prétexte que proféré par une femme, cela serait peu crédible; étant entendu que lui-même regrettait cet état des choses, mais qu’il devait faire avec.

J’ai travaillé pas loin de dix ans dans ma courte vie. Je ne pense pas être particulièrement idéaliste quant au respect masculin des femmes; mais je crois que le combat des femmes n’est pas seulement d’obtenir des salaires équivalent (ce que verront peut-être mes petits-enfants), mais simplement un respect, une sincérité auxquels elles ont le droit. Notre société n’a toujours pas résolu ses problèmes de machisme, et la peur du mâle de « perdre sa place » n’a rien à voir là-dedans. Mépriser les femmes ne fait pas partie de la constitution de la masculinité. Du moins, je ne l’espère pas. Et beaucoup, oui, beaucoup passe par l’éducation, la féminisation des mots, tous ces trucs dont raffolent les constructivistes, et que j’ai décidé d’arrêter de rejeter quand j’en ai compris les enjeux.

Mesdames, vous avez encore beaucoup de travail. Soyez assurées que dans ce travail-là, personne ne vous mettra à la porte pour chômage technique.

Cet article a 4 commentaires

  1. jcv

    Mon cher Laurent, je comprends que tu souhaites garder ton anonymat. Voilà un courage qui correspond bien à l’idée que je me suis toujours fait de toi. Surtout depuis ta « campagne » pour le 29 mai.

    Ceci dit, maintenant que tu es presque plus à gauche qu’Arlette L. (après avoir été plus à droite que Dominique S.K.), tu vas te faire latter à avoir des propos de bourgeois. Tu ne peux plus dire aussi spontanément ce que tu penses… Tu as des responsabilités, maintenant, pas comme quand tu étais premier ministre !

    🙂

  2. Laurent_F.

    Oui, mais durant les heures de travail, qui, et je dis bien qui, gardera les enfants?

    Laurent F.
    Ancien No 2 d’un parti politique français à la rose.

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